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— Violation de domicile, insultes à un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions.

— Insultes ?

Il souleva ses lunettes.

— Tu m’as dit d’aller me faire foutre.

— J’étais en colère.

— Conduite en état d’ébriété.

Je m’insurgeai.

— C’est quoi, cette histoire ? Conduite en état d’ébriété. Quand ça ?

— Ce soir.

— Vous rigolez ?

Il referma le classeur.

— Dans quelques jours, le scandale des matches truqués éclatera et tu deviendras une star. Tu feras la une des canards, tu seras un héros. Le lieutenant Barnès aussi.

Je vis une ouverture.

— Vous aussi, dans quelques jours, vous pourriez devenir un héros.

Il leva un sourcil.

— Ah bon ? Pourquoi ?

— J’ai quelque chose pour vous. Un paquet. Je vous offre la possibilité d’arrêter un gros trafiquant.

Je lui relatai le marché que j’avais passé avec Rachid et lui fis part de l’échange de colis.

Il parut intéressé.

— Qu’est-ce qu’il y a dedans, à ton avis ?

— Faux papiers, diamants, héroïne, je ne sais pas. Du lourd en tout cas.

— File-le-moi, je vais le faire ouvrir par le labo.

— Il est en bas, dans ma valise.

— OK, on y va.

Il se leva.

D’un geste, il expédia le classeur dans la poubelle.

— Ce qu’on peut pondre comme paperasse.

Je me levai à mon tour, sous le coup de l’émotion.

— Merci, monsieur Witmeur.

Il me répondit en m’adressant un clin d’œil.

Une information que j’avais laissé passer me revint.

— À propos, qui est ce Barnès dont vous parliez ?

— Cette. Lieutenant Christine Barnès, elle travaille au Service central des courses et jeux de Nanterre. Ça fait quatre ans qu’elle fait le sous-marin pour piéger les truqueurs de paris. Tu la connais mieux sous le nom de Christelle Beauchamp. On s’en jette un petit dernier avant d’aller dormir ?

LUNDI 19 SEPTEMBRE 2011

ÉPILOGUE

Véronique passa la tête par la porte de mon bureau.

— Monsieur Witmeur est arrivé.

— Merci, Véronique. Faites-le entrer.

Il avait eu raison.

Durant une semaine, les journaux belges n’avaient parlé que de moi et de mes exploits.

J’étais passé à la radio et au journal de vingt heures. J’étais devenu une star, un héros, un demi-dieu. J’avais élucidé les meurtres de Nolwenn Blackwell, de Richard Block et de Shirley Kuyper. De plus, de manière indirecte, j’avais permis le démantèlement d’une filière de paris illégaux et de trucages en tous genres. Mes voisins me saluaient avec déférence, les femmes minaudaient sur mon passage, mes confrères se réjouissaient de cette heureuse tournure et une marque de café soluble m’avait proposé d’apparaître dans une de leurs publicités.

De son côté, tenue par son devoir de réserve, le lieutenant Barnès était restée muette. Seuls quelques communiqués officiels relataient avec sobriété les grandes lignes de l’enquête.

En fin de semaine, j’avais pris l’initiative de l’appeler sur son portable.

— Bonjour, lieutenant Barnès, c’est Hugues Tonnon.

Sa réponse avait claqué.

— Capitaine. Capitaine Barnès.

— Pardonnez-moi. Toutes mes félicitations, capitaine.

— Merci. Comment allez-vous, monsieur Tonnon ? On dirait que les choses s’arrangent pour vous.

Sa voix s’était radoucie et je m’étais quelque peu détendu.

— En effet. C’est d’ailleurs pour cette raison que je vous appelle. Je tenais à vous remercier pour l’aide que vous m’avez apportée au cours de cette histoire. Sans vous, je ne sais pas comment je m’en serais sorti.

Elle avait marqué une pause.

— Je n’ai fait que mon travail. Pour être honnête, vous aussi, vous m’avez bien aidée. Sans vous, je n’y serais pas arrivée. Je serais sans doute encore occupée à tourner en rond.

Comme le climat me semblait favorable, je m’étais jeté à l’eau.

— Je voulais aussi vous présenter mes excuses pour ce qui s’est passé, capitaine. Je suis impardonnable, j’ai profité de la situation, je me suis laissé aller à mes plus bas instincts. J’aurais dû me contrôler. Croyez bien que je regrette mon attitude.

Le silence qui avait suivi mon mea culpa m’avait paru interminable.

— Hugues ?

— Oui ?

— J’accepte vos excuses.

J’avais poussé un soupir de soulagement. En plus des remords sincères que j’éprouvais, l’idée de me faire attaquer en justice par un officier de police pour agression sexuelle me taraudait depuis que j’avais appris sa véritable identité.

— Je vous remercie.

Elle avait aussitôt repris.

— Par la même occasion, je vous présente les miennes.

J’étais resté interdit.

— Les vôtres ? Pourquoi ?

— Pour avoir profité de la situation, moi aussi.

— Je ne comprends pas.

Elle avait laissé échapper un léger rire.

— Vous savez, pour faire l’amour dans son sommeil sans s’en rendre compte, il faut avoir deux grammes d’alcool dans le sang ou une bonne dose de GHB, et j’étais loin d’avoir atteint ce stade.

J’étais resté stupéfait.

— Vous étiez consciente ?

— Bien sûr que j’étais consciente. Je suis désolée de vous avoir fait croire le contraire. J’étais sous une pression permanente depuis quatre ans. Cette mission me hantait, corps et âme. D’un coup, j’ai senti que j’approchais de la fin. J’ai eu besoin d’une soupape. Pour tout vous dire, j’en avais envie. Le lendemain, je m’en suis voulu d’avoir dérapé et d’avoir eu un comportement non professionnel.

— Alors, vous ne m’en voulez pas ?

Sa voix s’était durcie.

— Si, je vous en veux.

— Pourquoi ?

Elle m’avait interrompu.

— Je vous en veux d’avoir dit que vous n’en gardiez pas un souvenir impérissable.

J’avais marqué un long moment de silence, ne sachant comment rattraper ma muflerie.

Elle avait repris l’initiative.

— Je plaisante, Hugues, remettez-vous ! C’est déjà oublié. Je dois vous laisser, le devoir m’appelle. Venez me voir quand vous serez de passage à Paris, nous nous raconterons nos histoires d’anciens combattants.

J’avais balbutié.

— D’accord, je vous appellerai. À bientôt, capitaine.

Son rire avait résonné.

— Au revoir, Hugues. Au fait, appelez-moi Christine.

Witmeur fit son apparition dans mon bureau.

Je me levai et lui tendis la main.

— Bonjour, je suis heureux de vous voir. Merci d’avoir accepté mon invitation.

Il me serra la main sans sourire.

— Qu’est-ce que vous me voulez ?

Dès le lendemain de notre retour à Bruxelles, il était revenu au vouvoiement.

— Voir comment vous allez. Asseyez-vous, je vous en prie.

Il s’assit et croisa les jambes.

— La routine.

Je ne pus attendre plus longtemps pour lui poser la question qui me brûlait les lèvres.

— Alors, le trafiquant, vous l’avez arrêté ? Qu’est-ce qu’il y avait dans le paquet ?

Il prit un air énigmatique.

— Vous connaissez Rabah Driassa ?

Je supposai qu’il s’agissait d’un membre influent d’Al-Qaïda, mais ne voulus pas m’aventurer sur un terrain glissant.

— Ce nom me dit quelque chose.