Выбрать главу

Drakon atteignit un mur d’apparence robuste, conscient que derrière sa pierre s’alignaient des couches d’espace neutre et de blindage synthétique. Les bleus du complexe du SSI étaient sans doute classés secret-défense, mais ça n’avait nullement empêché Malin d’en acquérir des copies par un ingénieux piratage. D’autres troufions de Drakon arrivaient à leur tour au pied du mur et plaçaient des charges perforantes destinées à percer ce blindage. « À couvert ! »

Les troupes d’assaut les plus proches se replièrent, le temps que les explosifs fassent leur œuvre en une succession de déflagrations directionnelles qui pratiquèrent dans la fortification des brèches hautes de deux mètres et larges d’autant. Sachant que toutes les défenses proches du mur seraient anéanties avec lui, les combattants se déversèrent aussitôt par ces ouvertures.

Drakon leur emboîta le pas, conscient que, seul, il aurait peut-être du mal à trouver le courage de se jeter à la tête des défenses ennemies mais qu’il réussirait à surmonter sa crainte en restant groupé. Une fois dans le trou, il se jeta de côté pour esquiver une violente rafale qui cribla le couloir sur lequel s’ouvrait l’orifice. Il ne s’agissait pas d’une défense interne automatisée. Nous sommes sûrement tombés sur un nœud de vipères. Oubliant sa peur devant le besoin pressant d’arrêter une décision, Drakon vérifia l’identité des soldats les plus proches. Les symboles qui les représentaient scintillaient sur son écran de visière où s’inscrivaient des données, indiquant avec précision leur position sur la représentation schématique du rez-de-chaussée du complexe du SSI. « Deuxième section, mettez-vous à couvert et ripostez aux tirs pour occuper ces vipères. Tous les autres avec moi ! Piquez au nord ! »

Il n’était plus temps de s’inquiéter. Drakon concentrait toute son attention sur le plan qu’affichait l’écran de son casque et les quelques aperçus qu’il pouvait surprendre de son environnement à travers la poussière et la fumée soulevées par les charges directionnelles et les combats. Les soldats qui l’accompagnaient n’étaient pas entrés avec lui dans le couloir suivant qu’un nouveau tir de barrage défensif se déclenchait, rageur. Il se jeta au sol, fulminant devant ce nouveau retard, puis consulta de nouveau le plan du niveau sur son écran de visière avant de vociférer des ordres. « Balancez quelques grenades fumigènes et des charges d’IEM sur ces défenseurs. Section Sigma du génie, percez-moi un trou dans le plancher juste après cet angle. »

Les grenades fumigènes transformèrent la zone séparant Drakon des serpents en un brouillard impénétrable aux senseurs et, quelques instants plus tard, tout ce secteur de l’immeuble était secoué par l’explosion déclenchée par le génie. Drakon et ses hommes contournèrent l’angle en rampant puis, les vipères continuant d’arroser le couloir désormais pratiquement désert, se laissèrent choir au niveau inférieur par ce nouvel accès.

Il y régnait un calme étrange, alors même que, partout ailleurs, des fusillades faisaient trembler l’immeuble. Le dogme aurait normalement exigé de Drakon qu’il s’accordât une pause pour évaluer ses troupes et leurs positions avant d’ordonner de nouvelles attaques coordonnées, mais il avait entraîné ses hommes à prendre des initiatives même sans ordres précis, bien que cette conception du combat fût désapprouvée par une hiérarchie syndic qui redoutait à juste titre toute réflexion autonome. Elle se révéla malgré tout payante, car des pelotons et des sections de la force d’assaut, opérant indépendamment les uns des autres, se répandaient dans le bâtiment en s’engouffrant par toutes les voies qui s’ouvraient à eux comme l’eau inonde un compartiment non hermétique.

L’écran de visière de Drakon n’arrêtait pas de crépiter et de crachoter, les systèmes de brouillage du complexe du SSI et ceux encastrés dans son infrastructure s’évertuant à bloquer les signaux. Mais les soldats y étaient entrés en si grand nombre (leur cuirasse de combat servant de relais aux signaux et les retransmettant aux cuirasses les plus proches) que Drakon jouissait malgré tout d’un tableau à peu près correct des événements. « Par ici », ordonna-t-il à ses hommes en empruntant un couloir pour repartir vers le sud alors que le fracas des combats redoublait de violence. Sa peur n’était plus qu’une sensation lointaine, diffuse, noyée dans l’impérieuse nécessité de se concentrer sur les derniers développements et d’y réagir promptement.

Une alarme perça soudain la pétarade. Drakon s’arrêta pour consulter le symbole qu’affichait son écran, lui signalant que le message provenait certainement d’un des deux individus de ce système stellaire qui auraient pu l’envoyer. Il ordonna à ses hommes de cesser d’avancer et accepta la communication.

L’image du CECH Hardrad était brouillée et se fragmentait en interférences pixelisées avant de se reformer partiellement. « Renoncez immédiatement à votre assaut, Drakon, ou je fais exploser les charges nucléaires enterrées sous toutes les grandes villes de la planète.

— Vous ne disposez pas des codes.

— Oh que si ! » Les parasites interdisaient à Drakon de déchiffrer clairement l’expression de son interlocuteur ni de déceler une quelconque émotion dans sa voix ; cela dit, Hardrad n’avait jamais laissé transparaître grand-chose dans sa voix ni sur ses traits. « Iceni vous a trahi en échange d’une impunité restreinte. J’ai les codes et je détruirais cette planète plutôt que de vous laisser renverser l’autorité légitime. Mais, si vous arrêtez tout de suite, nous pouvons encore parvenir à un accord. Iceni bénéficie à présent d’une certaine immunité. Vous pouvez aussi y avoir droit. Sinon, il vous faudra périr comme tout le monde. »

Il était pour le moins singulier, en dépit d’une longue expérience de l’implacable cruauté qui caractérisait si souvent la Sécurité interne, d’entendre Hardrad, au beau milieu d’un combat, proférer une menace aussi apocalyptique avec le même détachement que s’il dénonçait des formulaires mal renseignés.

Mais détient-il vraiment les codes ? Iceni m’a-t-elle réellement vendu pour se protéger ? Hardrad est-il en mesure de mettre sa menace à exécution ? Dans quel délai mes hommes parviendront-ils à investir son bureau dans ce centre de commande massivement fortifié ?

Ses yeux ne quittaient pas l’écran montrant ses soldats en train de s’enfoncer de plus en plus profondément dans les entrailles de l’immeuble du SSI. Il entendait beugler des ordres, et d’autres cris d’exultation lui parvenaient par les circuits de com ; ses soldats jubilaient de pouvoir enfin rendre coup pour coup à un ennemi qu’ils en étaient venus à haïr davantage que l’Alliance elle-même. Et, en dépit de la discipline brutale qui régnait au sein des forces armées syndics, Drakon se demanda s’il lui serait donné, le cas échéant, de les contraindre à se replier et si, quoi qu’il dît, il parviendrait à les empêcher d’attaquer les serpents jusqu’à la mort du dernier.

Ou jusqu’à ce que cette cité et de nombreuses autres aient vu fleurir un champignon atomique en leur centre.

Iceni se tenait parfaitement immobile, mais les rouages de son esprit s’activaient fébrilement. Plus que cinq minutes avant l’irruption des serpents véhiculés à bord de ce croiseur. Qu’adviendrait-il si, entre-temps, il ne se passait rien au sol ? Devait-elle toujours se fier à Drakon ?