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Iceni éclata de rire. « Vraiment ? Intéressant. Qu’est-ce qui vous a poussé à dire ça ?

— C’est l’idée la plus dingue qui me soit venue à l’esprit.

— Ça pourrait être drôle. Si vous vous y résolvez un jour, faites-le-moi savoir. »

Si seulement il pouvait se fier à elle…

Quinze

Drakon préférait les plans simples. Les risques de dérapage y sont moins nombreux. Les rouages les moins compliqués peuvent eux-mêmes tourner en eau de boudin, mais, en limitant leur nombre, on réduit celui des obstacles qu’il faudra surmonter quand le plan se heurtera de plein fouet à la réalité. « Pas mal. »

Malin consulta son propre affichage et Morgan jeta à Drakon un regard surpris. Tous deux savaient que « pas mal » ne signifiait pas « foncez ! »

« Qu’est-ce qui cloche ? s’enquit Morgan.

— Un seul détail. » Drakon montra l’écran où, en surplomb de son bureau, le plan de leur irruption à Taroa s’affichait en 3D. « Un cargo abritant une demi-brigade arrive seul, avant la flottille, pour investir les principaux chantiers navals orbitaux. Bel et bon. Il est d’une importance critique que nous conservions intacts ces chantiers, ce qu’on y construit et les travailleurs spécialisés qui s’y activent. Mais votre plan exige le recours à une moitié de la brigade de Gaiene, accompagnée de la seule Morgan pour me représenter, tandis que Malin et moi suivrons avec celle de Kaï, l’autre moitié des hommes de Gaiene et les locaux de Senski.

— Je peux m’en débrouiller, plastronna Morgan.

— Certes, mais, dans le feu de l’action, vous êtes très agressifs, Gaiene et toi. Il faudrait que quelqu’un, en sus du colonel Gaiene, soit là pour surveiller les flancs et l’arrière et s’assurer que nous nous emparions de ce qu’on construit dans le chantier principal.

— Je vaux bien Malin à cet égard.

— … Et quelqu’un qui saura aussitôt traiter avec les Libres Taroans, avant qu’ils ne se rendent compte que nous sommes en train de leur faucher leur principale installation orbitale. Moi, en l’occurrence. »

Au tour de Malin d’élever une objection : « Mon général, ce cargo ne sera pas escorté. S’il n’existait qu’une seule unité mobile contrôlée par des loyalistes dans tout le système, elle pourrait décider de l’intercepter. Vous prendriez un gros risque.

— Aux dernières nouvelles, il n’y avait à Taroa aucune unité mobile contrôlée par les serpents ou les Syndics, rétorqua Drakon. S’il s’en pointait une, elle ne rôderait pas à proximité du point de saut pour Midway mais près de la quatrième planète, où se trouve le plus gros de la population et où les serpents et les loyalistes combattent les deux autres factions. Notre cargo serait en mesure de l’esquiver un bon bout de temps si ce vaisseau faisait irruption et, une fois que le reste de la flottille aura émergé, nous disposerons d’assez de puissance de feu pour le mettre en fuite.

— Nous ne pouvons pas nous permettre de risquer ainsi votre vie, mon général. Si jamais les loyalistes ont truffé ces chantiers d’engins nucléaires, ils pourraient opter pour les désintégrer. Je peux…

— Non, le coupa Morgan. Moi, je peux.

— Vous êtes tous les deux très doués, mais cette tâche me revient. Morgan, tu accompagneras le colonel Kaï, et toi, Malin, le colonel Senski. Fin de la discussion. »

Ils abordèrent ensuite les détails de l’opération et réglèrent divers problèmes, puis Malin prit congé.

Mais Morgan, elle, s’attarda un instant. « Si vous croyez que Gaiene s’aventurerait à me draguer au cas où nous nous retrouverions sur le même vaisseau, vous faites erreur.

— Il ne s’agit pas de cela. » Pas précisément, tout du moins. D’accord, la perspective d’une Morgan et d’un Gaiene se côtoyant plusieurs jours d’affilée à bord du cargo l’avait un tantinet perturbé, mais pas pour la raison évidente que suggéraient le sex-appeal de Morgan et la lubricité de Gaiene. Tous deux savaient quand ils devaient refréner ces aspects de leur personnalité. Drakon n’aurait su dire exactement pourquoi il redoutait tant de les voir mener cette mission à bord du même bâtiment, mais il avait appris à se fier à son instinct. En outre, il tenait à s’assurer qu’il serait le premier, à l’exclusion de tout autre, à s’adresser aux Libres Taroans. « Mais de ce que je veux pouvoir contacter directement la population de la principale planète habitée de Taroa. Ta conception personnelle de la diplomatie est un poil plus agressive que la mienne et risque de se traduire par le recours à davantage de puissance de feu qu’il n’est nécessaire en l’occurrence. »

Morgan le dévisagea puis sourit. « Euh… ouais. Je suis sans doute plus douée pour tout casser. D’accord, mon général.

— Malin et toi serez sur des vaisseaux différents. Veille à n’y rien changer. Je ne tiens pas à voir tout mon état-major regroupé sur une seule cible. »

Le sourire de Morgan ne vacilla pas. « Ni non plus qu’il soit réduit de moitié parce que, lasse de m’appuyer Malin, je l’aurais égorgé comme un goret. Compris. Mais il y a autre chose.

— Quoi donc ?

— Le colonel Rogero. Resté seul ici avec Son Altesse royale.

— La présidente Iceni, tu veux dire ?

— Oui, mon général. » Cette fois, le sourire de Morgan s’effaça et elle s’avança d’un pas. « Nous savons que Rogero était lié aux serpents et qu’il est encore lié à l’Alliance…

— Nous avons déjà eu cette conversation.

— … alors d’où tenons-nous qu’il n’est pas aussi en cheville avec Iceni ? Qu’il ne lui divulgue pas des informations que seuls vos plus proches collaborateurs connaissent ? »

Drakon avait aussi appris à se fier au flair de Morgan, aussi pesa-t-il le pour et le contre. « Compte tenu de la formulation de ta question, je présume que tu en as la preuve.

— Je peux la dénicher.

— Et une preuve solide, Morgan. Nous ne sommes pas le SSI. Nous ne fabriquons pas des preuves pour inculper les gens. »

Elle secoua la tête, manifestement imperméable à la rebuffade. « Non, je n’en ai pas la preuve. Mais je la cherche.

— Ça fait partie de ton boulot. Suggérerais-tu que je te laisse ici pour surveiller Rogero ?

— Non, mon général. Plutôt que vous preniez des mesures contre lui avant qu’il ne soit trop tard.

— Exclu. Ce sera tout, colonel Morgan. »

Togo se tenait devant le bureau d’Iceni. Son visage impassible était d’une sévérité inhabituelle. « Je m’inquiète pour votre sécurité, madame la présidente. »

C’était de mauvais augure. Iceni lui accorda toute son attention. « Qu’as-tu appris ?

— Le général Drakon va quitter Midway avec la plupart de ses officiers.

— Je suis au courant.

— Il compte laisser ici le colonel Rogero, poursuivit Togo. L’homme même qui a déjà tenté de vous supprimer. »

Iceni secoua la tête. « J’ai vérifié à deux reprises les états de service de Rogero. C’est un excellent tireur. S’il avait voulu m’abattre quand je suis montée à bord du cuirassé, il m’aurait tuée.

— Nous n’en avons pas la certitude. Nous ne savons pas s’il n’a pas failli à ses ordres.

— Selon toi, le colonel Rogero resterait à Midway pour fomenter mon assassinat ? Ou pour m’exécuter lui-même ? »