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Dès qu’un des soldats blasés ouvrit l’accès pour se connecter et vérifier le manifeste, Shand lui apparut et conversa avec lui, combinaison contre combinaison, par le canal réservé à l’équipage. Il gesticulait avec un art consommé, alternant incitations et supplications.

D’autres soldats rappliquèrent. Le sergent Shand les invita d’un geste à entrer.

Ils obtempérèrent. Drakon compta une escouade complète. Sa visière lui montrait un quai d’appontement désormais désert.

Deux des équipes de Gaiene surgirent brusquement. Les hommes braquaient leurs armes sur les locaux stupéfaits, qui tous eurent la présence d’esprit de se figer sur place, parfaitement immobiles.

Mouvement sur le quai : une unique silhouette en cuirasse de combat venait d’émerger. La femme se pétrifia assez longtemps pour jauger la situation puis fonça vers le sas du cargo, l’air franchement mécontente et prête à déverser sa bile.

« Leur chef d’escouade était dans le tas ? » demanda Drakon à Gaiene.

La réponse ne fut pas longue à lui parvenir. « Non.

— Alors elle a dû comprendre que tous ses hommes étaient montés à bord du cargo et elle fonce droit sur nous, sans doute morte de rage. »

Quelques secondes plus tard, le sergent faisait irruption par le tube d’accès puis pilait brutalement ; quatre des hommes de Gaiene, postés près de l’entrée, venaient de poser sur son casque le museau de leur arme.

Gaiene eut un claquement de langue dépité. « Le sergent a tenté d’envoyer une alarme. Nos brouilleurs l’ont bloquée à l’intérieur de la coque. Elle s’y entend à proférer des obscénités.

— Elle peut toujours agonir son escouade maintenant que ses hommes sont tous enfermés ici, laissa tomber Drakon pendant qu’on désarmait les locaux et qu’on les emmenait. Il nous reste au mieux deux minutes avant qu’on s’aperçoive qu’ils ne sont plus sur le quai. » Il bascula sur le canal de commandement le reliant à tous les soldats. « Souvenez-nous de permettre aux défenseurs de l’installation de se rendre s’ils ne nous combattent pas. Il faut faire vite. Nous pouvons nous dispenser de poches de résistance qui retarderaient notre assaut. Giclez ! »

Les soldats de la brigade jaillirent du cargo par les grands sas des soutes de cargaison. Ils s’éparpillèrent le long du quai pour foncer vers l’objectif chargé sur leur visière. On avait retrouvé à Midway de nombreux exemplaires du plan de la disposition des lieux et, pendant le trajet, ils avaient consacré une bonne partie de leur temps à visionner des simulations de l’assaut. Maintenant qu’ils s’attaquaient au réel, ils n’hésitaient pas.

Juste après le tube d’accès, un serpent était assis derrière le bureau de contrôle du personnel ; la fille mourut avant d’avoir compris ce qui se passait, sans même avoir déclenché son alarme. Un petit groupe de travailleurs civils s’enfuit, paniqué. Quelques-uns se plaquèrent au pont, morts de peur. Mais les soldats les ignorèrent, du moins jusqu’à ce qu’un de ces hommes tende la main vers un signal d’alarme ; il se retrouva aussitôt étendu au pied de la plus proche cloison, inanimé.

Drakon restait légèrement en arrière, en s’efforçant de maintenir sa position au centre de la masse de ses hommes qui se déployaient dans l’installation. Il concentrait toute son attention sur le tableau général qu’affichait la visière de son casque plutôt que sur le secteur environnant et guettait les problèmes qui risquaient de survenir et, en particulier, de toucher les unités piquant vers le principal chantier spatial et le compartiment abritant le QG de la station orbitale.

Le colonel Gaiene donnait l’impression d’être partout à la fois ; toujours en tête, il éperonnait ses troupes, les menait à un rythme effréné pour tenter d’occuper le plus vite possible la majeure partie de l’installation et de submerger les locaux avant que des alarmes retentissent.

Une équipe d’ingénieurs combattants s’enferma dans le centre de commande des chantiers spatiaux et entreprit de télécharger des logiciels afin de prendre le contrôle des systèmes et d’interdire aux défenseurs d’entrer de nouvelles instructions de dérogation.

Les troupes de Gaiene continuaient de charger par les écoutilles toujours ouvertes et de dévaler des coursives que personne ne défendait plus. Aucune alarme n’était encore activée. Les baraquements les plus proches des chantiers furent soudain investis par une vague d’assaillants, et leurs défenseurs surpris, clignant des paupières de stupéfaction, se retrouvèrent brusquement submergés par un nombre supérieur de soldats en cuirasse de combat. Aucun n’eut la sottise de résister.

L’attaque se répandait par toute l’installation au rythme foudroyant d’une bulle en expansion ; différentes sections furent bientôt conquises ; un atelier occupé. « Chantiers secondaires dégagés, annonça un chef de bataillon à Drakon et Gaiene. Gagnons le chantier principal. »

Drakon se focalisa sur les écrans des chefs d’unité piquant vers ce secteur. Les portes de sécurité n’étaient gardées que par des systèmes automatisés outrepassés en un éclair, et les soldats se déversèrent en masse dans le chantier principal. « Fichtre ! s’exclama un chef d’unité en apercevant enfin le bâtiment qu’elles dissimulaient jusque-là. Cuirassé ou croiseur de combat. Ma main au feu !

— L’un ou l’autre un de ces quatre, en tout cas, rectifia un de ses pairs. Pour l’instant, ce n’est encore qu’une coquille vide. »

Les travailleurs du quart de nuit lâchaient leurs outils et levaient les bras, sidérés, à mesure que les soldats les encerclaient. « Aucune résistance. Pas de gardes. Le chantier principal est sécurisé.

— Assurez-vous qu’on n’a pas posé de charges explosives sur la coque pour la saboter, ordonna Drakon. Parcourez toute sa carcasse avec quelques travailleurs en remorque. »

Des sirènes se mirent soudain à brailler. Quelqu’un avait enfin pris conscience d’un foutoir. Mais les ingénieurs de Drakon brouillaient les informations parvenant au centre de commande, de sorte que nul ne semblait avoir encore compris que l’installation était attaquée. Les systèmes automatisés, éberlués, s’efforçaient encore de déterminer la nature de l’urgence, confondus par les tonalités des diverses sirènes d’alarme, signalant tour à tour incendie à bord, risque de collision avec un objet extérieur puis mutinerie, décompression et de nouveau incendie.

Où diable sont passés les serpents ? se demanda Drakon en scrutant son écran en quête de signes de leur présence. « Avons-nous verrouillé tous les canaux de contrôle ?

— Non, mon général, lui répondit le commandant des ingénieurs de combat. Il en existe d’autres, redondants et complètement indépendants, auxquels nous n’avons pas encore eu accès.

— Colonel Gaiene, veillez à ce que vos soldats permettent aux ingénieurs d’accéder le plus tôt possible à tous les canaux. Négligez si besoin les autres objectifs jusqu’à ce que nous les ayons tous sous notre contrôle. »

Un peloton tomba sur un baraquement rempli de gens du SSI qui s’efforçaient d’enfiler précipitamment leur cuirasse de combat. Les deux bords se regardèrent en chiens de faïence le temps d’un éclair, puis les hommes de Gaiene balancèrent des grenades dans le nid de vipères avant de fondre sur elles en tirant sur tout ce qui bougeait, continuant parfois de cribler les cadavres jusqu’à ce qu’un officier leur cogne le casque du poing.

Drakon émit un grognement frustré : des marqueurs rouges indiquant des canaux et des compartiments vitaux non encore investis venaient de s’allumer sur sa visière. Mais les civils de l’installation étaient désormais tous réveillés et s’entassaient dans ses coursives, affolés, ralentissant parfois l’attaque. Il ne pouvait pas retarder plus longtemps l’étape suivante. « Diffusez le message. »