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— Je ne sais pas ce qu’ils ont vu. Mais à quoi leur sert leur sens magnétique ?

— C’est une histoire infernale ! grommela Rohan.

Il regardait les festons déchiquetés du métal ; il se pencha même au-dessus du garde-fou : les noires extrémités recourbées des tiges vibraient dans le flux d’air rejeté par le robot. Ballmin, à l’aide de longues pinces, brisait successivement les fils de fer qui pointaient hors de l’ouverture en forme de tunnel.

— Je voulais vous dire quelque chose. Ici, il n’y a même pas eu de température élevée, jamais le métal ne s’est oxydé. Donc, votre hypothèse d’un incendie s’effondre, elle aussi …

— Ici, chaque hypothèse s’écroule. En outre, je ne vois pas comment on pourrait associer ces taillis démentiels à la perte du Condor. Tout ça est absolument mort.

— Il n’a pas dû nécessairement en être toujours ainsi.

— Il y a mille ans, d’accord, mais pas il y a quelques années à peine. Nous n’avons plus rien à chercher ici. Redescendons.

Ils ne dirent plus mot, tandis que la machine descendait, face aux signaux verts de l’expédition. Rohan donna l’ordre aux techniciens de brancher les caméras de télévision et de transmettre les données à L’Invincible.

Quant à lui, il s’enferma dans la cabine du transporteur principal avec les savants. Ayant rempli la petite pièce d’oxygène, ils se mirent à dévorer des sandwiches qu’ils arrosaient du café chaud des thermos. Au-dessus de leur tête, brillait un serpentin lumineux circulaire. Sa lumière blanche était agréable à Rohan. Il s’était déjà pris à détester la lumière diurne de la planète, qui avait quelque chose de rougeâtre. Ballmin se mit à cracher, car du sable s’était glissé subrepticement dans l’embouchure de son masque et craquait sous ses dents quand il mangeait.

— Cela me rappelle quelque chose … dit tout à coup Gralew qui rebouchait le thermos.

Ses épais cheveux noirs brillaient sous le néon.

— Je vous le raconterais bien, mais à condition que vous ne preniez pas ça trop au sérieux.

— Si ça te rappelle quelque chose, peu importe quoi, c’est déjà beaucoup, répondit Rohan, la bouche pleine. Dis-nous ce que c’est.

— Ça n’a pas de rapport direct. Mais j’ai entendu raconter une histoire, c’est en réalité une sorte de conte. Sur les Lyriens …

— Ce n’est pas une fable. Ils ont véritablement existé. Achramian leur a consacré toute une monographie, fit remarquer Rohan.

Derrière les épaules de Gralew, une petite lumière commença à clignoter, signe qu’ils étaient en communication directe avec L’Invincible.

— Oui. Payne a supposé que certains avaient réussi à en réchapper. Mais, quant à moi, je suis presque certain que c’est faux. Ils ont tous péri lors de l’explosion de la nova.

— C’est à seize années-lumière d’ici, dit Gralew. Je ne connais pas ce livre d’Achramian. Mais j’ai entendu raconter, je ne me souviens même pas où, comment ils avaient cherché à s’échapper. Il paraît qu’ils auraient envoyé des astronefs sur toutes les planètes des autres « soleils » à proximité. Ils connaissaient déjà assez bien l’astronavigation à vitesse proche de celle de la lumière.

— Et après ?

— À vrai dire, c’est tout. Seize années-lumière, ce n’est pas une distance trop considérable. Peut-être qu’un de leurs vaisseaux aurait atterri ici ? …

— Tu supposes qu’ils sont ici ? Autrement dit, leurs descendants ?

— Je ne sais pas. Tout simplement, j’ai fait une association d’idées entre eux et ces ruines. Ils les ont peut-être construites …

— De quoi avaient-ils l’air au juste ? demanda Rohan. Ils avaient l’aspect d’hommes ?

— Achramian estime que oui, répondit Ballmin. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Ils ont laissé moins de vestiges que l’australopithèque.

— C’est étrange.

— Absolument pas. Leur planète a été, pendant plus de dix mille ans, plongée dans la chromosphère de la nova. Périodiquement, la température, en surface, dépassait les dix mille degrés. Même les roches des couches profondes de l’écorce du globe ont subi un métamorphisme complet. Il n’est pas resté trace des océans, tout le globe a été comme un os jeté dans le feu. Pensez donc, cent siècles environ en plein cœur de l’incendie d’une nova !

— Des Lyriens ici ? Mais pourquoi se cacheraient-ils ? Et où ?

— Peut-être ont-ils déjà tous péri ? Du reste, ne m’en demandez pas trop. J’ai tout simplement dit ce qui me passait par la tête.

Le silence tomba. Sur le pupitre des gouvernails, le signal d’alarme s’alluma, Rohan bondit, porta l’écouteur à l’oreille.

— Ici Rohan … Quoi ? C’est vous, commandant ? Oui ! Oui ! J’écoute … Bien, nous rentrons immédiatement !

Il se tourna vers les autres, le visage pâle et défait ;

— Le second groupe a trouvé le Condor … à trois cents kilomètres d’ici …

CHAPITRE III

LE CONDOR

De loin, la fusée avait l’air d’une tour penchée. Cette impression était renforcée par la forme qu’avaient prise les sables qui l’entouraient : le talus ouest était bien plus haut que le talus est, à cause de la direction constante des vents. À proximité, un certain nombre de tracteurs étaient presque entièrement ensevelis, même le lance-antimatière, à la coupole ouverte, pris dans la dune à mi-hauteur. On pouvait tout de même apercevoir les échappements des tuyères de la poupe, car le vaisseau reposait au centre d’une cuvette non balayée par les vents. Aussi suffirait-il de déblayer une fine couche de poussière pour accéder aux objets disséminés çà et là autour de la rampe.

Les hommes de L’Invincible s’étaient arrêtés au bord de l’arête du talus. Les véhicules par lesquels ils étaient venus avaient déjà entouré d’un vaste cercle tout le terrain, et les faisceaux d’énergie des émetteurs s’étaient réunis pour former le champ protecteur. Ils avaient laissé les transporteurs et les inforobots à quelques dizaines de mètres de l’endroit où l’anneau des sables encerclait la base du Condor et, du haut de la dune, ils regardaient à leurs pieds.

La rampe du vaisseau était séparée du sol par un espace de cinq mètres, comme si quelque chose l’avait à l’improviste arrêtée en plein mouvement. L’ossature de l’ascenseur était, quant à elle, solidement assujettie, et la cabine vide à la porte ouverte semblait inviter à monter, A côté, quelques bouteilles d’oxygène émergeaient du sable. Leurs parois d’aluminium luisaient, comme si on les avait laissées là à peine quelques minutes plus tôt. Un peu plus loin, pointait quelque chose de bleu qui se révéla être un jerrycan de plastique. Du reste, il y avait quantité d’objets abandonnés çà et là dans la cuvette au pied du vaisseau — des boîtes de conserve, pleines et vides, des théodolites, des appareils photographiques, des trépieds et des gamelles — les uns intacts, les autres portant des traces de détérioration.

« C’est tout à fait comme si quelqu’un avait jeté tout cela par brassées entières hors de la fusée », se dit Rohan, tendant la tête en direction de l’endroit où l’on voyait, sous l’aspect d’une ouverture sombre, l’accès réservé aux hommes : la trappe n’était pas complètement refermée.

C’était tout à fait par hasard que la petite expédition aérienne de De Vries était tombée sur le vaisseau mort. De Vries n’avait pas essayé de pénétrer à l’intérieur, il s’était contenté de prévenir immédiatement la base. C’était au groupe de Rohan d’étudier le mystère du vaisseau frère de L’Invincible. Les techniciens couraient déjà droit à leurs machines, portant des caisses d’outils.