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J’en ai assez. Je redeviens moi-même. Je finis mon apéritif et j’allume une cigarette. Maintenant, il faut que j’aille trouver Agathe, que je lui explique tout. Je ne sais pas ce qui se passera entre nous.

Mais je ne peux l’interrompre pour le moment. Elle va de table en table prendre les commandes. Il y a beaucoup de monde aujourd’hui car c’est samedi. Pour tout le monde elle a un gentil sourire. Les hommes louchent dans son profond décolleté quand elle se penche vers eux. Elle en a conscience mais leur permet cette privauté avec la dignité d’une reine.

Lentement, je quitte la salle et je pénètre dans le bureau. La fenêtre est ouverte et je vois mon vieux pin qui s’agite un peu sur la gauche. Je l’ai délaissé ces derniers temps et je souris de sentir son parfum. Nous serons obligés de l’abandonner un jour et c’est la seule chose que je regretterai vraiment, je crois.

Dans le bureau, il y a aussi l’odeur de ma maîtresse, de ma femme. Dans quelques semaines nous nous marierons et nous disparaîtrons après la série d’épreuves qui nous attend. J’essaye de me souvenir d’affaires semblables. Une autopsie prendra du temps, de même que la conclusion des experts.

Pendant des jours et des jours, ils nous tracasseront. Cyniquement, je pense que le scandale nous attirera du monde à moins que les clients ne craignent d’être empoisonnés. La situation sera dure.

Agathe vient d’entrer dans le bureau et se laisse aller dans son fauteuil. Elle ne sait pas, mais elle est lasse. Depuis quelque temps c’est ainsi.

Je viens auprès d’elle et je m’assieds sur l’accoudoir. Elle niche sa tête contre moi.

— Brigitte a été arrêtée.

Elle se raidit.

— Je l’ai appris ce matin.

— Mon Dieu…

Doucement je lui prends la main.

— Écoute, il ne faut pas avoir peur. Tout se passera bien. Elle peut parler. Ils ne trouveront rien dans le corps de ton mari, tu entends ? Rien.

Elle se rejette en arrière et me regarde avec des yeux fous. Doucement, je lui explique que je n’ai pas empoisonné Barnier, que c’est une lamentable comédie que j’ai montée pour la faire chanter.

— Je suis incapable de faire du mal à quelqu’un. Je suis trop lâche pour avoir eu la volonté de l’empoisonner. La première fois que je l’ai vu, j’ai cru que je pourrais le faire. Mais non. Alors j’ai fait comme si réellement j’en avais eu le courage.

Mais elle reste figée.

— Je t’en supplie, crois-moi ! Je te jure qu’ils ne trouveront pas d’arsenic dans le corps de ton mari.

Son regard s’égare de plus en plus. Et d’un seul coup je sais. Je pense à ce que m’a dit Brigitte un jour. La chambre de Barnier sentait l’ail, comme si le mort avait été vraiment empoisonné à l’arsenic.

— Agathe !

Chaque mot qu’elle prononce nous isole ans un désert de glace.

— Il n’en finissait plus de mourir… Alors, une nuit qu’il me demandait à boire…

FIN