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Et c’était pour cette raison que Waring était devenu un morveux gâté, geignard, et insupportable.

En observant son visage aux lèvres serrées et ses poings fermés, O’Mara sourit. Il n’avait jamais laissé Waring le vaincre lorsqu’il avait pu l’en empêcher, et la première fois que l’opérateur de rayons tracteurs avait voulu se battre avec lui avait été la dernière. O’Mara ne l’avait pas frappé durement, mais il l’avait juste assez rudoyé pour qu’il comprît que le défier n’était pas une bonne idée.

— Entrez et jetez un coup d’œil, dit O’Mara. Obéissez aux ordres de Ca-Caxton.

Ils pénétrèrent dans la chambre et ils observèrent un court instant le bébé qui était agité par de légers soubresauts. Puis ils sortirent de Waring annonça en bégayant qu’il devait partir, avant de se diriger vers le sas. O’Mara avait noté qu’il bégayait moins, ces derniers jours, sans doute parce qu’il avait peur que le sujet de l’accident fût abordé.

— Un instant, dit O’Mara. Je vais être à court de nourriture. Pourriez-vous me ramener …

— A-Allez vous servir vous même !

O’Mara fixa Waring jusqu’à ce que ce dernier détournât le regard, avant de lui dire calmement :

— Caxton doit choisir. Si je suis obligé de surveiller ce gosse si attentivement que je n’ai même pas la permission de le nourrir ou de le garder dans le vide, ce serait une grave négligence de ma part que de m’absenter et de le laisser seul pendant les deux heures nécessaires pour aller lui chercher sa nourriture. Vous devez certainement le comprendre. Dieu seul sait ce qui pourrait se passer, si nous le laissions seul. J’ai été rendu responsable de la santé de ce bébé, et j’insiste …

— Mais-mais-mais, je ne …

— Cela ne vous prendra qu’une ou deux heures sur vos périodes de repos, tous les deux ou trois jours, répondit sèchement O’Mara. Et cessez de vous plaindre et de postillonner, vous êtes assez grand pour parler comme tout le monde !

Waring serra les dents. Il prit une profonde inspiration en frissonnant puis, les mâchoires toujours serrées, il expira. Le son était semblable à celui produit par une valve de sas au joint fissuré.

— Ça … va., occuper … entièrement., mes deux périodes de repos à venir. Les quartiers des FROB … où leur nourriture est stockée … seront réunis au module principal après-demain. Il va falloir vous apporter la nourriture avant.

— Voyez comme c’est facile, quand vous faites un effort. Au début, c’était un peu haché, mais j’ai compris chaque mot. Vous faites de nets progrès. Au fait, lorsque vous empilerez les conteneurs à l’extérieur du sas, veillez à ne pas faire de bruit, vous pourriez réveiller bébé.

Durant les deux minutes suivantes, Waring traita O’Mara de tous les noms, sans se répéter ni bafouiller.

— Je vous ai déjà dit que vous faites des progrès, déclara O’Mara sur un ton de reproche. Alors, il est inutile de me faire une démonstration.

III

Après le départ de Waring, O’Mara repensa au démantèlement des quartiers hudlariens. Avec les grilles gravitationnelles réglées sur quatre G, et les quelques autres choses dont ils avaient besoin, les FROB avaient vécu dans une section clé. Si elle devait être réunie à l’ensemble principal, cela signifiait alors que l’hôpital serait achevé dans moins de cinq ou six semaines. Il savait que la dernière phase serait passionnante. Les opérateurs de rayons tracteurs, en sécurité dans des cavités sur les faces jointives, déplaceraient des charges d’un millier de tonnes dans le ciel, les amenant doucement au point de jonction tandis que les monteurs vérifieraient l’alignement, ajusteraient ou prépareraient les faces qui se rapprochaient lentement. La plupart d’entre eux négligeraient les feux d’avertissement jusqu’au dernier instant, et ils prendraient des risques inimaginables, simplement pour gagner du temps et éviter de devoir repousser leurs sections et les réassembler à nouveau.

O’Mara aurait de loin préférer participer à la phase finale plutôt que de tenir le rôle d’une nourrice sèche !

De penser à l’enfant fit renaître l’inquiétude qu’il avait soigneusement cachée à Waring. Le nourrisson n’avait encore jamais dormi si longtemps, auparavant. Vingt heures devaient s’être écoulées depuis qu’il s’était endormi, ou plutôt qu’il l’avait obligé à s’endormir à force de coups. Les FROB étaient résistants, bien sûr, cependant, n’était-il pas possible que l’enfant ne fût pas endormi, mais inconscient ? …

O’Mara prit le livre que Pelling lui avait fait parvenir, et il en commença la lecture.

Cela fut long et pénible, mais après deux heures, O’Mara avait assimilé quelques rudiments de la façon dont on s’occupait des bébés hudlariens, et cette connaissance lui apporta à la fois du soulagement et du désespoir. Apparemment, son explosion de colère et les mauvais traitements qui en avaient découlé avaient dû être plutôt bénéfiques. Les bébés FROB avaient besoin d’être câlinés, et une estimation rapide de la force employée par un adulte de cette espèce pour administrer une petite tape affectueuse à son rejeton démontrait que la violente attaque de O’Mara n’avait dû être que l’équivalent de caresses bien légères. Mais il avait également trouvé dans ce livre une mise en garde contre la surnutrition et, en ce domaine, O’Mara avait commis une lourde faute. Il fallait, semblait-il, nourrir la créature toutes les cinq ou six heures, durant ses périodes d’éveil, et l’apaiser grâce à des méthodes physiques, ( c’est-à-dire en lui administrant de petites tapes, ) s’il était encore agité ou affamé. Il était également indiqué que les enfants FROB avaient besoin de prendre des bains à intervalles réguliers.

Sur leur planète natale, ce terme désignait une chose assez proche du décapage par jet de sable, mais O’Mara estimait que cela était probablement rendu indispensable en raison de la forte pression et de la densité de l’atmosphère. Un autre problème qu’il devrait résoudre était celui posé par la façon d’administrer des tapes consolatrices suffisamment fortes pour êtres perçues. Il doutait énormément de pouvoir perdre son calme au point de devenir fou furieux chaque fois que le bébé aurait besoin d’être câliné.

Mais, au moins, il disposait de suffisamment de temps devant lui pour trouver une solution, parce qu’il venait d’apprendre, entre autres choses, que si les bébés de cette espèce restaient éveillés durant quarante-huit heures d’affilée, ils dormaient ensuite durant cinq jours.

O’Mara profita de cette première période de cinq jours de repos pour mettre au point des méthodes qui lui permettraient de cajoler et de baigner le nourrisson qui était à sa charge. Il bénéficia même de deux jours pour se détendre et reprendre les forces dont il aurait besoin durant les deux journées de dur labeur qui l’attendaient. Pour un homme possédant une force normale, cette tâche eût été épuisante, mais O’Mara découvrit qu’après les deux premières semaines il semblait s’y accoutumer, tant physiquement que mentalement. Au bout de quatre semaines, la douleur et la raideur avaient disparues de sa jambe, et il n’avait plus du tout d’inquiétude au sujet du bébé.

À l’extérieur, le projet était sur le point d’être achevé. Le puzzle démesuré à trois dimensions était terminé, à l’exception de quelques pièces sans importance qui se trouvaient sur son pourtour. Un enquêteur du corps des Moniteurs était arrivé sur les lieux et avait posé des questions à tout le monde, sauf à O’Mara.