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Il soupira.

— Je ne sais pas dans quoi tu t’es fourré, mais je vais te répondre. Pour l’opérateur, ça ne pose pas de problème, ils ont des accords entre eux. Pour la procédure, impossible de passer au-dessus, cela se fait dans des locaux de la PJF réservés à cet effet. Un secrétariat gère la demande, ce qu’ils appellent le réquisitoire Jl, pour donner accès à un box d’écoute. En moyenne, je dirais deux heures.

— Merci, Patrick, je te rappellerai. Je vais bientôt rentrer en Belgique et j’aurai besoin de toi.

Je coupai la communication avant qu’il ne parte dans un interrogatoire sans fin.

Je consultai ma montre.

20 h 12.

Je fis le tour du salon et me rendis dans la cuisine. Un monumental frigo américain rouge vif bardé de magnets monopolisait l’espace. Quelques photos de la propriétaire des lieux en compagnie de ce que je présumai être sa fille étaient punaisées sur un pêle-mêle en liège.

Je poussai l’audace jusqu’à ouvrir le frigo et me servis un verre de Perrier qui se révéla plat et sans goût.

Elle fit son apparition alors que je vidais le contenu de mon verre dans l’évier.

— Je l’ai.

Elle dissimulait sa satisfaction avec peine.

— Bravo ! Quel est le préfixe ?

— 31.

— J’en étais sûr.

Je jetai un coup d’œil à l’horloge murale.

20 h 32.

Je pris mon téléphone portable et composai le numéro de Witmeur. Il décrocha avant la fin de la première sonnerie.

Fidèle à lui-même, il commença par un poncif du genre.

— Vous voulez jouer au chat et à la souris avec moi, mon vieux ?

J’inspirai une grande goulée d’air avant de lancer ma tirade.

— Écoutez-moi attentivement. Vous voulez mettre la main sur les vrais coupables ? Je vous les offre. Mettez le numéro suivant sur écoute et vous en saurez bientôt plus que moi. Notez : 31-6-3456.7653. Ne me demandez pas de répéter, je sais que cette conversation est enregistrée. Bonsoir, mon vieux.

Je raccrochai, pantelant.

Christelle Beauchamp me dévisageait, mi-interrogative, mi-admirative.

Elle leva les sourcils.

— Pas mal.

Notre différend s’accordait une courte pause.

La fébrilité et l’excitation prenaient le dessus sur son ressentiment. La perspective de signer un beau papier ou de faire parler d’elle n’y était certainement pas étrangère.

— Merci. Espérons qu’il me prenne au sérieux.

— S’il ne vous rappelle pas dans la minute, c’est qu’il vous prend au sérieux.

— Croisons les doigts.

— Mais pourquoi Tipo ? Vous m’avez dit ce matin qu’il avait un alibi en béton armé.

— Justement. Un alibi un peu trop beau. Selon vous, que fait un homme normalement constitué après avoir disputé un match de football, être allé dîner dans un restaurant huppé, avoir eu des relations sexuelles et être rentré à son hôtel à deux heures du matin ?

Elle fit mine de réfléchir.

— Il va dormir ?

— Pas Juan Tipo. Il reste une demi-heure dans sa chambre puis redescend au bar et y campe jusqu’à l’aube.

— Pour être sûr qu’on l’y voie ?

— Exactement. Et avoir un alibi en béton armé.

— C’est quoi votre scénario, alors ?

— Juan Tipo est allé chez Shirley Kuyper, c’est une certitude. Il avait peut-être un peu trop bu et lui a parlé du match truqué pendant leurs ébats. C’est un footballeur, pas un génie. De plus, il arrive que l’on commette des erreurs quand on est en état d’ébriété.

Elle leva une main en signe de protestation.

— C’est bon, n’en rajoutez pas.

J’enchaînai pour éviter une nouvelle scène.

— Variante, Tipo connaissait le résultat d’un des matches qui n’avaient pas encore été joués et a demandé à Kuyper de parier pour lui. Rappelez-vous, le beurre et l’argent du beurre. Une fois dessoûlé, il s’est rendu compte qu’il avait commis une erreur et a voulu la faire taire.

— Comment l’a-t-il tuée ? Il était au bar.

— Deux hypothèses. La première, l’heure du meurtre n’est pas la bonne.

Elle fit la grimace.

— Vous m’avez dit que le meurtre a eu lieu à cinq heures du matin. Tipo est rentré à deux heures. Trois heures de décalage ? Les voisins ont entendu une détonation à cinq heures, les flics sont arrivés, le médecin légiste a fait son boulot, tout le monde s’est trompé de trois heures ?

— Il reste la seconde hypothèse.

— Allez-y.

— Tipo est rentré à l’hôtel à deux heures. Il est monté dans sa chambre et est redescendu une demi-heure plus tard. Le temps de demander à quelqu’un de faire le boulot à sa place.

Je la laissai suivre le cheminement de mon raisonnement.

Elle dodelina de la tête.

— Adil Meslek ?

— Adil Meslek, le brave homme à tout faire.

— Ce qui expliquerait la visite de Nolwenn à Casablanca.

— Exactement. Elle a dû être témoin de quelque chose à Johannesburg. Elle est allée voir Adil Meslek pour lui faire peur et les faire chanter, lui et Tipo, sachant que l’Argentin est fortuné et que l’argent viendrait de lui.

— Et ils ont fait semblant de marcher.

— Oui, sauf que cette fois, c’est Meslek qui a demandé à Tipo de faire le ménage.

— Échange de bons procédés. Plausible. Et maintenant ? Qu’est-ce qui vous fait croire que Tipo va lâcher quelque chose au téléphone ? Votre Witmeur risque d’attendre pendant des semaines, cette histoire date d’il y a plus d’un an.

— Nous allons la réactiver.

— Comment ?

— C’est la deuxième partie du plan.

— Arrêtez de vous la jouer Hitchcock et dites-moi en quoi consiste la deuxième partie de votre plan ?

Je jetai un nouveau coup d’œil à l’horloge murale.

20 h 40.

— Vous allez appeler Tipo.

Elle sursauta.

— Moi ? Je ne parle pas espagnol.

— Il a joué dans un club français pendant deux ans.

— Je l’appelle pour lui dire quoi ? Excusez-moi de vous importuner à cette heure tardive, mais j’aimerais savoir pourquoi vous êtes resté au bar de votre hôtel durant la nuit du 27 au 28 juin 2010 au lieu d’aller dormir après avoir baisé cette pute.

Je lui tendis mon iPad.

— Il y a deux scénarios. Soit il répond et vous lui dites ceci, soit vous arrivez sur sa messagerie et vous récitez ce qui se trouve à la page suivante. Considérant que vous lui téléphonerez à 22 h 40, vous avez le temps de vous préparer et de vous mettre en condition.

Elle parcourut en diagonale le texte que j’avais préparé.

Ses yeux s’agrandirent d’effroi.

Elle s’égosilla.

— Vous êtes complètement dingue !

37

CONVERSATION SECRÈTE

À 22 h 40, je lui tendis mon téléphone.

— Vous êtes prête ?

Elle hocha la tête.

— Ça devrait aller. Pourquoi voulez-vous que j’utilise votre téléphone ?

— Par mesure de sécurité. Nous ne savons pas de quoi cet homme est capable. Dans le pire des cas, ce numéro ne le mènera nulle part.

— Comme vous voulez.

Je me gardai de lui dire que la raison principale était que Witmeur l’avait mis sur écoute et que je tenais à tout prix à ce qu’il intercepte l’appel. Si Juan Tipo ne répondait pas, il fallait qu’il sache que c’était un stratagème et que je dirigeais les opérations en coulisses. Impulsif comme il était, il aurait été capable de s’interposer et de faire échouer la manœuvre.