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— Comme Bobinette est morte, tu mourras… par Fantômas.

Mais avait-il bien entendu? n’était-ce pas une hallucination, n’était-ce pas lui-même qui avait crié, car, cependant qu’il était l’objet de cette rapide agression, Fandor qui, jusqu’alors, avait l’esprit rempli de Vagualame, spontanément avait songé à Fantômas.

Tandis qu’il essayait vainement d’arracher, de rompre les liens qui le maintenaient, Fandor pensa aussi au baron de Naarboveck. En dépit du risque qu’il courait peut-être, le journaliste hurla:

— Naarboveck à moi…

Mais rien ne répondit d’abord…

Ce ne fut qu’au bout d’un long instant que Fandor identifia, loin, très loin de lui, comme un gémissement étouffé.

Tiens, la lumière de nouveau.

Fandor dont les yeux n’étaient pas bandés, bien que son visage fût recouvert d’un masque souple — il en sentait le contact sur sa peau — inspecta vivement le mystérieux atelier dont l’installation lui était déjà familière et dans lequel venaient de se passer des événements si extraordinaires. Mais l’examen auquel se livrait le journaliste devait lui révéler des choses plus bouleversantes encore.

En face de lui, sur le pas d’une porte qu’il n’avait point remarquée au début, immobile, rigide, se tenait un individu à la découverte duquel Fandor faillit perdre connaissance, car il l’avait déjà vu cet homme, cet être étrange, énigmatique, redoutable, il l’avait vu, — oh! deux ou trois fois à peine, au cours de sa vie et encore, l’espace d’un instant, — mais il l’avait vu ou pour mieux dire, aperçu, dans des circonstances si tragiques, en des occasions si extraordinaires que sa silhouette s’était à jamais gravée dans sa mémoire… Il n’y avait pas de doute possible, c’était bien son ample manteau noir, sa cagoule, son grand chapeau abaissé sur les yeux, sa silhouette à la fois indécise et inimitable. Fandor avait devant lui Fantômas…

Fantômas!

Le journaliste fit une tentative désespérée pour rompre ses liens. Mais tandis qu’il s’épuisait en efforts surhumains, que ses épaules se courbaient en avant, comme il ne quittait pas des yeux la terrifiante apparition de Fantômas, Fandor s’aperçut que l’insaisissable bandit faisait exactement les mêmes gestes que lui!.. Le journaliste regarda plus attentivement encore.

Des détails curieux lui apparaissaient peu à peu…

Il croyait voir des cordelettes liant les jambes de Fantômas, montant à sa ceinture, étreignant son corps!

Soudain Fandor hurla…

Rêvait-il, était-il éveillé? était-ce la folie?… qui se trouvait devant lui?… tout simplement lui-même, Fandor, dont l’image se réfléchissait dans une glace placée à quelques mètres en face et c’était lui Fandor… qui avait la silhouette de Fantômas.

33 — RÉCONCILIATION

— Que décidez-vous, mademoiselle, préférez-vous les cocardes multicolores ou alors des nœuds de rubans d’une seule teinte? Nous avons l’un et l’autre au choix en satin de première qualité?

Comme Wilhelmine de Naarboveck paraissait hésitante, la vendeuse du Paradis des Danses qui, ce soir-là, soumettait à la jeune fille une série d’échantillons, poursuivit:

— Les cocardes aux tons variés font très bien, mais les nœuds de rubans produisent aussi un effet excellent.

— Mettez-en la moitié de chaque…

— Et, quelle quantité? interrogea la vendeuse.

— Oh! trois cents suffiront, je suppose.

Devant la jeune fille la vendeuse du Paradis des Danses étalait le reste de son assortiment d’objets de cotillon…

— Nous lançons en ce moment, dit-elle, des bonnets de papier comiques, enveloppés dans des papillotes; c’est tout à fait nouveau et très amusant… Nous avons aussi des petits sachets de poudre de riz…

Wilhelmine de Naarboveck, que semblaient préoccuper bien d’autres soucis que ceux qui consistaient à choisir des accessoires de cotillon, avec des paroles brèves et des gestes saccadés, acceptait ou refusait les offres de la vendeuse. Celle-ci était de plus en plus stupéfaite.

Elle estimait que si on exécutait à la lettre les ordres de sa cliente, on lui livrerait une série d’objets des plus hétéroclites.

La vendeuse, adroitement, en fit l’observation à Wilhelmine et celle-ci se rendant compte soudain qu’elle avait commandé à tort et à travers, se ravisa, réfléchit un instant, puis, prenant une dernière décision:

— Mon Dieu, madame, déclara-t-elle, vous connaissez le crédit que mon père, le baron de Naarboveck accorde à votre maison pour nous fournir un cotillon complet. Or, vous savez mieux que moi ce qu’il faut. Je m’en remets donc à vous.

La vendeuse décidément, semblait devoir ne jamais en finir, l’interrogea encore:

— Bien entendu, mademoiselle, nous faisons des flots de rubans semblables pour vous et votre conducteur de cotillon? Toutefois, pourriez-vous me dire si ce monsieur est grand ou petit… car il est préférable de proportionner la longueur des rubans à sa taille?

Wilhelmine, qui jusqu’alors n’avait prêté qu’une attention médiocre aux propos de la vendeuse, soudain parut troublée.

Hélas! le conducteur de cotillon, ce devrait être Henri de Loubersac!

Jusqu’à ces derniers jours, la jeune fille avait escompté l’extrême bonheur de pouvoir, au cours de ce bal donné par son père, présenter dans son entourage le brillant officier, comme son futur fiancé.

Mais dans l’intervalle était survenu leur pénible entretien à Saint-Sulpice… et le surlendemain, Henri de Loubersac ne conduirait pas le cotillon avec Wilhelmine de Naarboveck, ainsi qu’il avait été convenu précédemment…

— Ma foi, madame, j’ignore la taille de mon danseur, pour cette bonne raison que je ne le connais pas. Prévoyez donc un flot de rubans qui puisse aller à n’importe qui.

La représentante du Paradis des Danses s’était retirée depuis quelques instants déjà que Wilhelmine de Naarboveck, remontée dans la bibliothèque de l’hôtel, demeurait songeuse.

Wilhelmine qui ne prenait plus désormais qu’un intérêt très relatif à l’organisation de ce bal dont elle avait attendu tant de joies, se disait, en tête à tête avec ses pensées, que rien n’est plus décevant au monde que les préparatifs d’une fête.

L’hôtel de Naarboveck était révolutionné de fond en comble par les décorateurs et les électriciens: toute l’après-midi on avait entendu frapper des coups de marteau. Les meubles, les objets familiers de la maison étalent déplacés, bousculés. On avait démeublé le hall, détruit l’intimité de la bibliothèque pour préparer ce bal du surlendemain, ce maudit bal auquel le baron de Naarboveck avait convié le Tout Paris.

Wilhelmine de Naarboveck s’était tout d’abord vivement intéressée à cette fête.

Le baron la donnait pour consacrer sa situation de diplomate, jusqu’alors en disponibilité, mais qui désormais revêtait un caractère officieclass="underline" le baron de Naarboveck venait d’être accrédité en qualité d’ambassadeur.

De Naarboveck voulait profiter de la fête pour annoncer les fiançailles de Wilhelmine avec le lieutenant de Loubersac. Hélas, ce dernier projet…

Wilhelmine réfléchissait, seule dans la bibliothèque, les yeux fixés sur une grande enveloppe scellée de rouge qui contenait les lettres de créance accréditant le baron auprès du Président de la République, lequel devrait, d’ailleurs, être représenté au bal. Ah! si les espoirs du diplomate se réalisaient, il n’en était pas de même de ceux de la pauvre jeune fille qui voyait un avenir lugubre s’ouvrir devant elle.