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Tout d’abord, je me suis rendu dans notre chambre, mais elle était vide. Je suis redescendu à toute vitesse. La petite porte de la cuisine était fermée à clef. Corcel avait dû prévoir mon retour.

Je cognai à tour de bras et tapai des pieds. Finalement, il vint m’ouvrir.

— Vous êtes cinglé ou quoi ? Allez cuver ailleurs.

Je le bousculai et me dirigeai vers le corridor où donnait la porte du bureau de la patronne. Je m’attendais à la trouver fermée. Quelle ne fut pas ma surprise de l’ouvrir facilement et de trouver Agathe assise à son bureau, en train de fumer une cigarette.

— Tiens, Jean-Marc !

D’un coup sec, j’ai poussé la porte.

— Où est Brigitte ?

— Brigitte ? Je ne sais pas.

J’ai tourné le verrou et je me suis approché d’elle. Elle haussait les épaules.

— Vous ne m’avez pas chargée de veiller sur elle.

— Elle est avec Henri ?

Son expression se fit railleuse :

— Oh, vous êtes bien renseigné ! Vous connaissez Henri ?

— Je connais un souteneur de ce nom, en effet. Et je connais une entremetteuse, vous, qui a poussé mon amie vers ce sale individu.

— Que de grands mots ! Comment savez-vous qu’il est ici ?

— J’ai reconnu sa voiture. Où sont-ils ?

— Il n’y a pas un quart d’heure, ils étaient encore là.

— Vous vous foutez de moi ? Depuis plus d’une heure que vous avez disparu avec elle.

Écrasant sa cigarette, elle m’a regardé d’un air excédé.

— Nous manquions de Champagne et nous sommes allées en chercher. Pour ne pas me laisser rouler seule la nuit, elle m’a accompagnée, c’est tout.

— Vous mentez. Il y a encore des dizaines de bouteilles dans la glace. Vous aviez passé la consigne à Corcel et à Paulette, mais une autre serveuse m’a renseigné.

Elle ne niait pas.

— Vous avez trouvé ça tout seul, comme un grand ?

Elle s’est levée et s’est approchée de moi.

— Pourquoi vous en faire au sujet de cette fille ? Vous croyez qu’elle en vaut la peine ?

Sa main s’est posée sur mon bras. D’une tape, je lui ai fait lâcher prise.

— Amoureux ? Vraiment ? Comme c’est drôle !

— Vous ne l’êtes pas, vous ! ai-je lancé.

— Je ne savais pas que vous teniez autant à elle. C’est vraiment dommage. Notre complicité aurait pu aller plus loin.

Elle s’était encore rapprochée de moi, nos corps se frôlaient.

— Imbécile ! a-t-elle dit d’une voix rauque. Tu ne vas pas rester avec cette petite grue qui ne cherche que le moyen de te tromper ? Tu mérites mieux. Après ce que tu as fait, tu mérites beaucoup mieux.

— Brigitte ?

— Si tu le veux, elle va partir et nous resterons tous les deux seuls. Depuis la mort de mon mari, je n’ai pas eu envie d’un seul homme. Maintenant, je sais pourquoi. C’est toi qu’il me faut.

Elle m’a secoué par le bras.

— Tu m’écoutes, dis ?

— Où est Brigitte ? ai-je hurlé.

Ses lèvres ont exprimé un grand dégoût. Elle aussi m’écœurait en ce moment.

— Pauvre idiot ! Tu veux savoir ? Elle se trouve dans la villa, Avec Henri, oui. Depuis une bonne heure.

J’ai pivoté vers la porte.

— N’y va pas.

Elle s’est raccrochée à mon bras avec une force insoupçonnable.

— C’est un type dangereux. Il est toujours armé.

— Laisse-moi.

— Il a un pistolet sur lui. Il va te descendre. Attends.

Je ne l’avais jamais vue dans cet état. Elle ouvrit un tiroir de son bureau et en sortit un petit automatique 6,35.

— Prends-le… Je t’en supplie.

Je la haïssais. Mais j’ai cru qu’elle m’aimait. Ma fatuité aidant, je pris l’arme, la glissai dans ma poche.

CHAPITRE VII

La porte principale n’était pas fermée à clef. Je l’ai doucement repoussée. Il y avait une ligne de lumière sous celle ; du fond du couloir. Juste la pièce en face de la chambre où Pierre Barnier était mort.

J’ai collé mon oreille à la porte, mon œil au trou de la serrure. Je n’ai rien entendu, mais j’ai vu une chambre discrètement éclairée.

Lentement, j’ai tourné la poignée. Henri était en train de se rhabiller. Il s’est tourné vivement. Puis son regard est allé à sa veste où devait se trouver son pistolet. Brigitte était dans le lit, endormie. Je compris tout de suite qu’elle était ivre-morte. Je ne pense pas que, dans un état normal, elle se soit laissé faire.

Sans ses cheveux plaqués, Henri avait une drôle de tête. Il était blafard. Je suis certain qu’il avait peur. J’ai sorti le petit automatique de ma poche, et son regard s’est concentré sur le petit trou noir.

— Dépêche-toi ! Tu vas filer, si je te revois par ici je te descendrai. Rentre au Majorque et n’en bouge plus.

C’est alors qu’il m’a reconnu. Je crois qu’au lieu de le soulager, ça l’a encore affolé.

— Touche pas à ta veste ! Sors comme ça ! Je te la jetterai quand tu seras en bas.

Je m’écartai de la porte et il sortit. Je fermai à clef derrière lui. Effectivement, je trouvai un pistolet dans la poche intérieure de sa veste. Je l’ai glissé dans ma propre poche. Puis j’ai ouvert la fenêtre et j’ai balancé la veste sur le sol.

Brigitte dormait toujours. Elle était nue sous les draps. J’ai rassemblé ses affaires et je l’ai rhabillée comme j’ai pu. Puis je l’ai prise dans mes bras pour la ramener dans notre chambre.

Je n’ai rencontré personne dans le hall. Brigitte ne s’était pas éveillée. J’ai examiné le pistolet d’Henri. Il était en bon état de fonctionnement et le chargeur était à moitié plein.

Brigitte s’est mise à gémir. Je me suis penché vers elle.

— Jean-Marc ?

Elle n’avait pas ouvert les yeux et j’étais certain que ce n’était pas de la comédie. C’était moi qu’elle appelait, moi dont elle avait besoin.

J’ai pris sa main entre les miennes.

— J’ai froid.

Elle était glacée. Je suis descendu à la cuisine et j’ai demandé du café à Corcel. Il a peut-être lu dans mes yeux qu’il valait mieux faire ce que j’exigeais.

Revenu dans la chambre avec un plein pot de café brûlant, j’en ai fait boire deux tasses à Brigitte. Puis je l’ai couverte soigneusement. Il m’a semblé que son sommeil redevenait plus calme.

Au-dessous de nous, la musique et le chahut continuaient. Je ne pensais même pas que mes collègues, les musiciens, pouvaient avoir besoin de moi. Il était deux heures du matin. Brigitte et moi nous étions seuls dans le tapage.

J’ai laissé la lampe de chevet allumée et j’ai quitté la pièce. J’avais les deux pistolets dans ma poche. Je me suis d’abord rendu au bureau d’Agathe, mais elle n’était plus là. Corcel finit par me dire qu’elle devait être dans la salle. Je suis passé par l’extérieur.

Quand je suis entré, l’orchestre se reposait quelques instants. Agathe, revêtue d’une robe à danser, riait avec les occupants d’une table. Elle ne m’a pas aperçu tout de suite. Les musiciens, eux, me regardaient avec inquiétude, se demandant ce que j’allais faire. Ils avaient soupçonné le drame et devaient craindre que je fasse un esclandre.

Enfin, elle s’est redressée et m’a vu. Son visage exprima une surprise sans nom. Lentement, j’allai vers elle et elle s’approcha rapidement.