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Soudain, la voix de O’Mara rompit le cours des pensées de Conway.

—  … Et à présent que vous avez l’impression d’avoir grandi de dix centimètres, j’ai un travail à vous confier. Une épave contenant un survivant vient d’être remorqué jusqu’ici. Les méthodes employées habituellement pour extraire un naufragé d’une épave ne semblent pas pouvoir être employée dans le cas présent. Sa classification physiologique est inconnue. Nous n’avons pu identifier le vaisseau et nous ignorons ce que mange, boit, ou respire, cette créature. Nous ne savons même pas quel est son aspect. Vous allez vous rendre sur cette épave et découvrir tout cela, avant de faire transporter cet être ici, le plus rapidement possible, afin qu’il reçoive des soins. Ses mouvements, à l’intérieur de l’épave, sont de plus en plus faibles, alors ne perdez pas de temps.

— Bien mon commandant, répondit Conway qui se leva brusquement.

Arrivé à la porte, il s’immobilisa. Plus tard, il s’interrogerait sur sa témérité soudaine, et il conclurait que sa récente promotion lui était montée à la tête. Mais il se tourna et dit joyeusement à O’Mara, en guise d’adieu :

— J’ai déjà votre appendice. Il y a trois ans, Kellerman a pratiqué sur vous une appendicectomie. Il a conservé l’appendice dans de l’alcool, et l’a gardé comme trophée. À présent, il se trouve dans un rayon de ma bibliothèque.

O’Mara se contenta d’incliner la tête, comme s’il venait de recevoir un compliment.

Une fois dans la coursive extérieure, Conway se dirigea vers l’interphone le plus proche, et il appela le service des transports.

— Ici le Dr. Conway. J’ai un cas urgent à traiter à l’extérieur. Il me faut une navette, ainsi qu’une infirmière sachant utiliser un analyseur et qui ait, si possible, une certaine expérience du sauvetage spatial. Je me trouverai au sas d’admission numéro huit dans quelques minutes …

Tout bien considéré, Conway arriva rapidement au sas. En chemin, il dut s’aplatir contre la paroi pour laisser le passage à un énorme diagnosticien Tralthien qui le croisa distraitement, tandis que la minuscule forme de vie OTSB presque inintelligente qui vivait en symbiose avec lui s’accrochait au cuir de son dos. Il importait peu à Conway de s’écarter devant les diagnosticiens. Il les admirait énormément et l’association des Tralthiens et de leurs OTSB engendrait les meilleurs chirurgiens de toute la Galaxie. Mais, par ailleurs, les autres membres du personnel qu’il rencontra — des infirmières de la classification DBLF pour la plupart, et quelques oiseaux LSVO — s’écartèrent devant lui. Ce qui lui prouva à quel point les nouvelles se propageaient vite à l’intérieur de l’hôpital, parce qu’il portait toujours son ancien brassard.

La créature qui l’attendait au sas numéro huit ramena rapidement sa grosse tête à des dimensions normales. C’était une de ces infirmières qui possédaient sept paires de jambes et qui étaient couvertes de fourrure. Elle commença à pousser des cris et à gémir dès qu’elle l’aperçut. Le langage des DBLF était inintelligible, mais le bloc traducteur de Conway convertissait les sons qu’elle émettait en anglais, comme il le faisait pour tous les grognements, gazouillis et gloussements, que l’on pouvait entendre dans tout l’hôpital.

— Je vous attends depuis plus de sept minutes, dit-elle. On m’a demandé de venir pour une urgence, mais je constate que vous avez pris tout votre temps …

Comme toutes les phrases traduites, celle-ci avait été plate et elle avait perdu tout son contenu émotionnel. La DBLF pouvait donc plaisanter, ou même faire une simple constatation, sans pour autant lui manquer de respect. Conway en doutait fort, mais il savait que perdre son calme à ce stade serait futile.

Il respira profondément, avant de répondre :

— J’aurais pu vous épargner quelques minutes d’attente en courant tout le long du chemin. Je m’en suis abstenu pour la simple raison que de manifester de la hâte dans ma position ferait très mauvaise impression. Les gens penseraient que je suis paniqué, et que je n’ai pas confiance en mes capacités. Sachez donc, pour votre gouverne, que je ne prenais pas tout mon temps, mais que je marchais d’un pas confiant et assuré.

Le son qu’émit la DBLF était intraduisible.

Conway pénétra dans le tube d’embarquement en précédant l’infirmière, et quelques secondes plus tard ils sortirent du sas. Sur l’écran arrière de la navette, les lumières disséminées de l’hôpital se regroupèrent et diminuèrent de volume, tandis que Conway commençait à s’inquiéter.

Ce n’était pas la première fois qu’il était envoyé sur une épave, et il connaissait fort bien les techniques de forage. Mais il venait de prendre conscience qu’il portait à présent toute la responsabilité de ce qui se produirait. Il ne pourrait pas demander de l’aide, si les choses tournaient mal. Il n’avait jusqu’alors jamais eu besoin d’être épaulé, mais il était réconfortant de savoir qu’il était possible de faire appel à une autre personne. Il ressentait le besoin impérieux de partager une partie de ses responsabilités nouvellement acquises avec quelqu’un, le Dr. Prilicla, par exemple ( cet être arachnéen, doux, sensible et empathique, qui avait été assistant dans la section pédiatrique ) ou n’importe quel autre de ses collègues humains ou non-humains.

Durant le voyage jusqu’à l’épave, l’infirmière DBLF, qui lui apprit qu’elle se nommait Kursedd, mit à rude épreuve sa patience. Cette créature manquait totalement de tact, et bien que Conway connût les raisons de ce défaut, il lui était difficile de ne pas en faire cas.

L’espèce à laquelle appartenait Kursedd n’était pas télépathe, mais les membres de cette race pouvaient connaître les pensées de leurs congénères avec une assez grande précision, par l’observation des expressions de leurs interlocuteurs. Avec quatre yeux extensibles, deux antennes auditives, un manteau de fourrure qui pouvait avoir la douceur de la soie ou se dresser comme les poils d’un chien sortant de l’eau, plus divers autres traits mobiles et expressifs, il était compréhensible que ces chenilles n’eussent jamais pris la peine d’apprendre la diplomatie. Invariablement, ces créatures disaient ce qu’elles pensaient, parce que pour leurs semblables leurs pensées étaient de toute façon évidentes, et ne pas être sincère eût été stupide et inutile.

Puis la navette glissa brusquement en direction du croiseur des Moniteurs, et de l’épave qui était collée contre son flanc.

Hormis pour sa couleur orange, ce vaisseau rappelait à Conway toutes les autres épaves qu’il avait déjà vues. Dans une certaine mesure, les vaisseaux spatiaux ressemblaient aux êtres vivants. Une fin brutale leur ôtait toute individualité. Conway donna l’ordre à Kursedd de faire le tour de l’épave, puis il se rendit auprès du panneau d’observation avant.

La structure interne de l’épave lui était révélée par l’accident qui l’avait pratiquement tranchée en deux. C’était du métal sombre, absolument normal, et la coloration voyante de la coque devait être due à une couche de peinture. Conway classa ce renseignement dans un recoin de son esprit, car les teintes utilisées pourraient lui servir de guide pour déduire quel était le champ de perception visuelle de ses occupants, ainsi que le degré d’opacité ou de transparence de leur atmosphère. Quelques minutes plus tard, il estima qu’il ne pourrait rien obtenir de plus d’un examen extérieur, et il fit signe à Kursedd d’arrimer leur navette au Sheldon.

Le petit vestibule du sas du croiseur était bondé de Moniteurs qui fixaient et touchaient précautionneusement un appareil à l’aspect étrange, sans doute retiré de l’épave, qui était posé sur le pont. L’on entendait le jargon technique d’une demi-douzaine de spécialistes, et personne n’accorda la moindre attention au médecin et à l’infirmière tant que Conway ne se fut pas éclairci la voix avec bruit. Puis un officier qui portait un insigne de commandant, un homme grisonnant au visage maigre, se détacha de la foule et vint vers eux.