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— Je dois pourtant l’avouer, en accumulant ces connaissances, j’ai acquis une conviction qui dépasse de loin toutes les autres : tous les effets spectaculaires, les phénomènes paranormaux dont j’ai été le témoin, ne sont que les symptômes d’une réalité spirituelle et psychique qui dépasse de loin notre vision du monde.

La vie n’est pas ce que l’on nous enseigne. Nous n’appartenons pas au règne animal. Alors qui sommes-nous ? Pourquoi certains peuvent-ils plus que d’autres ? C’est après cette vérité-là que je cours. Je veux savoir d’où viennent les intuitions, découvrir ce qui renseigne notre instinct, maîtriser tous ces capteurs que nous n’écoutons jamais et qui pourtant existent, sans parler des forces qu’ils commandent. Je crois que l’homme n’est pas une fin en soi. Il trouve sa définition et sa vraie puissance dans sa multitude. Si Dieu existe, il est la somme de chacun de nous, vivants et morts, revenus et à venir. C’est de cette connaissance-là dont je rêve de m’approcher. Tout ce que j’ai appris n’est qu’un monceau de pierres auxquelles il manque une clé de voûte pour parachever l’édifice. Vous êtes connecté à cette conscience qui nous dépasse ; par vous, nous devrions pouvoir l’étudier, l’interroger même…

— Ne comptez pas sur moi, siffla Stefan.

La remarque fit sur Jenson l’effet d’une douche froide. Son exaltation fit place à une attitude nettement plus menaçante.

— Vous devriez réfléchir, fit-il d’une voix glaciale.

Il s’approcha encore de Stefan et ajouta sur le même ton :

— Demandez-vous ce que vous êtes et songez à quoi vous vous opposez. Vous ne faites pas le poids.

Jenson se détourna brutalement. Il n’avait plus rien d’un scientifique qui maîtrise ses émotions. Il était au bord de la colère noire. Il fit volte-face et pointa son index sur Stefan.

— Si vous persistez dans cette attitude, n’espérez pas une quelconque pitié qui vous épargnerait des souffrances. Soit vous m’aidez et nous y gagnons tous les deux, soit vous refusez et ce sera à vos risques et périls. Les deux options conduisent au même résultat : à la fin, je saurai tout. C’est vous qui choisissez la route…

La détermination de Jenson ne faisait aucun doute. Stefan comprenait à présent la peur qu’avait pu éprouver Valeria face à cet individu.

— Laissez-moi vous confier autre chose, enchaîna celui-ci. Vos amis gagneraient beaucoup à ce que vous deveniez plus coopératif…

— Si vous leur faites du mal, je vous tue.

Jenson, effroyablement sûr de lui, éclata de rire. Stefan réattaqua :

— De toute façon, vous n’en avez plus pour longtemps. Les autorités vous recherchent. Maintenant, celui qui est traqué, c’est vous. Profitez de vos dernières heures de liberté, parce que, après, il faudra rendre des comptes.

Le professeur ne semblait pas ébranlé par cette idée. Il affichait toujours sa fière assurance.

— Certaines choses vous échappent, jeune homme, lâcha-t-il avec mépris. Comment croyez-vous que j’aie pu échapper au FBI ? Faites-moi confiance, j’ai encore quelques appuis. Vous n’avez à l’évidence aucune expérience des mécanismes qui gouvernent notre monde. Aujourd’hui, je suis un paria parce que ceux qui décident ont l’impression de s’être fait doubler avec le centre. Ce n’est ni l’objet de l’étude, ni les expériences qui y ont été menées qu’ils désapprouvent, ça non ! Ils ont forcément commis bien pire ailleurs. Ce qu’ils ne supportent pas, c’est que cela se fasse hors de leur contrôle. Car tout peut se faire, mais uniquement lorsque ça leur profite.

« Donc aujourd’hui, je suis condamné pour avoir trahi ce principe. Ils vont m’accuser d’avoir détourné les fonds publics, d’avoir enfermé des gens, mais ce ne sont que des prétextes. Et cela durera jusqu’à ce que le vent tourne. Demain, lorsque je rentrerai en leur proposant la plus fabuleuse découverte jamais faite sur l’esprit humain, que pensez-vous qu’ils feront ? Vous croyez vraiment qu’ils vont me rappeler les fautes pour lesquelles j’étais voué au bûcher ? Absolument pas. Ils m’accueilleront en héros. Tout ce qui les intéresse, c’est ce que vous avez à vendre. Le reste ne compte pas.

— Vous êtes comme eux !

— Je n’ai pas fait les règles mais je suis dans le jeu, alors je m’en sors comme je peux.

— Dans ce cas, j’ai quelque chose à vous vendre, déclara Stefan. Mais c’est moi qui fixe le prix.

— Je vous écoute.

— Prouvez-moi que Valeria et Peter sont en bonne santé et relâchez-les. Ensuite, je vous dirai ce que vous voulez savoir.

Jenson ricana.

— C’est votre marché ?

— Avec la promesse que vous leur fichiez la paix, oui.

— Mon garçon, soit vous êtes idiot, soit vous n’avez pas la moindre idée de ce que vous valez.

— Que voulez-vous dire ?

— Laissez-moi vous présenter ma vision des choses. Vous verrez qu’elle sert aussi vos intérêts. Depuis trois semaines, vous et vos amis avez découvert qu’il était possible d’être connecté à des esprits par-delà la mort. Vous vous êtes soudain trouvés face à la preuve que l’âme survit et continue d’exister en toute conscience, loin du corps auquel elle était rattachée. En toute innocence, vous expérimentez ce lien. De mon côté, je cherche ce que l’on peut en faire. Voilà toute la différence entre nous. Vous êtes la mine d’or et je suis joaillier, vous savez voler et j’ai besoin d’aller haut. Vous ne voyez pas tout le bénéfice que nous aurions à nous allier ?

— Pour vous, peut-être. Mais pour tous les autres, je vois surtout le danger. Si vous êtes si fort, vous n’avez qu’à vous faire pousser des ailes…

— Vous marquez un point. À mon tour de jouer. Naïvement, vous semblez croire qu’il y a deux camps : ceux qui peuvent et ceux qui rêvent de pouvoir. Pour vous, tout est blanc ou noir. Mais vous vous trompez. Je vais vous confier un petit secret : j’ai avec moi des gens qui ont autant de pouvoir psychique que vous, et qui croient à ce que je fais.

Jenson recula jusqu’à la porte et l’entrouvrit. Il murmura quelques mots puis revint vers Stefan.

— Comment pensez-vous que je vous aie localisés si précisément et si vite ? Comment croyez-vous que je puisse savoir si vous mentez ou non ? Qui me dit lorsque l’Esprit vous parle ?

La porte de la cave s’ouvrit. Debbie apparut. L’assistante du professeur Jenson n’était plus en blouse blanche, mais elle avait toujours son regard bleu à glacer le sang.

Jenson sourit, d’un sourire effrayant.

— Vous n’imaginez pas ce dont elle est capable.

Il s’approcha de Stefan, se plaça exactement face à lui et lui souffla sur le ton de la confidence :

— Je sais que votre mémoire antérieure n’est pas encore réactivée. Je sais que vous êtes capable de programmer les ordinateurs qui peuvent piloter la stimulation cérébrale. Vous l’avez déjà fait.

Debbie s’approcha à son tour.

— Il a peur, déclara-t-elle. Il ne songe qu’à ses amis. Il voudrait être avec eux.

Jenson tendit la main vers Stefan.

— Si vous ne voulez pas faire équipe avec nous, menaça-t-il, j’irai fouiller votre cerveau jusqu’à y trouver ce que je cherche. Si la télépathie ne suffit pas, nous travaillerons au scalpel. Alors maintenant, pour la dernière fois, je vous demande de m’aider, en commençant par me dire où sont cachées les archives concernant les Destrel que vous détenez encore.

42

Plusieurs fois, Valeria avait appelé, mais personne n’avait répondu. Dans l’obscurité totale, elle sentait une présence, proche, mais trop terrifiée pour s’aventurer dans le noir, elle restait adossée au mur qu’elle avait mis si longtemps à trouver. Elle s’était réveillée sur le sol de terre battue. Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Ses cheveux avaient eu le temps de sécher complètement depuis qu’elle avait été agressée dans sa chambre. Elle n’était pas blessée, elle n’avait pas l’impression d’avoir été droguée. L’air était sec. Elle respirait par la bouche. Il lui avait fallu longtemps pour chasser la sensation d’étouffement qui l’avait d’abord oppressée. Peu à peu, elle reprit son souffle. Vêtue de son seul peignoir, elle se sentait encore plus vulnérable. Elle avait d’abord tâté le sol pour essayer de deviner où elle était enfermée. L’écho mat de ses appels laissait penser qu’elle se trouvait dans une pièce assez petite et sûrement pas trop haute, peut-être un sous-sol. À quatre pattes, elle avait exploré les quelques mètres autour d’elle. Elle n’avait découvert qu’une bouteille vide.