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Ce vacarme fut brusquement interrompu par une voix qui s’adressait à lui en anglais.

— Le Dr. Conway est prié de se rendre à l’interphone le plus proche.

Les parasites se firent à nouveau entendre, et Conway obéit à l’ordre qu’il venait de recevoir.

— Ici Murchison, dans le sas AUGL, lui dit une voix féminine. Quelqu’un, je veux dire quelque chose, vient de me dépasser dans la salle principale. J’ai tout d’abord pensé que c’était vous, docteur, jusqu’à ce que cette chose ouvre le sas intérieur sans mettre de combinaison protectrice. J’ai alors compris qu’il devait s’agir du SRTT. — Elle hésita avant d’ajouter : — En tenant compte de l’état des patients qui se trouvent dans la salle, je n’ai pas voulu donner l’alarme avant de vous en parler, mais je peux …

— Non, vous avez très bien fait. Nous arrivons …

Lorsqu’ils atteignirent le sas, cinq minutes plus tard, l’infirmière avait préparé une combinaison pour Conway. L’ensemble des caractéristiques physiques qui empêchaient tout membre terrien du personnel de la regarder avec détachement, était rendu légèrement moins attrayant par le port de sa propre combinaison protectrice. Mais Conway n’avait d’yeux que pour le hublot d’inspection intérieur, et pour la chose qui flottait de l’autre côté.

Cela ressemblait énormément à Conway. La couleur des cheveux était exacte, ainsi que le teint, et c’était vêtu de blanc. Mais les traits étaient disproportionnés et ils s’assemblaient de telle façon que le résultat était horrible. De plus, le cou et les mains n’entraient pas dans la blouse, mais devenaient le col et les manches du vêtement. Cela rappelait à Conway un soldat de plomb à la facture grossière et à la décoration bâclée.

Conway savait que les vies de ses patients n’étaient pas menacées pour l’instant, mais la situation évoluait très rapidement. Les bras et les jambes se fondaient, et de longues protubérances étroites, qui ne pouvaient être que des embryons d’ouïes, apparurent. Les patients AUGL étaient difficiles à attraper, pour un DBDG terrien, mais le SRTT s’adaptait pour un milieu aquatique et pour la rapidité.

— Entrons ! les pressa Conway. Nous devons le faire sortir de là avant qu’il ne …

Mais Prilicla n’entamait pas la série de contorsions qui accompagnaient toujours la fabrication de son enveloppe protectrice.

— Je viens de noter un changement intéressant dans la nature de ses émotions, dit brusquement le GLNO. Je perçois toujours la peur, la confusion, ainsi qu’une faim qui prime tout le reste …

— La faim !..

Murchison n’avait pas pris conscience jusqu’alors du terrible danger que couraient ses petits malades.

—  … Mais je perçois également autre chose. Je ne peux décrire cela que comme une lointaine sensation de plaisir à laquelle s’ajoute le même besoin de dissolution que j’ai détecté il y a quelques instants chez son parent. Cependant, je n’arrive pas à expliquer ce brusque changement.

Conway pensait à ses trois petits malades, et à la forme de prédateur que prenait le SRTT.

— Il est probable que les événements récents aient affecté sa santé mentale, dit-il avec impatience. Quant à cette sensation de plaisir, elle est peut-être liée au milieu aquatique …

Il se tut brusquement. Ses pensées allaient plus vite que les mots, et elles ne suivaient plus un ordre logique. C’était plutôt un enchevêtrement de faits, d’expériences et de suppositions, qui bouillonnaient chaotiquement dans son cerveau. Puis, incroyablement calme et détachée, et, très, très claire, apparut la réponse.

Cependant, aucun des diagnosticiens à l’intelligence fantastique qui se trouvaient dans la salle d’observation numéro trois n’auraient pu la trouver, Conway en avait la certitude. Parce qu’ils n’avaient pas été présents, avec un assistant empathique, lorsqu’un jeune SRTT poussé à la folie par la peur et le chagrin, s’était brusquement immergé dans les eaux tièdes et jaunâtres du réservoir AUGL …

Lorsqu’un être complexe, intelligent et mûr, est confronté à des faits déplaisants et blessants, il se retire de la réalité. Il s’efforce tout d’abord de retrouver les jours simples et sans problèmes de l’enfance puis, lorsque cette période se révèle moins insouciante et paisible qu’il ne le paraissait à première vue, il se réfugie dans le ventre maternel en adoptant l’état inconscient et immobile du fœtus. Mais pour un SRTT, la position catatonique fœtale n’était pas aussi facile à atteindre, parce que son système reproducteur était tel que la période prénatale ne se déroulait pas dans une douce chaleur et le confort mental, car il faisait partie du corps mûr et adulte de son parent, et il devait prendre toutes les décisions avec lui. Parce que le corps d’un SRTT, chacune de ses cellules, était également esprit et que toute séparation est impossible pour un être dont chaque cellule est interchangeable.

Comment diviser un verre d’eau sans en verser une partie dans un autre récipient ?

Dans ses efforts pour atteindre le niveau de la non-existence, l’intellect malade devait alors se retirer de plus en plus loin, pour découvrir qu’il participait à des modifications et à des adaptations sans fin. Il remonterait dans le temps jusqu’à atteindre le vide spirituel désiré, et son corps, inséparable de son esprit, commencerait à se dissoudre en eau : l’élément unicellulaire à partir duquel il avait originellement évolué.

À présent, Conway connaissait la raison de la lente dissolution du malade qui se trouvait dans la salle d’observation. Il pensait même savoir comment réparer tout cet horrible gâchis. S’il avait seulement pu miser sur le fait que, ainsi que c’était le cas pour les autres espèces, un esprit mûr et complexe avait tendance à perdre plus rapidement la raison qu’un esprit plus jeune et moins développé …

Il n’eut que vaguement conscience de retourner auprès de l’interphone et d’appeler O’Mara, tandis que Murchison et Prilicla venaient vers lui. Puis il attendit, ce qui lui parut durer des heures, que le psychologue en chef assimile l’information et réagisse.

— C’est une théorie ingénieuse, docteur, dit O’Mara avec chaleur. Je dirais même que c’est exactement ce qui a dû se passer. Le seul ennui, c’est que cela ne peut aucunement aider le patient …

— À mon avis, le problème le plus grave est posé par le fugitif. S’il n’est pas rapidement capturé et ramené à la raison, nous aurons à déplorer des pertes sérieuses parmi le personnel et les patients, dans ma section en tout cas. Malheureusement, votre idée de le calmer à l’aide d’une bande magnétique enregistrée dans sa propre langue n’a, pour des raisons techniques, guère obtenu de résultats …

— C’est un euphémisme, répondit sèchement O’Mara.

—  … Mais si nous apportions une petite modification à votre plan originel, et si c’était son parent qui s’adressait au jeune SRTT, les choses seraient peut-être différentes. Donc, il faut d’abord guérir le vieil SRTT …

— Guérir le vieux ? Et quoi diable croyez-vous que nous essayons de faire, depuis trois semaines ? demanda coléreusement O’Mara.

Puis, comme il comprenait que Conway n’essayait pas de faire de l’humour bon marché ou de paraître sciemment stupide, il ajouta :

— Expliquez-vous, docteur.

Conway s’expliqua. Lorsqu’il eut terminé, l’interphone lui retransmit un soupir de soulagement.