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— Je crois que vous avez trouvé la réponse, déclara O’Mara, et nous allons mettre votre idée en pratique, malgré les risques que vous avez mentionnés. — L’excitation de O’Mara disparut pour faire place à un style télégraphique et efficace. — Prenez le commandement, docteur. Vous êtes le plus qualifié pour faire mettre en pratique votre plan. Utilisez la salle de jeux DBLF du niveau cinquante-neuf. Elle est proche de votre service et elle peut être évacuée rapidement. Nous allons nous brancher sur les circuits de communication existants pour ne pas perdre de temps, et le matériel que vous avez demandé sera installé dans cette salle dans moins d’une demi-heure. Vous pouvez commencer, Conway …

Avant que la communication fut coupée, Conway entendit O’Mara donner l’ordre aux Moniteurs et aux médecins qui se trouvaient dans la section de pédiatrie de se mettre à la disposition des docteurs Conway et Prilicla. Il venait à peine de se détourner de l’interphone, lorsque des Moniteurs vêtus de leur uniforme vert commencèrent à le rejoindre à l’intérieur du sas.

VII

Pour obliger le jeune SRTT à se réfugier dans la salle de jeux DBLF qui serait rapidement transformée en un piège à son intention, il fallait tout d’abord le chasser hors de la salle AUGL. Cela fut accompli par douze Moniteurs qui nageaient, suaient, poussaient des jurons, dans leurs combinaisons de plongée. Ils pourchassèrent maladroitement le fugitif jusqu’à ce qu’il fut acculé au point où le sas d’entrée lui offrait l’unique chemin d’évasion. Lorsqu’il franchit le sas, Conway, Prilicla, et un autre groupe de Moniteurs, l’attendaient dans la coursive extérieure. Tous ces hommes étaient équipés pour pouvoir affronter n’importe lequel des environnements dans lesquels la poursuite pourrait les conduire. Murchison avait également voulu les suivre — elle désirait être présente pour la curée, avait-elle déclaré — mais Conway lui avait répondu sèchement que son travail consistait à surveiller les trois malades AUGL et qu’elle devrait s’en contenter.

Il n’avait pas eu l’intention de se montrer brutal, mais il était à bout. Si le plan dont il avait fait part avec enthousiasme à O’Mara devait échouer, les risques étaient grands pour qu’il y eût deux SRTT incurables au lieu d’un seul, et « À la curée, » avait constitué un choix de mots malheureux.

Le fugitif avait adopté un aspect vaguement humain, par un mécanisme de défense déclenché à la vue de ses poursuivants. Il courait lourdement dans les coursives sur des jambes trop molles aux articulations mal disposées, tandis que le tégument d’écailles couleur sable dont il s’était revêtu à l’intérieur du réservoir AUGL se contractait, se crispait, et s’effaçait pour prendre les teintes rose et blanc de la chair humaine et d’une blouse de médecin. Conway pouvait regarder sans ciller les êtres les plus inimaginables qui souffraient des plus horribles maladies, mais la vision de ce SRTT qui essayait de devenir un être humain, l’obligea à faire des efforts pour ne pas rendre son déjeuner.

Le SRTT fit un bond de côté dans une coursive MSVK, ce qui prit ses poursuivants par surprise et eut pour résultat de provoquer une mêlée confuse au-delà de la porte intérieure du sas de communication. Les MSVK avaient trois pattes, ressemblaient vaguement à des cigognes, et ils vivaient sous une gravité relativement faible à laquelle les DBDG, tels que Conway, ne pouvaient s’adapter immédiatement. Mais tandis que le médecin se débattait toujours pour retrouver son assise dans une semi-apesanteur, l’entraînement spatial des Moniteurs permettait à ces derniers de se relever rapidement. Le SRTT se dirigeait à nouveau vers la section à l’atmosphère d’oxygène.

Conway pensa que les choses avaient failli mal tourner. La faible lumière et l’opacité de ce brouillard que les MSVK appelaient une atmosphère, auraient rendu les recherches extrêmement difficiles si le SRTT s’était trop éloigné. Si cela s’était produit à ce stade … Eh bien, Conway préférait ne pas y penser.

Mais la salle de jeux DBLF était à présent proche, et le SRTT courait dans sa direction. L’être changeait à nouveau d’aspect et devenait quelque chose de bas et de lourd qui courait sur quatre pattes : Il semblait se retirer en lui-même, se condenser, et un semblant de carapace se formait. Il était toujours ainsi lorsque deux Moniteurs qui hurlaient et gesticulaient, le chassèrent d’une intersection et le poussèrent dans le couloir qui donnait sur la salle de jeu … Et qu’ils trouvèrent absolument désert !

Conway jura. Une demi-douzaine de Moniteurs auraient dû barrer le couloir, pour lui bloquer le passage, mais le SRTT n’avait pas perdu de temps et ils n’étaient pas encore en place. Ils se trouvaient probablement encore dans la salle de jeu, où ils terminaient d’installer le matériel, et le SRTT passerait droit devant cette porte.

Mais Conway avait compté sans l’esprit éveillé et le corps agile de Prilicla qui avait compris quelle était la situation au même instant que lui. Le petit GLNO descendit le corridor en courant, et il rattrapa rapidement le SRTT, avant de bondir au plafond pour le dépasser et se laisser retomber sur le sol, devant lui. Conway voulut crier au fragile GLNO qu’il n’avait aucune chance de pouvoir barrer le passage à une créature dont les caractéristiques étaient à présent celles d’un crabe gigantesque, et qu’il courait au-devant d’une mort certaine. Puis il comprit quelles étaient les intentions de son assistant.

Trente mètres devant le SRTT, un chariot-civière à moteur était remisé dans une alcôve. Il vit Prilicla déraper et s’immobiliser à côté de l’appareil, avant de le mettre en marche. Prilicla n’avait pas été stupidement téméraire, il avait utilisé son cerveau, et rapidement, ce qui était préférable en raison des circonstances.

Le chariot porte civière s’ébranla et s’élança en zigzaguant dans le couloir, à la rencontre du SRTT. Il y eut un bruit métallique et un nuage de fumée jaune et noire comme les batteries du chariot sans pilote étaient fracassées et se mettaient en court circuit. Avant que les ventilateurs ne purifient l’air, les Moniteurs contournaient le fugitif hébété par le choc et presque immobile, et le poussaient vers la salle de jeu.

Quelques minutes plus tard un officier s’approcha de Conway. Il fit un signe de tête pour désigner l’ensemble disparate d’objets qui avaient été soigneusement empilés tout autour de la pièce. Des hommes vêtus de vert, alignés contre les parois, faisaient tous face au centre de la grande salle ou le SRTT tournait lentement sur lui-même, cherchant désespérément une issue. Le Moniteur semblait rongé par la curiosité, mais il prit une voix détachée pour demander :

— Docteur Conway, je présume ? Alors, docteur, que voulez-vous que nous fassions, à présent ?

Conway s’humidifia les lèvres. Jusque-là il n’avait guère réfléchi à cet instant. Il avait pensé qu’il n’éprouverait pas de scrupules envers le jeune SRTT, parce qu’il constituait une grave menace pour l’hôpital, et qu’il avait provoqué tant d’ennuis dans sa propre section. Mais à présent il commençait à ressentir de la pitié pour ce gosse qui avait perdu la tête en raison d’un mélange de chagrin, d’ignorance, et de panique. Et si cela devait ne pas se dérouler comme il l’avait prévu ? …

Il repoussa ses doutes et dit durement :

— Vous voyez cette bestiole, au centre de la pièce. Eh bien, je veux que vous la rendiez folle de peur.

Il dut naturellement entrer dans les détails, mais les Moniteurs comprirent très vite ce qu’il désirait d’eux, et ils se mirent à utiliser le matériel avec ferveur et enthousiasme. Tout en observant sinistrement la scène, Conway identifia des pièces de rechange provenant du système d’alimentation en air, ou du service des communications, ainsi que divers ustensiles de cuisine. Et tous ces objets étaient utilisés dans un but pour lequel ils n’avaient absolument pas été conçus. Des choses émettaient des sifflements stridents, des hurlements de sirène à un volume monstrueux, et des Moniteurs se contentaient de frapper entre eux deux plateaux de métal. À ce bruit épouvantable s’ajoutaient les cris des hommes qui maniaient ces divers objets.