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Parler à Miller était un peu comme creuser dans du granit avec un ciseau en caoutchouc. L’ex-policier eut un sourire dénué d’humour.

— Ils m’ont viré parce que mes investigations allaient trop loin à leur goût.

Holden décida de ne pas s’irriter de la façon dont sa question était éludée.

— Alors parlons un peu de cet escadron de la mort, à l’hôtel.

— Ouais, franchement, c’était quoi, ce bordel ? lança Amos qui cessa enfin de faire les cent pas.

Alex releva la tête et regarda les autres avec intérêt pour la première fois. Même Naomi se fit plus attentive.

— Aucune idée, dit Miller. Mais quelqu’un savait que vous alliez venir là.

— Ouais, merci pour cette démonstration éclatante du travail policier, railla Amos. On ne l’aurait pas deviné seuls.

Holden l’ignora.

— Mais ils ne connaissaient pas la raison précise de notre venue, sinon ils seraient allés directement dans la chambre de Julie, et ils auraient eu ce qu’ils voulaient.

— Est-ce que ça veut dire que Fred est compromis ? demanda Naomi.

— Fred ? dit aussitôt Miller.

— Ou alors quelqu’un d’autre a deviné ce qui se cachait derrière Polanski, mais sans avoir le numéro de la chambre, proposa Holden.

— Mais pourquoi se mettre à tirer dans tous les coins ? fit Amos. Ça n’a aucun sens de nous descendre.

— C’est là qu’ils ont commis une erreur, dit Miller. J’ai vu comment ça s’est passé. Amos ici présent a sorti son arme. Quelqu’un s’est affolé. Ils ont crié de cesser le feu au moment même où vous commenciez à riposter.

Holden se mit à compter sur ses doigts les points qu’il énumérait :

— Donc l’autre camp découvre que nous nous rendons sur Éros, et que ça a un rapport avec le Scopuli. Ils connaissent même l’hôtel, mais pas le numéro de la chambre.

— Ils ne savent pas non plus que c’est Lionel Polanski que nous venons voir, ajouta Naomi. Pourtant ils auraient pu se renseigner au comptoir d’enregistrement, comme nous l’avons fait.

— Ils attendent notre arrivée avec un groupe de types armés, pour nous neutraliser. Mais tout va de travers et il y a cette fusillade dans le hall. Ils ne vous ont absolument pas vu venir, inspecteur, ce qui prouve qu’ils ne sont pas omniscients.

— Exact, dit Miller. Toute cette histoire pue à plein nez l’improvisation de dernière minute. Ils veulent s’emparer de vous pour découvrir ce que vous cherchez. S’ils avaient eu plus de temps devant eux, ils auraient pu fouiller l’hôtel. L’opération leur aurait peut-être pris deux ou trois jours, mais c’était réalisable. Ils ne l’ont pas fait, ce qui signifie qu’il leur a semblé plus facile de vous capturer.

— Oui, approuva Holden. Mais ça signifie aussi qu’ils avaient déjà des équipes ici. Ces types ne m’ont pas donné l’impression d’être du coin.

La mine pensive, Miller mit un temps avant de réagir :

— Maintenant que vous le dites, à moi non plus.

— Bref. Quels qu’ils soient, ils avaient déjà des équipes sur Éros, et ils peuvent les redéployer quand ils veulent pour venir nous capturer, dit Holden.

— Et ils ont assez d’influence sur la sécurité locale pour déclencher une fusillade sans qu’un seul flic pointe le bout de son nez, remarqua Miller. La police ignorait tout de ce qui se passait jusqu’à ce que je la prévienne.

— Merde, il faut vraiment que nous nous tirions d’ici, dit Holden.

Alex intervint subitement :

— Eh, attendez une minute ! Juste une minute. Comment se fait-il que personne ne parle de cette horreur mutante qu’il y avait dans la chambre ? Je suis le seul à l’avoir vue ?

— C’est vrai, ça, fit Amos avec calme. C’était quoi, bordel ?

Miller plongea la main dans sa poche et en ressortit la pochette contenant le terminal de Julie.

— Il y a un technicien parmi vous ? Nous pourrions peut-être en apprendre plus.

— Je pourrais certainement le craquer, répondit Naomi. Mais il n’est pas question que j’y touche tant que nous ne saurons pas ce qui lui a fait ça, et si ce n’est pas contagieux. Je ne prendrai pas le risque de tripoter quelque chose qu’elle a touché.

— Pas besoin de toucher ce terminal. Vous pouvez laisser la pochette fermée, et vous en servir à travers le film plastique. L’écran tactile devait toujours fonctionner.

Elle réfléchit une seconde, puis tendit la main et prit le petit sac transparent.

— D’accord, donnez-moi une minute, dit-elle, et elle se mit immédiatement au travail.

Miller se laissa aller contre le dossier de sa chaise une nouvelle fois et poussa un autre soupir.

— Vous connaissiez Julie avant tout ça ? lui demanda Holden. D’après Naomi, ça vous a fichu un coup quand vous l’avez découverte morte et dans cet état.

L’ex-policier secoua la tête au ralenti.

— Quand on bosse sur ce genre d’affaire, on creuse pour en savoir plus sur le sujet concerné. Vous savez, tout ce qui la concerne. Vous lisez ses e-mails, vous parlez aux gens qu’elle a connus. Pour vous faire votre propre tableau de la personne.

Il se tut et se frotta les yeux avec ses pouces. Holden se garda de le presser.

— Julie était une fille bien, dit-il comme s’il confessait quelque chose. Elle pilotait un appareil de course. Je voulais… je voulais seulement la ramener vivante.

— Il y a un mot de passe, annonça Naomi en brandissant le terminal. Je pourrais pirater le matériel, mais pour ça il faudrait que j’ouvre la coque.

Miller tendit la main.

— Laissez-moi essayer.

Elle lui donna le terminal. Il le lui rendit après avoir tapé quelques lettres sur l’écran.

— Razorback, lut Naomi. Qu’est-ce que c’est ?

— Le nom d’une chaloupe de course.

— Est-ce qu’il s’adresse à nous ? demanda Amos. Parce qu’il n’y a personne d’autre ici, mais je vous jure que la moitié du temps je ne sais même pas de quoi il parle.

— Désolé, dit Miller. J’ai travaillé plus ou moins en solo. Ça peut créer de mauvaises habitudes.

Naomi haussa les épaules et se remit au travail, avec les deux hommes qui l’observaient par-dessus ses épaules.

— Elle a un tas de données là-dedans, dit-elle. Par où commencer ?

Du doigt, Miller indiqua un fichier texte sobrement intitulé NOTES sur le bureau du terminal.

— Par ça. Elle classait systématiquement tout dans les dossiers appropriés. Si elle a laissé ça sur le bureau, c’est qu’elle ne savait pas trop où le mettre.

Naomi tapota sur le document pour l’ouvrir. Il se déplia en une série de textes qui avaient tout l’air d’un journal personnel.

Avant tout, reprends-toi. Si tu paniques, ça n’aide pas. Ça n’aide jamais. Respirations profondes, essaie de comprendre la situation, et prends les bonnes initiatives. La peur tue l’esprit. Ha ! Ha ! Barjo, va.

Navette/points + :

Pas de réacteur, seulement des accus – d’où : radiation basses Provisions pour huit

Beaucoup de réaction de masse

Navette/points – :

Pas d’Epstein, pas de prop classique

Système comm pas seulement débranché, mais physiquement retiré (un peu de parano sur les fuites, les gars ?)

Station de transit la plus proche : Éros. Est-ce notre destination ? Ou peut-être un autre endroit ? Juste sur la poussée, on ne va pas aller vite. Une autre station de transit ajouterait sept semaines de plus. Éros, donc.