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Elle s’attendait à des objections véhémentes, à le voir acculé sur la défensive et piquer une colère, mais il se contenta d’observer un long silence avant de répondre.

« Aucun de nous n’est parfait, déclara-t-il finalement. Nous sommes tous deux suffisamment humains pour commettre plus d’erreurs qu’on ne le devrait.

— En ce cas, il faudrait fixer des limites à notre capacité à les commettre, non ? »

Il la scruta. « Y aurait-il un rapport avec ce que vous disiez sur le besoin de réformer les tribunaux ?

— Partiel.

— Qu’attendez-vous exactement de moi ? »

Iceni prit une profonde inspiration. « Consentez-vous à ce qu’il n’y ait plus ni assassinats ni exécutions ? À moins que nous n’ayons décidé ensemble de leur nécessité dans chaque cas particulier. »

Nouveau silence. « Avez-vous découvert qui avait tenté d’assassiner Rogero ?

— Non. Mais je me demande si quelqu’un d’autre, qui travaillerait pour vous ou moi et verrait en ces expédients la plus banale des méthodes, n’aurait pas pris cette décision de son propre chef.

— Parce que c’est toujours ainsi qu’on procède. » C’était un constat plutôt qu’une question.

« Et allez savoir qui lui servira de cible la prochaine fois, poursuivit Iceni. Si un contrat est lancé sur ma tête, je veux pouvoir me dire que vous n’en êtes pas responsable. Nous tenons le bon bout à Midway. Nous avons réussi à préserver la stabilité du système stellaire, nous sommes sur le point d’établir une alliance avec deux autres et, si nous ne sommes pas anéantis, nous pouvons espérer nous agrandir encore. Les menaces extérieures sont ce qu’elles sont. Nous n’avons dessus aucun contrôle. Mais les menaces internes pourraient aussi nous détruire. Nous devons vous et moi nous faire mutuellement confiance, et convenir de mettre un terme définitif aux meurtres illicites serait déjà faire un grand pas en avant dans l’instauration de cette confiance.

— Pourquoi me croiriez-vous si je vous promettais de ne plus ordonner d’assassinat ? s’enquit Drakon.

— Parce que je pense que vous valez un coup de cidre, général Drakon. »

Pourquoi diable ai-je laissé ces mots m’échapper ?

Mais Drakon ne tarda pas à sourire. « Je vais vous faire une proposition, en ce cas. Je consens à ne plus ordonner d’exécutions ni d’assassinats sans votre approbation formelle, et à faire de nouveau entendre à mes gens qu’ils ne doivent plus mener de telles opérations à leur guise. En contrepartie…

— Oui ?

— Appelez-moi Artur plutôt que général Drakon. Du moins quand nous sommes seuls.

— Je ne sais pas, répondit Iceni. C’est une concession majeure. Qui d’autre vous appelle Artur ?

— Personne. Depuis très longtemps.

— Alors j’y consens. » Mais si jamais tu couches de nouveau avec cette femelle, ce sera à jamais « général Drakon », Artur.

Avant qu’elle ait eu le temps d’ajouter autre chose, son unité de com se mit à clignoter de façon pressante. « Qu’est-ce encore ? aboya-t-elle. Il vaudrait mieux que ce soit urgent.

— Ça l’est, répliqua Togo. Mettez votre écran à jour. »

Drakon avait reçu un message de son côté et appuyait déjà sur la touche de commande.

L’image du système stellaire de Midway qui flottait au-dessus de la table clignota un instant.

« Enfer ! » s’exclama Drakon.

De nouveaux vaisseaux venaient d’apparaître près du portail de l’hypernet. Iceni déchiffra les légendes qui clignotaient à côté de chacun d’eux et les identifiait. « Une flottille syndic !

— Et avec un cuirassé, renchérit Drakon.

— Tout comme nous.

— Mais le leur est probablement opérationnel. »

Iceni ne trouva rien à répondre. « Six croiseurs lourds. Combien de croiseurs légers ? Quatre. Et dix avisos. » Même sans tenir compte du cuirassé syndic, cette flottille donnerait du fil à retordre à ses vaisseaux puisqu’il lui en manquerait un. « Ils tiennent méchamment à récupérer notre système.

— Nous recevons une transmission de la flottille », déclara Drakon en appuyant sur une autre touche.

Une fenêtre s’ouvrit devant eux, montrant le visage familier d’un homme en tenue de CECH. « Ici le CECH Boyens, s’annonça-t-il. À l’intention des ex-CECH Iceni et Drakon. On m’envoie rétablir le contrôle des Mondes syndiqués sur ce système stellaire.

» Vous vous êtes tous les deux rendus coupables de haute trahison. Si vous voulez que nous passions un marché, vous feriez bien de me transmettre très vite une proposition acceptable. » Boyens leur décocha un sourire convenu de CECH, non dénué d’une ostensible fatuité, puis mit fin à son bref message.

Au terme d’un assez long silence, Drakon se tourna vers Iceni. « Des suggestions ? »

Elle secoua la tête. « Faire appel à la bonne volonté du CECH Boyens serait vain. Il n’est sans doute pas le pire des officiels syndics à qui j’ai eu affaire, mais son ambition est démesurée. Qu’avez-vous à lui offrir ?

— En guise de pot-de-vin ? Vous et moi sommes ce qu’il y a de plus précieux à Midway. Si vous y tenez, nous pouvons toujours tirer à pile ou face celui qui livrera l’autre.

— Il n’a nullement besoin de choisir entre nous deux, répondit Iceni. Pas avec une force de cette taille. Ce qu’il nous faudrait, c’est… » Elle s’interrompit. Un autre signal d’alarme venait de retentir, celui-là sur une tonalité différente : une note particulière gravée dans sa mémoire. « Non ! »

Drakon fixait l’écran, l’air plus sombre que jamais. « Mais si. Les Énigmas sont de retour. »

La force syndic était arrivée à Midway quelques heures plus tôt. La flottille Énigma, elle, avait émergé au point de saut pour Pele et se trouvait également dans le système depuis plusieurs heures, mais l’image de son irruption parvenait seulement maintenant à la planète. Boyens l’apercevrait pratiquement au même moment et se rendrait compte que ses projets de reconquête de Midway prenaient un coup dans l’aile.

Iceni voyait se multiplier à une vitesse effrénée les symboles désignant les vaisseaux extraterrestres. « C’est une puissante force d’assaut, fit-elle remarquer d’une voix qui la surprit par sa fermeté. Elle n’est pas là que pour frapper et déguerpir.

— Les vaisseaux Énigmas sont assez nombreux pour balayer toute présence humaine de Midway, convint Drakon. Au moins pouvons-nous les voir maintenant que nous avons purgé leurs vers des systèmes de nos senseurs, mais où diable est donc passé Black Jack ? Qu’a-t-il bien pu fabriquer ? Aurait-il donné un coup de pied dans la fourmilière avant de décamper en nous laissant le soin de nous débrouiller des représailles des Énigmas venus se venger de l’invasion de leur espace ? »

Iceni, qui fixait toujours l’écran, sentit un grand froid l’envahir. « À moins que les Énigmas ne se soient révélés trop coriaces même pour lui. S’ils ont réussi à anéantir sa flotte, quelles sont nos chances ? »

Le sourire de Drakon la surprit tout d’abord, puis elle s’aperçut qu’il tenait davantage du grondement du fauve acculé que de la manifestation d’un quelconque contentement. « Appelons Boyens et expliquons-lui qu’il ferait mieux de s’allier à nous s’il tient à jouer les héros.

— Et s’il n’y tenait pas ? S’il préférait prendre ses jambes à son cou et sauver sa peau ?

— Alors nous mourrons tous des mains des Énigmas. Du moins s’ils ont des mains. » Drakon marqua une pause puis haussa les épaules. « Évidemment, compte tenu du rapport de forces, nous mourrons de toute façon, quoi qu’il fasse. Mais il pourrait nous aider à gagner un peu de temps.