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Entre-temps, le tir de barrage des lances de l’enfer et de la mitraille qui ciblaient la position où elles auraient dû déchiqueter le croiseur lourd d’Iceni passa juste sous son ventre, pratiquement inoffensif, en se contentant d’égratigner ses boucliers tandis qu’il prenait régulièrement du champ.

« Le C-818 a perdu l’intégralité de sa propulsion principale, annonça l’opérateur des combats. Il ne peut plus manœuvrer ! »

Iceni sourit. « Maintenant que la force de Kolani se retrouve réduite à un seul croiseur lourd, le rapport de forces jouera bien davantage en notre faveur lors de la prochaine passe de tirs.

— Mais… » Akiri secouait la tête en s’efforçant de comprendre ce qui s’était passé. « La CECH Kolani ferait mieux de filer, maintenant. Et d’éviter l’engagement.

— Ce serait certainement pour elle la décision la plus prudente à court terme, convint Iceni. Mais vous connaissez son caractère. Elle ne tient plus compte de la prudence. Elle est furieuse. Elle meurt d’envie de me supprimer, encore plus qu’il y a cinq minutes. Et, à longue échéance, retourner à Prime avec un seul croiseur lourd lui vaudrait tout bonnement le peloton d’exécution pour incompétence. Non, elle va attaquer. »

Sur son écran, le C-818 estropié continuait de filer sur la même trajectoire en s’éloignant de ses camarades, désormais réduit à l’impuissance. Mais les autres unités de Kolani étaient en train de négocier le virage le plus serré qui leur fût permis. Compte tenu de leur vélocité, cette parabole couvrirait un vaste espace, mais il crevait les yeux que Kolani entendait revenir à l’attaque le plus tôt possible.

« À toutes les unités, virez de onze degrés vers le haut. » Iceni venait d’exhorter sa force à rejoindre son propre croiseur en incurvant vers lui sa trajectoire puis à continuer de boucler la boucle vers le haut, sans tenter pour autant de rivaliser avec la manœuvre serrée de Kolani, laquelle imprimait à ses coques une très forte tension. « Elle va nous foncer dessus », déclara Iceni en éloignant ses vaisseaux.

Selon les conventions humaines standard présidant aux manœuvres à l’intérieur d’un système stellaire, le « haut » désignait arbitrairement ce qui se trouvait au-dessus du plan où gravitaient les planètes, le « bas » ce qui se trouvait en dessous, « tribord » la direction de l’étoile et « bâbord » celle qui s’en écartait. C’était le seul moyen pour qu’un vaisseau spatial comprît les indications que lui transmettait un autre lorsqu’ils opéraient dans un environnement sans haut ni bas réels. Pour un observateur posté à la surface d’une planète, les vaisseaux d’Iceni seraient grimpés si « haut » qu’ils auraient paru basculer, se renverser et continuer de piquer de plus en plus au-dessus du plan de l’écliptique. Ceux de Kolani avaient fait de même, de sorte que les trajectoires des deux forces se rapprochaient l’une de l’autre à angle obtus, comme si elles cherchaient à dessiner les deux côtés d’un triangle dont la base aurait été leurs trajectoires originelles, avant leur premier engagement.

« Cette fois toutes nos frappes seront destinées au croiseur lourd de Kolani », déclara Iceni.

Avec un peu de chance, cela suffirait à détruire le C-990, mais, si Kolani était suffisamment désespérée et convaincue que la victoire lui échappait, elle risquait aussi de lancer un bombardement cinétique sur la planète. Il fallait absolument l’en empêcher, même au prix de la perte d’un croiseur lourd qu’Iceni tenait à conserver.

« Madame la CECH, nous recevons de la planète des transmissions que vous devriez peut-être consulter, annonça l’opérateur des coms.

— Le général Drakon contrôle toujours la situation ?

— Oui.

— Alors je m’occuperai de cela dès que nous en aurons fini avec Kolani. »

L’attente fut loin d’être aussi longue que la première fois, car les deux forces se ruaient l’une vers l’autre au lieu de se pourchasser. Akiri semblait s’être résigné aux dommages qui risquaient encore d’être infligés à son unité. Marphissa avait l’air très contente d’elle-même, bien qu’elle cherchât à le dissimuler.

Vingt secondes seulement avant le contact, le rapport de forces changea de nouveau.

Iceni vit un signal d’alarme clignoter sur son écran : les trois croiseurs légers et trois des avisos que contrôlait toujours Kolani venaient d’altérer leur trajectoire pour s’écarter du reste de sa flottille. Une ruse de dernière seconde pour la confondre ?

« Ils évitent le contact, annonça Marphissa. Ils quittent la flottille de Kolani. »

Iceni n’eut que le temps de hocher la tête avant que les autres vaisseaux de son adversaire et les siens ne se croisent à une allure foudroyante. Ceux de la commandante légaliste criblèrent de tirs le croiseur lourd d’Iceni, mais sa force se réduisait maintenant à un croiseur lourd, un croiseur léger et deux avisos contre les trois croiseurs lourds, le croiseur léger et les quatre avisos rebelles, qui tous, lorsque les deux flottilles adverses se frôlèrent le temps d’un battement de cils, concentrèrent leurs frappes sur son vaisseau amiral.

Le C-448 rebelle vibrait encore des impacts qui avaient touché ses boucliers quand ses senseurs entreprirent de transmettre des données sur le statut du C-990. Le croiseur lourd de Kolani avait été sévèrement endommagé. Il culbutait dans l’espace, ses systèmes de manœuvre H. S., sa proue réduite à l’état de ruine, et sa coque portait de nombreuses traces de pénétration augurant de dommages internes. « Essayez de joindre le C-990, ordonna Iceni.

— Nous pourrions l’achever, proposa Marphissa. Ses boucliers ont complètement flanché.

— Non. » Tous la regardèrent, manifestement surpris de voir une CECH faire preuve de mansuétude. Le visage d’Iceni se durcit, elle-même sentit ses mâchoires se crisper, et ils vaquèrent de nouveau promptement à leurs tâches. « Je voudrais récupérer et faire réparer ce vaisseau aussi vite que possible. Nous aurons l’usage de toutes les carcasses disponibles. » Et voilà ! Cela pouvait passer pour une bonne raison, pragmatique en diable, de ne pas massacrer l’équipage du croiseur lourd réduit à l’impuissance. « Et transmettez une demande de reddition aux autres unités. »

Les croiseurs légers et avisos restés avec Kolani comme ceux qui l’avaient quittée reconnurent l’autorité d’Iceni en une succession en dents de scie de messages, reflet du délai qu’il avait fallu à chacun pour se débarrasser des serpents qui se trouvaient à son bord. Le dernier lui parvint du C-818, dont le second se soumettait à son autorité. « J’ai le regret de vous informer du décès durant le combat du vice-CECH Krasny, notre ex-commandant », déclara l’adjoint d’une voix sans timbre.

Akiri secoua la tête, les sourcils froncés. « Comment Krasny a-t-il bien pu être tué par des frappes à la poupe de son croiseur ?

— Un accident stupide, j’imagine », trancha Iceni.

Marphissa décocha à sa supérieure un regard éloquent, laissant clairement entendre qu’elle partageait son avis : Krasny avait refusé de céder et ses subordonnés avaient pris l’affaire en mains. Mais, plus discrète qu’Akiri, elle n’allait pas le chanter sur les toits. Inutile de suggérer à leurs propres équipages d’autres idées sur le sort qu’ils pouvaient réserver à leurs CECH et cadres supérieurs.

L’opérateur des coms poussa un soupir de dépit. « Nous ne captons aucun signal du C-990, madame la CECH. Tous ses systèmes sont sans doute H. S. Nous devrions peut-être lui envoyer une navette.

— Ses systèmes sont peut-être morts, mais certainement pas tout son équipage, objecta Marphissa. Quelqu’un peut avoir déjà gagné un sas et envoyé des messages à vitesse luminique.