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— Rien de bien exigeant ou difficultueux, donc. »

Drakon sourit, conscient que Lyr sous-entendait exactement l’inverse. « Exactement.

— Je ferai de mon mieux, mon général.

— Je sais, colonel. C’est pour cette raison que vous avez obtenu cet avancement et cette affectation. » Si rude qu’elle serait, songea Drakon, la tâche de Lyr serait moins compliquée que de dénicher un remplaçant au second de Gaiene. Mais, bon sang de bois, il faut bien que je me trouve d’autres officiers supérieurs. Nul n’a jamais prétendu que je jouirais d’une sinécure.

Une semaine après le départ de la navette de Drakon, ses brigades étaient toutes embarquées, les accords signés, et cargos et vaisseaux de guerre quittaient l’orbite vers le point de saut pour Midway. D’humeur sombre depuis près de huit jours, Drakon se demandait qui, de la kommodore Marphissa, des matelots du croiseur lourd qui pourraient là-bas lui faire leurs adieux ou de lui-même, serait le plus content de le voir rentrer.

Dix-huit

L’humeur de Drakon n’était pas à la hauteur de l’information qu’il rapportait.

« Apparemment, vous avez réussi en tout ce que nous étions convenus d’accomplir en vous envoyant à Taroa, lâcha Iceni.

— Pas en tout, grommela-t-il. Quand nous en sommes partis, la stabilité du gouvernement n’était pas acquise, loin s’en fallait.

— Vous pouviez difficilement attendre sur place qu’elle le fût. Selon mes représentants, Taroa penche pour une alliance officielle avec Midway. Ce serait déjà un début, et une incitation à l’envisager pour d’autres systèmes stellaires. » Iceni se massa les yeux de la main. « Parmi les nouvelles moins brillantes, vous en avez sans doute reçu du colonel Rogero, j’imagine.

— Et, de mon côté, j’imagine que vous n’avez pas réussi à débusquer celui qui a tenté de l’assassiner. »

Iceni abaissa la main pour le regarder dans le blanc des yeux. « J’avais ordonné qu’il ne soit fait aucun mal au colonel Rogero. Si quelqu’un de mon bord s’y est risqué, il a agi en dépit de mes ordres et je veillerai à le lui faire regretter. »

Drakon la scruta un instant avant de répondre. « Sous-entendriez-vous que c’est quelqu’un de mon bord qui a tenté de le tuer ?

— Je n’ai aucune information à cet égard, général. Donc, non, je ne sous-entends rien de tel. » Elle se demanda pourquoi Drakon avait si vite saisi cette balle au bond. S’inquiétait-il de la fiabilité d’un de ses proches ? La source qu’entretenait Iceni dans ses rangs était-elle en danger ?

Il secoua la tête. « J’ai du mal à croire qu’un citoyen ait pu lui tirer dessus. Mais des serpents qui se planqueraient encore…

— … pourraient bien avoir trempé dans l’attentat, convint-elle. Tout le monde s’efforce de dénicher un pareil nid de vipères. »

Cette fois, Drakon hocha la tête. Il s’arrachait enfin à son humeur acariâtre. « Je souhaitais souligner l’excellent comportement de la kommodore Marphissa. Nous n’avons rencontré aucun problème en matière en coordination et de soutien. Je n’ai jamais travaillé avec plus compétent commandant des forces mobiles.

— Heureuse de l’apprendre. J’allais lui confier le commandement du cuirassé dès qu’il serait opérationnel.

— Elle devrait s’en tirer aisément. Mais j’espère qu’on lui confiera bien davantage. Elle est très douée pour manœuvrer de multiples formations et unités.

— Je tâcherai de m’en souvenir. » Pourquoi diable Drakon s’évertuait-il tant à chanter les louanges de Marphissa ? Tous deux s’étaient trouvés en même temps à bord du croiseur lourd. L’état-major de Drakon voyait déjà en Marphissa l’un de ses agents. Le général l’aurait-il retournée contre la présidente, ou, tout du moins, aurait-il à ce point avancé dans ce sens qu’il souhaitait lui conférer davantage d’autorité au sein des forces mobiles ? « Vous avez ramené avec vous un grand nombre d’excellents spécialistes des chantiers spatiaux. Ils nous permettront de rendre le cuirassé opérationnel bien plus tôt que prévu.

— Dans quel délai ?

— Deux mois.

— Ça n’en laisse pas moins une large fenêtre ouverte aux menaces », marmotta Drakon. Puis, comme s’il se rendait compte qu’elle risquait d’y voir une critique, il coula un regard dans sa direction. « Je suis conscient que nous ne pouvons guère faire davantage, l’un et l’autre, pour l’achever plus vite, mais il nous faudra encore ramener de Taroa bon nombre de ces travailleurs, et le plus tôt possible, pour nous atteler à la seconde coque. »

Iceni soupira. « Un an au moins pour terminer celle-ci. Espérons que ce délai nous sera accordé.

— Un an pour l’extérieur. Nous pourrions activer le mouvement, obtenir un effort supplémentaire des travailleurs en leur offrant de vraies récompenses. » Il lui jeta un regard de défi. « Des primes aux ouvriers plutôt qu’aux cadres. »

Iceni haussa les sourcils. « Je ne vous savais pas si radical. Nous devons aussi nous mettre les cadres supérieurs et subalternes dans la poche. Des primes pour tous, peut-être ? Basées sur les résultats. »

La question lui valut un bref sourire sarcastique de Drakon. « Des primes basées sur les résultats ? Et c’est moi que vous traitez de radical ?

— Si vous n’y voyez pas d’objections, nous pourrions vérifier si un tel système fonctionne, sachant que les Syndics ont inculqué à nos gens le mépris de toute méthode d’évaluation. Il doit bien exister un moyen d’obtenir d’eux qu’ils restent concentrés sur l’obtention des résultats que nous désirons. Y a-t-il autre chose ? » s’enquit-elle. L’étrange nervosité de Drakon la rendait fébrile. Il avait dû se passer quelque chose. Mais quoi ? Togo n’avait rien découvert de nouveau, mais ses informateurs n’étaient pas des intimes du général. « Contente de vous savoir de retour, général Drakon. »

Il hocha pesamment la tête puis se leva pour partir.

Elle allait devoir consulter sa source la plus fiable. Et sans recours aux télécommunications. En dépit de tous les risques que cela comportait, quelque chose dans cette affaire exigeait un tête-à-tête.

De retour dans ses bureaux, Iceni s’assit après avoir verrouillé sa porte et activé ses alarmes. Pourquoi donc Drakon se conduisait-il en coupable ? L’explication la plus plausible, et assurément la plus terrifiante, c’était qu’il avait pris la décision de se retourner contre elle mais qu’il en était malheureux.

Elle fit pivoter sa chaise vers le mur virtuel qui se dressait derrière son bureau. Il montrait actuellement la ville de nuit vue depuis une grande hauteur, comme si ses bureaux, au lieu de se tapir douillettement en sous-sol, se trouvaient au sommet d’une montagne offrant un panorama idéal de la cité. Les lumières de la ville dévalaient en pente douce jusqu’au front de mer, où des vagues agitées qui se drossaient sur les brisants et les murs écumaient de phosphorescence. La main d’Iceni se posa sur un immeuble qui scintillait sur fond de ténèbres et s’aplatit dessus afin de permettre le scan de sa paume et de ses empreintes digitales : un pan de la fenêtre virtuelle disparut, remplacé par un carré de néant. Elle se livra ensuite à une bonne dizaine d’autres vérifications et déverrouillages, puis une petite porte blindée s’ouvrit.