Выбрать главу

Marphissa reporta sur la présidente un regard déconcerté. « Mon second ? C’est l’équivalent de vice-CECH ou de cadre supérieur.

— Il l’aura bien mérité, ne trouvez-vous pas ? »

Bref silence puis Marphissa hocha la tête. « Si. Si, effectivement. »

Quarante-sept minutes après sa promesse, Kontos rappelait Iceni. « Le CU-78 est paré à s’ébranler sur votre ordre, madame la présidente. »

Marphissa consulta ses relevés sur l’état de préparation du cuirassé et opina, l’air sidérée.

Iceni se radossa à son fauteuil et parcourut du regard la passerelle du croiseur lourd. Elle semblait bien moins bondée, pourtant les postes de tous les spécialistes étaient occupés. Dans la mesure où une bonne partie de son équipage était provisoirement affectée au cuirassé, le croiseur lourd avait l’air étrangement désert. « Préparez toutes les unités à gagner le point de saut pour Midway, kommodore. »

Les croiseurs lourds attelés au cuirassé en avaient été désarrimés et les croiseurs légers et avisos s’étaient rapprochés du bâtiment massif pour l’escorter. Ils s’apprêtaient enfin à regagner Midway, en espérant quitter Kane avant qu’une puissante force syndic ne s’y pointât et atteindre Midway avant que les Mondes syndiqués ne l’eussent attaqué. Le problème de propulsion du croiseur C-818 avait finalement été un bien pour un mal. Iceni n’en avait pas eu besoin et, par sa seule présence, il aurait au moins offert un semblant de protection à Midway jusqu’à son retour.

Très loin d’eux, les vaisseaux contrôlés par les serpents avaient sauté pour Kukaï quelques heures plus tôt. Le détachement d’Iceni qui les filait s’était retourné depuis pour rejoindre la flottille. « Ordonnez au détachement de nous rallier juste avant le point de saut », demanda-t-elle à Marphissa.

Le vaisseau marchand, avec son nouveau chargement d’évacués de l’installation orbitale, avait encore un long trajet à couvrir avant d’atteindre la deuxième planète ; mais le croiseur léger qui se dirigeait auparavant vers le système stellaire natal de son équipage était resté pour l’escorter et veiller à ce que le contrôleur en chef Hafely ne cherchât pas à réduire ses pertes en se débarrassant des rescapés.

Des débris épars occupaient désormais la position de l’installation des forces mobiles ; la plupart avaient été arrachés à leur orbite, mais certains tombaient encore en vrille vers les mâchoires voraces de la géante gazeuse et disparaissaient dans ses nuages multicolores.

Sur la seconde planète, on voyait sans doute des foules s’assembler dans les rues, mais, de la position des vaisseaux d’Iceni, on ne captait pas suffisamment les communications pour comprendre ce qui s’y passait exactement depuis que les serpents avaient décampé. Les feux qu’on distinguait dans les rues étaient-ils ceux de festivités, d’émeutes, de combats ou bien de tout cela à la fois ?

« À toutes les unités, virez de quarante-trois degrés sur bâbord et d’un degré vers le bas, et accélérez à 0,03 c pour stationner au-dessus du CU-78, ordonna Marphissa. Exécution immédiate. »

Les bâtiments bougeaient déjà, en fait. Iceni se surprit à sourire malgré la poussive lenteur avec laquelle la masse de la géante gazeuse rétrécissait sous eux. Une partie seulement des principales unités de propulsion du cuirassé fonctionnaient, suffisamment en tout cas pour l’ébranler, mais elles accéléreraient jusqu’à 0,03 c, plus mollement, certes, qu’il n’est d’usage pour un cuirassé, et encore cette accélération exigerait-elle un certain temps. Tout comme, au demeurant, atteindre le point de saut à cette vélocité demanderait un bon moment. Mais au moins était-on parti. Plus que satisfaite, Iceni appela le CU-78. « Sous-chef Kontos, aimeriez-vous prendre du service dans les forces mobiles de Midway ? »

Kontos sourit. « Et comment, madame la présidente !

— Vous êtes donc promu kapitan-levtenant à effet immédiat, et nommé second du cuirassé CU-78. Félicitations. »

Son second appel fut pour le colonel Rogero. « Vos soldats sont-ils satisfaits des installations du CU-78, colonel ?

— Oui, madame la présidente. » Le colonel ne portait pas sa cuirasse de combat, mais il émanait encore de lui l’aura d’un homme prêt à tout. Iceni trouva cette impression dangereusement stimulante. « Cela dit, à la vérité, il y a bien trop de place et trop peu de matelots, ajouta-t-il. Ça flanque la chair de poule.

— Tout est en ordre ?

— Nous sommes parés à tout », confirma Rogero.

C’était une phrase codée, destinée à lui faire comprendre que les hommes de Rogero se retourneraient si besoin contre l’équipage et veilleraient à ramener le cuirassé à Midway. Ironique, certes, étant donné ses propres doutes à l’égard de Rogero, mais il lui fallait bien compter sur son intervention si d’aventure Kontos ou ses collègues optaient pour une autre destination.

Elle devait reconnaître que le retard pris dans les préparatifs du cuirassé était en partie de son fait. Des techniciens avaient installé en grand secret des dérogations là où elles étaient strictement interdites par le règlement syndic. Seule une personne autorisée à pénétrer dans les trois citadelles aurait pu s’en charger. Mais, à présent, si quelqu’un décidait de nouveau de s’y terrer, Iceni pourrait activer ces dérogations et y accéder aussitôt.

Évidemment, les techniciens risquaient toujours de bavarder, même s’ils ne nourrissaient aucun doute sur le sort que leur réserverait Iceni au cas où ils s’en ouvriraient à des tiers. Mais, entre le bâton et la carotte qu’on leur avait promise pour leur discrétion, ils choisiraient très certainement le silence. Iceni savait depuis beau temps que, comme les menaces, il valait mieux tenir les promesses de récompense. Elle avait naguère travaillé pour un homme qui pensait le contraire et grugeait couramment ses employés et subordonnés de ce qu’il leur promettait. Tout était passé comme une lettre à la poste jusqu’à cette nuit où un tueur s’était pointé pour l’abattre et où ses gardes du corps, tous employés qu’il avait filoutés des récompenses qu’il leur avait promises, avaient fermé les yeux.

Iceni prenait soin de ceux qui travaillaient pour elle. Par pur et simple intérêt personnel. Mais même les travailleurs qu’on traite convenablement peuvent trahir un jour leur employeur. L’héroïsme de Kontos et de l’équipage de neuvage lui avait gagné le contrôle du cuirassé. Nul, si brave qu’il se montrât, ne pourrait le lui reprendre.

Il n’empêche qu’à 0,03 c on était encore très loin du point de saut.

« Ça bouge beaucoup à Lono, rapporta le colonel Malin.

— Dangereusement ? demanda Drakon.

— Il se pourrait. Un vaisseau marchand qui vient d’en arriver affirme y avoir vu trois croiseurs lourds et un bon nombre d’escorteurs. »

Lono. À un seul saut de Midway, alors qu’il se trouvait dans ce système une puissance de feu suffisante pour réduire en lambeaux le seul croiseur lourd qu’avait laissé Iceni. « As-tu appris du nouveau sur l’aviso que la présidente Iceni y a envoyé ?

— Oui, mon général. D’après ce qu’a entendu dire le cargo, cet aviso aurait émergé au point de saut menant à Midway avant de traverser le système de Lono sans s’arrêter pour sauter ensuite vers Milu. »

Au temps pour cet aviso ! Quelqu’un à son bord avait décidé de rentrer chez lui ou, tout du moins, d’en faire à sa tête. « Que pourrions-nous dépêcher à Lono pour confirmer les dires de ce cargo quant à la présence d’une flottille dans ce système ?

— Rien, à moins d’en réquisitionner un autre, mon général. »

Trop lent. « Il nous faut des éclaireurs, colonel Malin. Comment nous procurer des éclaireurs susceptibles de surveiller les troubles survenant dans les systèmes voisins ?