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pour choisir un remplaçant.

Après tout, il ne devait pas être le seul.

Mais il n'y avait à tout cela qu'une seule Mais ce pressentiment qu'il avait fit naître raison: peu importait que la caravane fît en lui un certain trouble. Etait-il donc en tant de détours, puisqu'elle avait toujours train d'apprendre, à son tour, ce fameux en vue le même objectif. Une fois surmon-102

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tés tous les obstacles, elle retrouvait année où la récolte fut meilleure que d'ha-devant elle l'astre qui continuait à indi-bitude, nous partîmes tous pour La Mec-quer dans quelle direction se trouvait l'Oa-que, et je remplis ainsi la seule obligation sis. Et quand les gens voyaient devant eux que je n'avais pas encore accomplie cet astre qui brillait dans le ciel du petit jusque-là. Je pouvais désormais mourir en matin, ils savaient qu'il leur montrait un paix, et cela me faisait plaisir.

endroit où il y avait des femmes, de l'eau,

« Un jour, la terre commença à trembler, des palmiers et des dattes. Seul l'Anglais et le Nil en crue sortit de son lit. Ce qui, ne percevait rien de tout cela : il restait la dans mon idée, n'arrivait qu'aux autres plupart du temps plongé dans la lecture de m'arriva donc à moi aussi. Mes voisins ses livres.

eurent peur de perdre leurs oliviers du Le jeune homme avait lui aussi un livre, fait de l'inondation ; ma femme craignit de qu'il avait essayé de lire dans les premiers voir nos enfants emportés par les eaux. Et jours du voyage. Mais il trouvait beaucoup moi, je fus effrayé à l'idée de voir détruit plus intéressant d'observer la caravane et tout ce que j'avais réussi à conquérir.

d'écouter le vent. Dès qu'il eut appris à

«Mais c'était sans remède. Il n'y avait mieux connaître son chameau et qu'il com-plus rien à tirer de la terre et j'ai été obligé

mença à s'attacher à lui, il jeta le livre.

de trouver un autre moyen d'existence.

C'était un poids superflu. Pourtant, il Aujourd'hui, me voici chamelier. Mais s'était imaginé, par superstition, qu'il ren-j'ai pu alors entendre la parole d'Allah: contrerait quelqu'un d'important chaque personne ne doit avoir peur de l'inconnu, fois qu'il ouvrait ce livre.

parce que tout homme est capable de Il finit par se lier d'amitié avec le cha-conquérir ce qu'il veut et qui lui est néces-melier qui se trouvait constamment à côté

saire.

de lui. A l'étape du soir, durant la veillée

«Tout ce que nous craignons, c'est autour des feux, il lui racontait ses aven-de perdre ce que nous possédons, qu'il tures du temps où il était berger.

s'agisse de notre vie ou de nos cultures.

Au cours d'une de ces conversations, le Mais cette crainte cesse lorsque nous com-chamelier se mit, à son tour, à lui parler prenons que notre histoire et l'histoire du de sa vie.

monde ont été écrites par la même Main. »

«J'habitais une localité proche d'el-Kai-roum, dit-il. J'avais mon potager, mes enfants, une existence qui ne devait pas changer jusqu'au jour de ma mort. Une 104

Le jeune Espagnol observa que régnait une sorte de crainte diffuse, alors même que personne ne disait mot. Une fois de plus, il percevait le langage sans paroles, le Langage Universel.

Au bout d'un certain temps, l'Anglais demanda s'il y avait du danger.

«Celui qui s'engage dans le désert ne peut revenir sur ses pas, répondit le chamelier. Et quand on ne peut revenir en Quelquefois, les caravanes se rencon-arrière, on ne doit se préoccuper que de traient à l'étape du soir. L'une d'elles avait la meilleure manière d'aller de l'avant.

toujours ce dont une autre avait besoin, Le reste ne regarde qu'Allah, y compris le comme si, réellement, tout était écrit par danger. »

une Main unique. Les chameliers échan-Et il conclut en prononçant le mot mys-geaient des informations sur les tempêtes térieux: «Mektoub!»

de sable, et se réunissaient autour des

«Vous devriez accorder davantage d'at-foyers pour conter les histoires du désert.

tention aux caravanes, dit le jeune homme D'autres fois, arrivaient aussi des hom-

à l'Anglais, après le départ du chamelier.

mes mystérieux au visage voilé: c'étaient Elles font beaucoup de détours, mais se des Bédouins qui surveillaient la route suivie par les caravanes. Ils donnaient dirigent toujours vers le même point.

des renseignements sur des pillards, des

— Et vous, vous devriez lire davantage tribus insoumises. Ils arrivaient en silence, sur le monde, rétorqua l'Anglais. Les livres repartaient en silence, enveloppés dans sont tout à fait comme les caravanes. »

leurs djellabas de couleur sombre et leurs chèches qui ne laissaient voir que leurs La longue colonne d'hommes et d'ani-yeux. Au cours d'une de ces veillées, le maux commença dès lors à avancer plus chamelier rejoignit le jeune homme et rapidement. Le silence ne régnait plus seul'Anglais devant le feu auprès duquel ils lement dans la journée. Le soir aussi, à

étaient assis.

l'heure où les gens avaient l'habitude de se

«Il y a des rumeurs de guerre entre les rassembler pour bavarder autour des feux, clans », dit le chamelier.

il s'installa peu à peu. Un beau jour, le Les trois hommes restèrent silencieux.

Chef de la Caravane décida qu'on n'allu-106

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merait plus de feux pour ne pas attirer l'at-nous savons rarement qu'elle travaille tou-tention dans la nuit.

jours en notre faveur. Mais vous devez Les voyageurs, alors, se mirent à dormir comprendre que, dans la boutique aux cristous ensemble au centre d'un cercle formé

taux, les vases eux-mêmes collaboraient à

par les animaux, pour essayer de se proté-votre réussite. »

ger contre le froid de la nuit. Le Chef ins-Le jeune homme garda le silence pen-talla également des sentinelles armées tout dant un certain temps, contemplant la autour du campement.

lune et le sable blanc.

Une de ces nuits-là, l'Anglais n'arrivait

«J'ai pu observer la caravane qui che-pas à s'endormir. Il alla trouver le jeune mine à travers le désert, dit-il enfin. Elle et Espagnol, et ils se promenèrent ensemble le désert parlent le même langage, et c'est dans les dunes proches. C'était la pleine la raison pour laquelle il permet qu'elle le lune. Le jeune homme raconta toute son traverse. Il ne cesse d'éprouver chacun de histoire à l'Anglais.

ses pas, pour vérifier si elle est en parfaite Celui-ci se montra particulièrement inté-syntonie avec lui; et, si c'est bien le cas, ressé par l'épisode de la boutique qui elle arrivera jusqu'à l'Oasis. Mais si l'un s'était mise à prospérer davantage de jour de nous, en dépit de tout le courage qu'il en jour depuis que le jeune garçon avait pourrait avoir, ne comprenait pas ce lan-commencé à y travailler.

gage, alors il mourrait dès le premier

«C'est là le principe qui meut toute jour. »

chose, dit-il. Ce qu'on appelle en alchimie Ils continuèrent, ensemble, à regarder le l'Ame du Monde. Quand on désire quelque clair de lune.

chose de tout son cœur, on est plus proche

«C'est la magie des signes, poursuivit le de' l'Ame du Monde. C'est toujours une jeune homme. J'ai vu comment nos guides force positive. »

lisent les signes du désert et comment Il dit aussi que ce n'était pas seulement l'âme de la caravane dialogue avec l'âme un privilège des hommes : tout ce qui exis-du désert. »

tait sur la face de la terre avait également Au bout d'un moment, ce fut au tour de une âme, que ce fût un minéral, un végé-l'Anglais de prendre la parole : tal, un animal, ou simplement une pensée.

«Il faut en effet que j'accorde un peu

« Tout ce qui est sous et sur la face de la plus d'attention à la caravane, dit-il finale-terre ne cesse de se transformer, car la ment.