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— Puis-je savoir sur quel objet précis doit porter cette perquisition, madame la présidente ?

— Il y a dans ce puzzle qu’est Akiri des pièces qui ne s’ajustent pas. Je veux savoir pourquoi. Trouve tout ce que tu pourras qui ne cadre pas avec ce que nous savons de lui. »

Restaient encore quelques minutes avant T 20 ; tandis que les vaisseaux se préparaient au combat, Iceni attendit de voir ce qui allait se produire tout en observant l’effervescence entourant Marphissa. « Crois-tu que les serpents de l’A-6336 s’apprêteront à se battre dès qu’ils se rendront compte de ce qui se passe ? demanda-t-elle à Togo.

— M’étonnerait. Les vrais cadres des forces mobiles le feraient sans doute, mais, si ces gens appartiennent bien au SSI et sont habitués à demander des instructions avant d’agir… (un bref sourire éclaira le visage de Togo) ils appelleront Marphissa et lui demanderont ce qu’ils doivent faire. »

Sa prédiction se vérifia quelques secondes plus tard. « Vice-CECH Marphissa, ici l’A-6336. Devons-nous nous préparer au combat ?

— Non. »

Silence radio puis : « Les autres forces mobiles sont sur le pied de guerre.

— Oui. Mais abstenez-vous de renforcer vos boucliers et d’alimenter vos armes. C’est bien compris, A-6336 ?

— Non. »

Difficile de dire si ce « non » répondait à la question de Marphissa ou s’il correspondait à un refus catégorique. « L’A-6336 alimente ses armes en énergie, avertit un opérateur.

— Vous en êtes sûr ?

— À cent pour cent, vice-CECH Marphissa. Ses boucliers aussi sont en train de se renforcer.

— A-6336, cessez tout de suite. Coupez l’alimentation de vos armes et de vos boucliers. Dernier avertissement. » Marphissa se tut un instant avant de se tourner vers l’opérateur.

« Aucun changement, vice-CECH Marphissa. L’A-6336 continue de se préparer au combat. »

Iceni vit se durcir le visage de son adjointe puis elle la vit enfoncer une commande préétablie de l’index.

Très haut au-dessus de la présidente, des rayons de particules jaillirent des trois croiseurs lourds, des quatre croiseurs légers et des cinq avisos qui gravitaient autour de la planète. Leurs tirs se concentraient sur l’A-6336 tout proche.

Cette seule salve suffit. La position relative de l’aviso loyaliste et des vaisseaux d’Iceni était au point mort, de sorte qu’ils ne pouvaient manquer leur cible. Le blindage des avisos est relativement léger et les boucliers de l’A-6336 n’étaient encore qu’à la moitié de leur puissance ; en outre, dans une unité de si petite taille, chaque mètre cube est bourré d’équipement. La rafale de rayons de particules cingla si violemment le bâtiment qu’en consultant les rapports d’avarie qui s’affichaient sur l’écran de Marphissa Iceni se demanda pourquoi il n’avait pas volé en éclats.

La vice-CECH fixa méchamment l’épave durant une seconde puis entra en action, fulgurante. « À toutes les unités ! Éloignez-vous de l’A-6336 à votre vélocité maximale ! Exécution ! »

Togo interrogea Iceni du regard. Celle-ci hésita puis comprit subitement la raison de cet ordre. « Le réacteur. Elle croit que le réacteur de l’A-6336 va être victime d’une surcharge.

— Comment pourrait-il bien y avoir des survivants pour en donner l’ordre ?

— Pas besoin si les serpents ont chargé dans les systèmes de contrôle du réacteur un programme de l’homme mort. Et nous les avons précisément vus recourir à de telles méthodes. »

Un instant plus tard, l’A-6336 disparaissait dans une violente explosion.

Iceni vit le croiseur de Marphissa tanguer sous l’impact de l’onde de choc. « Rien que des dommages mineurs, rapporta la vice-CECH. Le réacteur de l’A-6336 était relativement peu puissant et nos propres boucliers à plein régime. En outre, nous accélérions comme des perdus.

— Très bons réflexes, vice-CECH Marphissa, la félicita Iceni. Vous avez excellemment géré la situation. Vous me voyez très impressionnée par votre compétence. »

C’était sans doute le plus bel éloge dont pût se fendre un CECH et Marphissa rougit de plaisir.

Avant qu’Iceni pût ajouter autre chose, Togo se gratta la gorge comme pour s’excuser. « Un appel du général Drakon, madame la présidente. Il demande pourquoi les forces mobiles en orbite tirent sur une de leurs unités.

— Je vais le prendre. Nous reparlerons demain matin, vice-CECH Marphissa. »

Mais, avant de se retourner, Iceni s’arrêta pour regarder une dernière fois l’écran de la vice-CECH avant que la connexion ne fût coupée : là où, un instant plus tôt, se trouvaient un aviso et sans doute une vingtaine d’êtres humains s’étendait à présent un nuage de poussière en rapide expansion. Elle n’éprouvait certes aucune sympathie pour ces gens qui avaient égorgé tant de leurs camarades, mais elle regrettait la perte du petit vaisseau.

La nouvelle des tentatives d’assassinat et de la mort d’Akiri avait paru choquer Drakon la veille au soir, en même temps qu’il avait donné l’impression de se satisfaire des explications d’Iceni ; mais, au matin, il cherchait de nouveau à lui parler en privé, non pas par l’entremise des canaux de communication mais en se présentant en personne à l’entrée de son complexe, sans aucun garde du corps, ni même flanqué de Morgan et de Malin qui pourtant l’escortaient toujours normalement. Un tantinet perturbée par ce comportement inhabituel, Iceni vérifia que toutes les défenses de son bureau étaient actives et fonctionnaient correctement avant d’autoriser ses propres gorilles à le laisser entrer. « De quoi s’agit-il ? » lui demanda-t-elle aussitôt.

Planté devant elle, Drakon la fixait en fronçant les sourcils. Il finit par prendre la parole d’une voix sourde et rauque. « Merci de ne pas m’avoir accusé d’être mêlé aux événements de la nuit dernière.

— J’ai de vous une plus haute opinion, général, rétorqua-t-elle. Si vous aviez commandité ces attentats, les morts seraient plus nombreux dans mes rangs. »

Il dévoila ses dents dans un sourire contrit. « Je le prends comme un compliment. Je me suis rendu seul ici pour deux raisons. La première, c’est de vous prouver en acceptant de prendre ce risque que je n’ai rien à craindre de vous puisque je n’ai rien à voir dans ces forfaits. Faut-il que je vous le répète ailleurs, dans une autre section de votre complexe ? »

Elle secoua la tête. « Non, général Drakon. Pas besoin de vous soumettre à un interrogatoire pour m’en convaincre. Vous ne m’auriez pas fait cette proposition si vous n’aviez pas été persuadé de passer l’épreuve haut la main. Quelle est donc la seconde raison de votre visite ? »

Drakon déglutit, se mâchonna la lèvre puis déclara à brûle-pourpoint : « Je tiens à vous faire mes excuses.

— Vous tenez à… quoi ?

— À m’excuser. » Il semblait avoir le plus grand mal à s’arracher le mot de la bouche.

Rien d’étonnant. Iceni elle-même n’en croyait pas ses oreilles. Demander pardon était si rare dans les rangs des CECH qu’elle ne se rappelait pas avoir jamais reçu d’excuses. Ni même en avoir entendu parler. Le mot « rare » est-il d’ailleurs le terme adéquat pour qualifier un événement qui ne se produit jamais ? « Vous… M’auriez-vous nui d’une manière ou d’une autre ?

— Pas délibérément. » Drakon inspira profondément avant de la regarder de nouveau droit dans les yeux. « J’ai omis de vous transmettre une information qui aurait pu vous mettre sur la voie du problème que risquait de poser cet aviso. Avant que nous n’éliminions le colonel Dun, elle avait réussi à envoyer un message au croiseur qui allait emprunter le portail de l’hypernet, contrôlé par les serpents. Nous ne disposons toujours d’aucun indice sur sa teneur. Rien qu’une réactualisation, m’étais-je persuadé. Peut-être pour annoncer à ses serpents de patrons qu’elle était coincée et qu’ils devaient laisser filer sa famille, ou quelque chose du même tonneau. On m’avait bien conseillé de vous en faire part, mais j’ai estimé que c’était sans importance. »