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— Il a confirmé mon récit. Il n’avait pas le choix.

O’Mara abaissa son regard vers ses mains. Il pensait toujours au bébé malade qu’il avait laissé dans sa cabine. Il se dit à nouveau qu’il n’était pas responsable de ce qui s’était produit, mais au plus profond de lui-même il savait que s’il s’était montré moins inflexible, que s’il avait commencé plus tôt son traitement sous forte gravité, le nourrisson hudlarien aurait à présent été hors de danger. Mais le résultat de l’enquête sur l’accident ne semblait plus avoir d’importance, quel que fût le verdict, pas plus d’ailleurs que l’affaire Waring.

— Pourquoi pensez-vous qu’il n’avait pas le choix ? demanda le Moniteur d’une voix sèche.

Caxton gardait la bouche ouverte, désorienté. Waring évitait de regarder O’Mara dans les yeux, et il commençait à rougir.

— Lorsque je suis arrivé ici, j’ai cherché une occupation pour meubler mes temps libres, et j’ai décidé de harceler Waring. Si j’ai tenu le rôle d’un type odieux, c’est parce que c’était l’unique façon d’obtenir des résultats. Mais je dois tout d’abord revenir un peu en arrière. À cause de l’accident survenu au générateur nucléaire, tous les hommes de cette section se sentaient débiteurs envers Waring. Vous connaissez sans doute déjà les détails. Waring lui-même était un homme fini. Physiquement, il était très bas : il lui fallait des piqûres pour maintenir son taux de globulation sanguine ; il était juste assez résistant pour travailler à sa console de commande ; et il se complaisait dans l’auto-compassion. Psychologiquement, c’était une épave. Malgré les affirmations du Dr. Pelling selon lesquelles il n’aurait besoin de ces piqûres que durant quelques mois, il était convaincu d’être atteint de leucémie. Il croyait également avoir été rendu stérile, à nouveau en dépit de ce que lui disait le médecin, et cette profonde conviction le poussait à agir et à parler d’une façon qui aurait fait dégueuler n’importe quel type normal. Parce que ce genre de choses est pathologique, et qu’il était un malade imaginaire. Lorsque j’ai constaté quelle était la situation, j’ai commencé à le ridiculiser chaque fois que l’occasion s’est présentée. Je l’ai harcelé sans merci. C’est pour cela qu’il n’avait pas le choix et qu’il se devait de dire la vérité au sujet de l’accident. Une simple question de gratitude.

— Je commence à comprendre. Poursuivez, dit le commandant.

— Les gens qui l’entouraient lui devaient la vie. Mais au lieu de freiner ses tendances à s’apitoyer sur son propre sort, de lui parler franchement, ils l’étouffaient sous leur sympathie. Ils le laissaient gagner en toute circonstance, lorsqu’ils jouaient aux cartes, et bien d’autres choses, et ils le traitaient comme un demi-dieu. Pas moi. Chaque fois qu’il zézayait, bafouillait, ou qu’il se montrait maladroit, que ce soit dû à l’instabilité mentale qu’il entretenait soigneusement ou à une cause physique, je ne laissais rien passer. Peut-être ai-je été parfois trop dur, c’est possible, mais souvenez-vous que j’étais seul pour essayer de contrer le mal que lui faisaient cinquante personnes. Il m’a naturellement haï, mais il a toujours su où il en était avec moi. Et je n’ai jamais pris des gants. Durant les rares fois où il a pu avoir le dessus sur moi, il a su que je n’avais rien fait pour l’aider. Ce qui n’était pas le cas avec ses soi-disant amis qui le laissaient toujours avoir le beau rôle, ce qui ôtait toute signification à ses victoires. Pour ce qui l’affligeait, il avait besoin de quelqu’un qui le traitait comme un égal, et qui ne lui faisait aucun cadeau. Pour terminer, je précisai que lorsque cet accident à eu lieu, j’ai su qu’il commençait à comprendre ce que je faisais pour lui — consciemment et inconsciemment — et que la simple gratitude, ajoutée au fait qu’il est foncièrement un homme honnête, l’empêcheraient de se parjurer. Avais-je raison ?

— En effet, répondit le commandant.

Il s’interrompit pour apaiser Caxton qui s’était levé d’un bond afin de protester, puis il ajouta :

— Ce qui nous amène à l’enfant FROB.

« Votre protégé a attrapé une maladie bénigne mais rare, qui ne peut cependant être traitée avec succès que sur Hudlar. — Il sourit brusquement. — C’est tout au moins ce que nos amis hudlariens pensaient jusqu’à présent. Maintenant, ils affirment que vous avez mis au point un nouveau traitement efficace, et que tout ce qu’il leur reste à faire c’est d’attendre deux jours que l’enfant soit entièrement rétabli. Cependant, ils sont fort irrités contre vous, O’Mara. Ils disent que vous avez inventé un appareil servant à dorloter et à apaiser le gosse, et que vous l’avez utilisé bien trop souvent. Le bébé a été trop nourri et honteusement chouchouté, si bien qu’à présent il préfère les humains aux membres de sa propre espèce …

Brusquement, Caxton abattit son poing sur le bureau.

— Il ne va pas s’en tirer comme ça ! cria-t-il, le visage empourpré. Waring ne sait pas ce qu’il a parfois dit sur …

— Mr. Caxton, l’interrompit le Moniteur d’une voix dure. Toutes les preuves dont nous disposons démontrent que Mr. O’Mara n’a absolument rien à se reprocher, tant en ce qui concerne l’accident proprement dit que les événements qui en ont découlé, lorsqu’il s’est occupé de l’orphelin. Cependant, j’ai encore à lui parler, et si vous vouliez avoir tous deux l’amabilité de nous laisser seuls …

Caxton sortit en coup de vent, suivi plus lentement par Waring. À la porte, l’opérateur de rayons tracteurs fit une pause, adressa un mot correct et trois que l’on pourrait qualifier d’orduriers à O’Mara, puis il sourit brusquement et sortit à son tour. Le commandant soupira.

— O’Mara, dit-il sévèrement, vous voici à nouveau sans travail. Je n’ai guère l’habitude de donner des conseils lorsque ces derniers ne sont pas sollicités, mais je vais cependant vous rappeler certains faits. Dans quelques semaines, les équipes médicales et d’entretien de cet hôpital vont arriver, et elles comprendront des membres de presque toutes les espèces connues de la galaxie. Mon travail consiste à m’occuper de leur installation et à empêcher des frictions de se développer entre elles, afin qu’elles puissent travailler comme une équipe soudée et unie. Il n’existe aucun manuel qui donne les directives à suivre en pareille situation, mais avant de m’envoyer ici mes supérieurs m’ont dit qu’il fallait pour ce poste un psychologue empirique, qui possède beaucoup de bon sens, et qui ne craigne pas, à l’occasion, de prendre des risques calculés. Je pense qu’il est inutile de vous préciser que deux psychologues ayant ces qualités vaudraient mieux qu’un seul …

O’Mara l’écoutait, mais il pensait au sourire que lui avait adressé Waring. Le bébé et l’opérateur de rayons tracteurs étaient à présent guéris, il le savait, et en raison de sa joie il n’aurait rien pu refuser à qui que ce fût. Mais, apparemment, le commandant s’était mépris sur la signification de son inattention.

—  … Bon sang, je vous offre un travail ! Ne comprenez-vous pas que votre place est ici ? Nous sommes dans un hôpital, O’Mara, et vous venez de guérir son premier patient …

DEUXIÈME PARTIE :

HÔPITAL GÉNÉRAL

I

Telles les guirlandes d’un sapin de Noël aux branches allongées et difformes, les lumières de l’Hôpital Général du secteur douze brillaient contre le fond brumeux des étoiles. Des lueurs jaunes, rouge-orangé, vert liquide, ou d’un bleu inactinique aveuglant, luisaient derrière certains hublots, alors que d’autres étaient obscurs. Au-delà du blindage de métal opaque s’étendaient des sections dans lesquelles la clarté était tellement intense que les yeux des pilotes des vaisseaux en approche devaient en être protégés, ou des compartiments si sombres et si froids que même la faible lueur des étoiles ne devait pas pouvoir atteindre leurs occupants.