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— En avez-vous pour longtemps ? demanda brusquement le Moniteur.

O’Mara avait presque oublié le commandant durant ces dernières secondes, et il fit de son mieux pour que sa voix reste naturelle, afin de donner l’impression qu’il revenait de l’autre pièce.

— J’en ai peur. Ne pourriez-vous pas rappeler plus tard ?

— Je préfère attendre.

Durant les minutes suivantes, O’Mara essaya de faire abstraction des contusions dues aux coups reçus en dépit de la protection qu’offrait son épaisse combinaison spatiale, puis il réfléchit à la façon de résoudre son nouveau problème. Il commençait à deviner ce qui avait dû se produire.

Lorsque deux générateurs de gravité de même puissance et de même fréquence étaient utilisés simultanément, il se produisait inévitablement un réseau d’interférences qui affectaient la stabilité des deux. Les quartiers de O’Mara n’étaient équipés que d’une installation provisoire alimentée par un générateur semblable à celui de son scaphandre, bien qu’un écart de fréquences fût généralement prévu pour éviter de tels incidents. Mais O’Mara avait constamment modifié les réglages des grilles, durant les cinq dernières semaines, ( chaque fois que le bébé devait prendre son bain, ) et il devait avoir changé involontairement les fréquences.

Il ignorait quelle erreur il avait commise, et de toute façon il n’aurait pas eu le temps nécessaire pour y remédier. À contrecœur, il brancha à nouveau sa ceinture, et il commença à en augmenter progressivement la puissance. La gravité dépassa trois quarts de G avant que les premiers signes d’instabilité n’apparaissent.

Quatre G moins trois quarts de G donnent une gravité égale à un peu plus de trois G. Il semblait, pensa sinistrement O’Mara, qu’il devrait s’en contenter, et que sa tâche serait loin d’être facile …

V

O’Mara referma rapidement son casque, puis il relia le micro de sa combinaison à l’interphone à l’aide d’un câble, afin que Caxton et le Moniteur ne puissent comprendre qu’il avait revêtu sa combinaison spatiale. S’il disposait du temps nécessaire pour terminer le traitement qu’il venait d’entreprendre, il ne fallait pas qu’ils soupçonnent que quelque chose d’anormal se déroulait dans sa cabine. Ensuite, il effectua les derniers réglages des régulateurs de pression d’air et des grilles gravitationnelles.

En deux minutes, la pression atmosphérique à l’intérieur des deux pièces avait été multipliée par six, et la gravité apparente était de quatre G. Ce que O’Mara pouvait faire de mieux pour reproduire les « conditions de vie habituelles » d’un Hudlarien. Les muscles des épaules tendus sous l’effort, car sa ceinture gravifique sous alimentée n’ôtait que trois quarts de G de la gravité écrasante qui régnait dans la pièce, il retira du logement des grilles la chose incroyablement maladroite et lourde qu’était devenue son bras. Puis il roula lourdement sur le dos.

Il avait l’impression que le nourrisson était assis sur sa poitrine, et de grandes taches noires flottaient et s’enflaient rythmiquement devant ses yeux. Il pouvait cependant distinguer une partie du plafond et, sous un angle oblique, l’écran de communication vidéo. Des signes d’impatience commençaient à apparaître sur les visages.

— Me revoici, commandant ! haleta O’Mara. ( Il luttait afin de contrôler sa respiration, pour que les mots ne soient pas expulsés trop rapidement de sa bouche. ) Je suppose que vous désirez entendre ma version de l’accident ?

— Non. J’ai déjà pris connaissance de la bande que Caxton a enregistrée. Ce qui m’intéresse le plus, c’est ce que vous avez fait avant de venir ici. J’ai effectué une petite enquête à votre sujet, et il y a une chose qui ne colle pas …

Une puissante explosion interrompit leur conversation. En dépit de la tonalité plus grave due à l’augmentation de la pression atmosphérique, O’Mara reconnut ce signal : le FROB avait faim, et il manifestait sa colère.

Au prix d’un puissant effort, il roula de côté, puis se redressa sur les coudes. Il resta un instant dans cette position pour reprendre des forces, avant de basculer sur les mains et les genoux. Mais, lorsqu’il y fut finalement parvenu, il découvrit que ses bras et ses jambes enflaient, il eut l’impression qu’ils allaient éclater en raison de la pression sanguine qui s’accumulait en eux. En haletant, il se laissa descendre jusqu’au sol, poitrine collée contre lui. Immédiatement, le sang se rua vers l’avant de son corps, et un voile rouge commença à brouiller sa vision. Sous une pression de quatre G, il ne pouvait pas avancer sur les mains et les genoux, ni se traîner sur le ventre. Il lui serait, à plus forte raison, impossible de se lever et de marcher normalement. Que pouvait-il faire ?

Il parvint avec difficulté à se tourner sur le côté, puis à basculer sur le dos. Mais, cette fois-ci, ses coudes le soutenaient. Le couvre-nuque de sa combinaison supportait sa tête, mais l’intérieur des manches n’était pas suffisamment rembourré et ses coudes étaient douloureux. La tension exigée pour soulever, ne fût-ce qu’une partie de son corps à présent trois fois plus lourd que d’habitude, accélérait son rythme cardiaque et, chose encore plus grave, il recommençait à perdre conscience.

Il devait exister un moyen de compenser, ou tout au moins de répartir les pressions dans tout son corps afin de demeurer conscient et de se déplacer. O’Mara essaya de se remémorer la forme des fauteuils d’accélération qui avaient été utilisés dans les vaisseaux spatiaux avant la mise au point de la gravité artificielle. Ils avaient eu un profil bas, mais pas entièrement horizontal, se souvint-il brusquement, et les genoux avaient été repliés vers le haut …

Tel un serpent, il se poussait, centimètre par centimètre, en direction de la chambre, à l’aide des coudes, des fesses, et des pieds. Sa musculature exceptionnelle lui était vraiment utile, à présent, car dans un tel environnement tout homme ordinaire serait irrémédiablement resté collé contre le sol. Même ainsi, il lui fallut quinze minutes pour atteindre le pulvérisateur nourris-seur qui se trouvait dans la chambre, et durant pratiquement chaque seconde de sa progression le bébé continua de lui briser les oreilles. En raison de la pression plus importante, le bruit était tellement puissant et grave que chaque os du corps de O’Mara semblait vibrer à l’unisson.

— J’essaye de vous parler ! hurla le Moniteur pendant une brève accalmie. Est-ce que vous ne pouvez pas faire taire ce maudit gosse ?

— Il a faim, répondit O’Mara. Il se calmera lorsqu’il aura mangé …

O’Mara avait monté le pulvérisateur sur un chariot, et il y avait fixé un déclencheur à pédale afin d’avoir les mains libres pour pouvoir viser le nourrisson. À présent que son malade était immobilisé par quatre G, il n’avait pas à utiliser ses mains. Il parvint à pousser le chariot en position à l’aide de ses épaules, et à appuyer sur la pédale avec son coude. Le jet à haute pression avait tendance à s’incurver vers le sol en raison de l’énorme gravité, mais il parvint cependant à couvrir le bébé de nourriture. Par contre, nettoyer les zones malades de la nourriture qui les souillaient s’avéra bien plus difficile. Depuis le niveau du sol, il ne pouvait pas diriger le jet avec précision. Tout ce qu’il put obtenir fut de rincer la plus grande tache bleu vif ( trois taches différentes qui s’étaient fondues pour n’en former qu’une seule ) qui couvrait à présent près du quart de la surface totale de la peau.

Ensuite, O’Mara rallongea ses jambes et laissa doucement descendre son dos jusqu’au sol. En dépit des trois G qui exerçaient leur pression sur lui, et en raison de la tension qui avait été nécessaire pour conserver une position semi-assise durant la dernière demi-heure, il eut l’impression qu’il se trouvait presque dans une position confortable.