Il soupira.
— Ça m’étonnerait. Rabah Driassa était l’icône de la chanson algérienne des années soixante à quatre-vingts. Le paquet contenait des CD d’un enregistrement pirate qui date de 1969. Le délit est passible d’une amende de deux mille euros.
J’accusai le coup.
— Je suis désolé.
Il souleva sa mauvaise épaule en un geste fataliste.
— C’est comme ça. Vous avez eu des nouvelles de Lapierre ?
— Il m’a téléphoné pour me faire part de sa satisfaction.
Selon la presse people, il continuait à voir la stripteaseuse que Nolwenn avait mise dans son lit, un élément qui m’aurait à coup sûr permis d’obtenir réparation. En plus de ses félicitations, il m’avait réitéré sa demande de discrétion quant à ce que nous nous étions dit, tant à Paris qu’au téléphone.
Witmeur décroisa les jambes et fit mine de se lever.
— C’est tout ce que vous vouliez savoir ?
— Non, j’aimerais vous montrer quelque chose.
Il fit aller sa bouche de gauche à droite.
— Un autre tuyau crevé ?
— Je ne pense pas, suivez-moi.
Je me levai et sortis du bureau, Witmeur sur mes pas. Nous prîmes l’ascenseur et nous arrêtâmes au sous-sol.
Il m’interrogea du menton.
— Où allons-nous ?
— Dans le garage.
— Vous avez acheté une nouvelle caisse ?
J’avais récupéré ma Mercedes, propre et intacte.
— Vous verrez.
J’actionnai l’interrupteur, et le parking souterrain s’éclaira.
En son centre trônait une Ducati rouge pétant.
Il s’exclama.
— Merde ! Une Ducati Superbike 1198 ! Il n’y a pas loin de deux cents chevaux qui piaffent là-dedans. Vous allez vous tuer avec ça.
— Je ne crois pas. Elle est pour vous, monsieur Witmeur. Je vous dois bien ça.
Il me dévisagea, incrédule.
— Pour moi ?
— Pour vous.
Il battit plusieurs fois des paupières et tenta de masquer son émotion. Il s’approcha du bolide, passa une main sur le carénage.
— Elle est magnifique. Je ne sais pas quoi dire. En tout cas, on dirait que ça paie, le divorce.
— De moins en moins. Avant, il fallait vingt minutes pour se marier et trois ans pour divorcer. Aujourd’hui, la tendance s’inverse.
Il enjamba le bolide et bomba le torse.
— Je vais vous dire un truc. Sans mariage, il n’y aurait jamais eu de divorce. Les gens se sépareraient. Point. Certains chialeraient, d’autres s’engueuleraient. Après ça, la vie continuerait. Je ne dis pas qu’il n’y aurait pas un meurtre ou un suicide de temps en temps, mais ce serait rare. En tout cas, il n’y aurait pas ces discussions merdiques, ces règlements de comptes à la con, ces polémiques pourries, ces déballages impitoyables et ces tentatives de réconciliation stériles. Sans mariage, le divorce n’existerait pas, ma femme aurait encore ses petits nichons et j’aurais gardé ma moto. Quant à vous, vous auriez fait autre chose de votre vie et vous n’en seriez pas arrivé là.
Il renifla et me tendit la main.
— Merci, vieux.