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vivent leur Légende Personnelle», avait dit Même si, pour faire ce trajet de deux le vieux roi.

heures, il avait dû mettre tout près d'une Il n'avait rien à perdre à aller jusqu'à

année entière.

l'entrepôt, pour savoir si les Pyramides se

«Je sais bien pourquoi je veux retourner trouvaient réellement si loin.

à mes brebis. Je connais déjà les brebis; elles ne demandent pas beaucoup de travail, et on peut les aimer. Je ne sais pas si le désert peut être aimé, mais c'est le désert qui recèle mon trésor. Si je n'arrive pas à le trouver, je pourrai toujours rentrer chez moi. Pourtant, la vie m'a donné

tout d'un coup l'argent suffisant, et j'ai tout le temps qu'il me faut. Alors, pourquoi non ? »

Il ressentit en cet instant une immense allégresse. Il pourrait toujours redevenir un berger. Il pourrait toujours redevenir un vendeur de cristaux. Peut-être que le monde recelait beaucoup d'autres trésors cachés, mais lui avait fait un rêve qui s'était répété, et il avait rencontré un roi. Cela n'arrivait pas à tout le monde.

Il était tout content quand il ressortit du café. Il venait de se rappeler que l'un des fournisseurs du Marchand lui apportait ses cristaux grâce aux caravanes qui tra-versaient le désert. Il garda Ourim et Toumim entre ses mains ; à cause de ces deux pierres, voilà qu'il revenait sur la route de son trésor.

«Je suis toujours à côté de ceux qui 90

Seulement, les alchimistes étaient d'étranges personnages, qui ne pensaient qu'à eux-mêmes et refusaient presque toujours leur aide. Qui sait s'ils n'avaient pas découvert le secret du Grand Œuvre — autrement dit, la Pierre Philosophale — et si ce n'était pas pour cette raison qu'ils s'enfermaient dans le silence ?

Il avait déjà dépensé une partie de la for-tune que son père lui avait laissée, en cher-L'Anglais était assis, à l'intérieur d'un chant, vainement, la Pierre Philosophale.

bâtiment qui sentait les bêtes, la sueur, Il avait fréquenté les meilleures biblio-la poussière. On ne pouvait guère appe-thèques du monde, acheté les ouvrages les ler cela un entrepôt; c'était tout juste un plus importants et les plus rares concer-enclos à bétail.

nant l'alchimie. Dans l'un, il avait décou-

«Toute mon existence pour en arriver à

vert que, bien des années plus tôt, un passer par un endroit comme celui-ci, célèbre alchimiste arabe avait visité l'Eu-se dit-il, tout en feuilletant distraitement rope. On disait qu'il avait plus de deux une revue de chimie. Dix années d'études cents ans, qu'il avait découvert la Pierre m'amènent dans un enclos à bétail ! »

Philosophale et l'Elixir de Longue Vie.

Mais il fallait poursuivre. Il fallait croire Cette histoire avait fort impressionné l'An-aux signes. Toute sa vie, toutes ses études glais. Mais tout cela serait resté pure s'étaient centrées sur la recherche du lan-légende, parmi tant d'autres, si l'un de ses gage unique que parle l'Univers. Au début, amis, au retour d'une expédition archéolo-il s'était intéressé à l'espéranto, puis aux gique dans le désert, ne lui avait parlé d'un religions, et pour finir à l'alchimie. Il savait Arabe doué de pouvoirs exceptionnels.

parler l'espéranto, entendait parfaitement

« Il vit dans l'oasis de Fayoum, lui avait-il les diverses religions, mais ce n'était pas dit. Et les gens racontent qu'il est âgé de encore un alchimiste. Il avait réussi, sans deux cents ans et qu'il est capable de doute, à déchiffrer des choses importantes.

transformer en or n'importe quel métal.»

Mais ses recherches en étaient arrivées au L'Anglais, transporté, connut alors une point où il ne parvenait pas à aller plus excitation sans borne. Il annula aussitôt loin. Il avait tenté, sans succès, d'entrer en tous ses engagements antérieurs, rassem-relation avec un alchimiste, quel qu'il fût.

bla ses livres les plus importants, et main-92

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tenant il était là, dans cet entrepôt qui ressemblait à un enclos à bétail, cependant qu'à l'extérieur une immense caravane se préparait à partir pour traverser le Sahara.

Et cette caravane devait passer par Fayoum.

« Il faut absolument que je rencontre ce maudit Alchimiste », pensa l'Anglais.

Et l'odeur des bêtes devint un peu plus supportable.

«C'est tout de même drôle, pensa le Un jeune Arabe, chargé lui aussi de jeune homme, alors qu'il essayait une fois paquets, entra dans le bâtiment où se trou-de plus de lire la scène de l'enterrement vait l'Anglais, et le salua.

par laquelle débutait le récit. Voilà bientôt

«Où est-ce que vous allez? demanda le deux ans que j'ai commencé à lire ce livre, jeune Arabe.

et je n'arrive pas à aller plus loin que ces

— Dans le désert», répondit l'Anglais; quelques pages.» Même sans la présence et il reprit sa lecture. Il n'avait pas envie, d'un roi pour l'interrompre, il ne parve-en ce moment, de faire la conversation. Il nait pas à se concentrer. Il était encore avait besoin de se remémorer tout ce qu'il hésitant sur la décision à prendre. Mais il avait appris au cours de ces dix années, comprenait maintenant une chose impor-car l'Alchimiste allait certainement le sou-tante: que les décisions représentaient mettre à une sorte d'épreuve.

seulement le commencement de quelque Le jeune Arabe prit également un livre chose. Quand quelqu'un prenait une déci-et se mit à lire de son côté. Le livre était sion, il se plongeait en fait dans un courant écrit en espagnol. «Une chance», pensa impétueux qui l'emportait vers une desti-l'Anglais. Il parlait l'espagnol mieux que nation qu'il n'avait jamais entrevue, même l'arabe, et si ce garçon allait jusqu'à Fa-en rêve, au moment où il avait pris cette youm, il aurait quelqu'un avec qui causer décision.

lorsqu'il ne serait pas occupé à des choses

«Quand j'ai choisi de partir à la red'importance.

cherche de mon trésor, je n'avais jamais imaginé de travailler dans une boutique de cristaux, pensa-t-il, pour confirmer son raisonnement. De la même façon, cette 95

caravane peut bien correspondre à une puisse parler à un berger, dit le jeune décision prise par moi, mais son trajet res-homme, désireux cette fois de mettre fin à

tera toujours un mystère. »

la conversation.

En face de lui, il y avait un Européen qui

— Bien au contraire. Les bergers ont était également en train de lire un livre.

été les premiers à rendre hommage à un Antipathique: il l'avait regardé de façon roi que le reste du monde refusait de méprisante quand il était entré. Ils auraient reconnaître. Aussi n'y a-t-il rien d'extraor-pu devenir bons amis, mais l'Européen dinaire à ce que les rois parlent aux ber-avait tout de suite coupé court.

gers. »

Le jeune homme ferma son livre. Il ne Et il ajouta, de peur que le jeune homme voulait rien faire qui pût laisser croire à

ne comprît pas bien :

une quelconque ressemblance avec cet

«C'est dans la Bible. Le même livre qui Européen. Il tira de sa poche Ourim et Toum'a appris à faire cet Ourim et ce Toumim et commença à jouer avec les deux mim. Ces pierres étaient le seul instrument pierres.

de divination autorisé par Dieu. Les prê-L'étranger poussa un cri :

tres les portaient à un pectoral en or. »

« Un Ourim et un Toumim ! »

Le jeune homme se sentit alors heureux En toute hâte, le jeune homme remit les de se trouver en cet endroit.

pierres dans sa poche.

«Peut-être est-ce là un signe, dit l'An-

« Ils ne sont pas à vendre, dit-il.

glais, comme s'il pensait à haute voix.

— Ils ne valent pas grand-chose, dit

— Qui vous a parlé de signes ? »

l'Anglais. Ce sont des cristaux de roche, L'intérêt du jeune homme croissait de rien de plus. Il y a des millions de cristaux minute en minute.

de roche sur la terre, mais, pour celui qui