Выбрать главу

Morgan garda un instant le silence avant de relever les yeux pour reprendre la parole : « Je pourrais le contacter. Comme Rogero ce commandant de croiseur de combat. J’enverrai des messages à Black Jack à son retour. Pour lui faire part de mon adulation. De l’adoration que porte une femme au héros qu’il est. Il mordra à l’hameçon. »

Drakon lui retourna son regard. À la voir ainsi vautrée sur le sofa dans cette combinaison moulante qui soulignait ses formes, à la fois belle et dangereuse, mélange explosif qui ne manquait jamais de faire sautiller sur place d’excitation le petit macaque qui habite dans la tête de tout homme, il ne pouvait guère en disconvenir. Et Morgan le savait. « Black Jack est peut-être déjà en mains. Le bruit court qu’il y aurait une femme.

— Pas une femme comme moi, rétorqua Morgan. » Elle lui fit un clin d’œil et se leva. « Le jeu en vaut bien la chandelle, non ? »

Drakon s’efforça de peser le pour et le contre avec détachement, mais, en se les dépeignant ensemble, il ressentit comme un pincement de jalousie au cœur et s’efforça de son mieux d’effacer cette image. Avoir barre sur Black Jack. Pouvoir connaître intimement ses intentions. « Peut-être. As-tu déniché autre chose ?

— Nan. S’il existe encore des serpents en sommeil à Midway, aucun en tout cas n’occupe un rang très important dans la hiérarchie des forces terrestres », affirma-t-elle avec assurance.

C’était une bonne nouvelle. Si quelqu’un était en mesure de débusquer ces agents assoupis, c’était bien Morgan.

Le vice-CECH Akiri ne sut jamais ce qui l’avait tué.

Son meurtrier pénétra dans sa chambre à coucher en dépit des verrous et des alarmes et lui planta dans la gorge un paralysant neuronal. Il attendit un instant, le temps de s’assurer de son décès, puis fila retrouver sa cible suivante.

Mehmet Togo, en revanche – soit parce que son instinct était plus affûté, soit parce qu’il bénéficiait encore de la protection d’ancêtres qui veillaient sur lui, puisqu’il avait continué de les révérer en secret en dépit de l’interdiction formelle des Syndics, qui décourageaient ces « superstitions » –, se réveilla lorsque l’assassin entra dans sa chambre. Togo agrippa son arme, roula hors du lit, tira en même temps qu’il en tombait et, sans s’émouvoir, regarda son agresseur basculer à la renverse et s’affaler par terre, inerte. Dans sa précipitation, il avait porté un coup fatal plutôt qu’incapacitant. Erreur inexcusable : l’homme ne répondrait plus à aucune question.

La vice-CECH Marphissa ne dut la vie sauve qu’à une alarme subsidiaire et illicite de son écoutille, qu’elle avait elle-même bidouillée avant de graisser la patte du responsable du réseau électrique de son croiseur pour acheter son silence. L’alarme silencieuse la réveilla juste à temps pour lui permettre de s’emparer de l’arme de poing que tout CECH ou vice-CECH syndic un tant soit peu prudent conserve à portée de main au cas où quelqu’un chercherait une occasion d’obtenir un avancement. Alors même que le tueur finissait de désactiver l’alarme réglementaire pour entrer dans sa cabine, Marphissa le cueillit d’une balle en pleine poitrine, puis, en dépit des règles strictes imposant de capturer les intrus afin de les soumettre à un interrogatoire serré, lui en colla trois autres dans la peau lorsqu’il heurta la cloison opposée.

Au diable les règles ! Elle n’avait aucunement l’intention de laisser l’homme se relever.

L’appel de la vice-CECH Marphissa parvint à Iceni alors qu’elle recevait le rapport de Togo. « J’ai alerté toutes les forces mobiles, mais il n’y avait apparemment qu’un seul assassin, lui apprit-elle. On n’en a détecté aucun autre et personne n’a été tué ; j’étais donc sa première cible ou la seule. Je ne crois pas à… une… tentative d’assassinat de… euh… routine.

— C’est également mon opinion, acquiesça Iceni. Nous avons aussi abattu un meurtrier ici. Le vice-CECH Akiri a eu moins de chance que vous. Son assassin et lui sont morts tous les deux.

— On s’en serait pris en même temps à Akiri et moi ?

— À ce qu’il semble. La même nuit. » Iceni se tourna vers Togo. « Mes gardes du corps ont-ils trouvé quelqu’un dans le complexe ?

— Non, madame la présidente. J’ai analysé la méthode employée par cette fille pour y pénétrer, et il ne semble pas qu’elle aurait pu s’introduire dans vos quartiers. Les moyens qui lui ont permis de déjouer la sécurité étaient trop rudimentaires pour venir à bout de leurs défenses.

— Parfait. Avez-vous identifié le tueur de votre croiseur, vice-CECH Marphissa ? »

L’interpellée laissa échapper un grognement irrité avant de répondre. « Inconnu au bataillon. Il ne fait pas partie de l’équipage et ne figure pas non plus sur les rôles des forces mobiles. Mais nous sommes très éloignés de toute installation orbitale. Il n’aurait jamais pu atteindre cette unité depuis une position aussi distante sans se faire repérer ! »

La voix de Togo restait imperturbable. « Celle d’ici aussi reste une énigme. Aucun dossier ne lui correspond, ni à l’identification, ni dans les forces terrestres ou mobiles, ni à l’état civil.

— Comment est-ce possible ? s’étonna Marphissa. Même s’il ne l’avait jamais vue, le logiciel de surveillance du SSI aurait décelé la présence d’une personne sans antécédents. Je sais au moins cela. Un individu de cette espèce laisse un blanc, un trou quelque part montrant que quelqu’un agit sans qu’on le voie faire. C’est évident pour le logiciel.

— L’assassin d’ici pourrait provenir d’un tas d’endroits différents, déclara Iceni.

— La vice-CECH Marphissa a néanmoins raison de dire que le tueur aurait eu besoin d’assistance pour rester indétectable sur la planète, affirma Togo. De quelqu’un de très haut placé. »

Iceni le scruta. « Es-tu prêt à citer un nom ?

— Je constate simplement que le général Drakon ne nous a signalé aucun nervi qui s’en serait pris cette nuit à son état-major, madame la présidente. On n’a détecté aucune alarme ni activité anormale parmi les forces terrestres. Nulle part. »

C’était sans doute un commencement de preuve fichtrement accablant, sauf qu’Iceni avait la conviction que Drakon savait procéder correctement dans ce genre d’affaires : en l’occurrence identifier au sein de son état-major un quidam qu’il pouvait se permettre de sacrifier, dont il pouvait se débarrasser sans trop de scrupules en même temps qu’il frapperait son adversaire. Stratagème qui vous procurait une couverture en même temps qu’il purgeait votre équipe de ses éléments indésirables. Méthodes de base des CECH. Si elle l’avait cerné à peu près convenablement et qu’il avait effectivement visé ses gens cette nuit, il n’aurait jamais eu la sottise de se dévoiler. « Comment le général Drakon aurait-il pu infiltrer un tueur à bord du croiseur de la vice-CECH Marphissa ? Vous affirmez que votre assassin pourrait provenir de n’importe quelle unité proche de la vôtre, vice-CECH ?

— Oui, madame la présidente.

— Et s’il s’était servi d’une de ces combinaisons furtives des forces terrestres ?

— Nous l’aurions dénichée après l’avoir abattu, déclara Marphissa. Nous avons bien trouvé une combinaison de survie standard dans un conteneur de déchets qui n’avait pas été vidé, mais elle pourrait provenir de n’importe quelle unité.