est pire que la souffrance elle-même. Et Ensuite, nous laissons la vie se charger de qu'aucun cœur n'a jamais souffert alors conduire chacun vers son destin. Malheu-qu'il était à la poursuite de ses rêves, parce reusement, peu d'hommes suivent le che-que chaque instant de quête est un instant min qui leur est tracé, et qui est le chemin de rencontre avec Dieu et avec l'Eternité.
de la Légende Personnelle et de la félicité.
— Chaque instant de quête est un ins-La plupart voient le monde comme quel-tant de rencontre, dit le jeune homme à
que chose de menaçant et, pour cette raison cœur. Pendant que je cherchais mon son même, le monde devient en effet une trésor, tous les jours ont été lumineux chose menaçante. Alors, nous, les cœurs, parce que je savais que chaque heure fai-commençons à parler de plus en plus bas, sait partie du rêve de le trouver. Pendant mais nous ne nous taisons jamais. Et nous que je cherchais mon trésor, j'ai découvert faisons des vœux pour que nos paroles ne en chemin des choses que je n'aurais soient pas entendues : nous ne voulons pas jamais songé rencontrer si je n'avais eu le que les hommes souffrent pour n'avoir pas courage de tenter des choses impossibles suivi la voie que nous leur avions indiquée.
aux bergers. »
— Pourquoi les cœurs ne disent-ils pas Alors, son cœur demeura en paix tout un aux hommes qu'ils doivent poursuivre leurs après-midi durant. Et cette nuit-là il dor-rêves ? demanda le jeune homme à l'Alchi-mit calmement. Lorsqu'il s'éveilla, son miste.
cœur commença à lui raconter les choses
— Parce que, dans ce cas, c'est le cœur de l'Ame du Monde. Il dit que tout homme qui souffre le plus. Et les cœurs n'aiment heureux était un homme qui portait Dieu pas souffrir. »
en lui. Et que le bonheur pouvait être Le jeune homme, de ce jour, enten-176
177
dit son cœur. Il lui demanda de ne jamais Chance du Débutant. Et s'achève toujours l'abandonner. Il lui demanda de se serrer par 1 Epreuve du Conquérant. »
dans sa poitrine lorsqu'il serait loin de ses rêves, et de lui donner le signal d'alarme.
Le jeune homme se souvint d'un vieux Et il jura que, chaque fois qu'il entendrait proverbe de son pays, qui disait que ce signal, il y prendrait garde.
1 heure la plus sombre est celle qui vient Cette nuit-là, il parla de tous ces sujets juste avant le lever du soleil.
avec l'Alchimiste. Et celui-ci comprit que le cœur du jeune homme était revenu à
l'Ame du Monde.
« Que dois-je faire maintenant ? demanda le jeune homme.
— Continue de marcher dans la direction des Pyramides, dit l'Alchimiste. Et reste attentif aux signes. Ton cœur est maintenant capable de te montrer le trésor.
— C'était donc cela, que je ne savais pas encore ?
— Non. Ce qui manque encore à ton savoir, dit l'Alchimiste, c'est ceci :
«Avant de réaliser un rêve, l'Ame du Monde veut toujours évaluer tout ce qui a été appris durant le parcours. Si elle agit ainsi, ce n'est pas par méchanceté à notre égard, c'est pour que nous puissions, en même temps que notre rêve, conquérir également les leçons que nous apprenons en allant vers lui. Et c'est le moment où la plupart des gens renoncent. C'est ce que nous appelons, dans le langage du désert : mourir de soif quand les palmiers de l'oasis sont déjà en vue à l'horizon.
«Une quête commence toujours par la 178
— La Pierre Philosophale, et l'Elixir de Longue Vie. C'est le Grand Œuvre des Alchimistes. Qui boit de cet élixir ne sera jamais malade, et un minuscule fragment de cette pierre transforme en or n'importe quel métal. »
Les trois hommes éclatèrent d'un grand rire, et l'Alchimiste rit avec eux. Ils avaient trouvé la réponse très amusante, et ils les laissèrent partir sans plus d'embarras, Le premier signe concret de danger se avec tout ce qu'ils possédaient.
manifesta dès le lendemain. Trois guer-
« Etes-vous fou ? demanda le jeune riers apparurent, qui, s'étant approchés, homme, quand ils furent à une certaine demandèrent aux deux voyageurs ce qu'ils distance. Pourquoi avez-vous répondu faisaient par là.
ainsi ?
«Je suis venu chasser avec mon faucon,
— Pour te montrer une loi du monde, répondit l'Alchimiste.
toute simple: quand nous avons de grands
— Nous devons vous fouiller, pour voir trésors sous les yeux, nous ne nous en si vous ne portez pas d'armes, fit l'un des apercevons jamais. Et sais-tu pourquoi?
guerriers. »
Parce que les hommes ne croient pas aux L'Alchimiste descendit de cheval, tout trésors. »
doucement. Son compagnon fit de même.
Ils poursuivirent leur marche dans le
«Pourquoi tant d'argent? demanda le désert. Au fur et à mesure que les jours guerrier en voyant la bourse du jeune passaient, le cœur du jeune homme de-homme.
venait de plus en plus silencieux : il ne se
— Pour aller jusqu'en Egypte», répon-souciait plus des choses du passé ou de dit celui-ci.
l'avenir, et se contentait de contempler L'homme qui fouillait l'Alchimiste trou-lui aussi le désert, de boire avec le jeune va un petit flacon de cristal rempli de homme à l'Ame du Monde. Son cœur et lui liquide et un œuf en verre, de couleur devinrent de grands amis, incapables jaune, à peine plus gros qu'un œuf de désormais de se trahir l'un l'autre.
poule.
Quand le cœur parlait, c'était pour sti-
«Qu'est-ce que c'est que ça? demanda-muler et encourager le jeune homme qui t-il.
181
180
trouvait parfois terriblement lassantes ces Certain soir, ils passèrent par le campe-longues journées de silence. Pour la prement de l'un des clans en guerre. Il y avait mière fois, le cœur vint à lui parler de ses partout des Arabes magnifiquement vêtus grandes qualités : le courage qu'il lui avait de blanc, leurs armes prêtes à servir.
fallu pour abandonner ses brebis, vivre sa Les hommes fumaient le narguilé et bavar-Légende Personnelle; et l'enthousiasme daient, parlant des combats. Personne dont il avait fait preuve dans la boutique ne prêta grande attention aux deux voya-aux cristaux.
geurs.
Il lui dit aussi une autre chose, que le
«Il n'y a aucun danger», dit le jeune jeune homme n'avait encore jamais re-homme, quand ils se furent un peu éloi-marquée: les dangers qu'il avait côtoyés, gnés.
et dont il ne s'était jamais aperçu. Une L'Alchimiste se mit en colère.
fois, il avait caché le pistolet dérobé à son
« Fie-toi à ton cœur, dit-il, mais n'oublie père, avec lequel, en effet, il risquait bien pas que tu es dans le désert. Quand les de se blesser. Et il lui rappela un jour où il hommes sont en guerre, l'Ame du Monde avait été souffrant, en pleine campagne : il entend elle aussi les cris des combats. Per-avait vomi, puis il avait dormi assez long-sonne n'est à l'abri des conséquences de temps ; or il y avait deux brigands un peu tout ce qui se passe sous le ciel. »
plus loin, qui avaient projeté de lui
«Tout est une seule et unique chose», voler ses moutons et de l'assassiner. Mais, pensa le jeune homme.
comme le jeune berger ne venait pas, ils avaient fini par s'en aller, croyant qu'il Et comme si le désert avait voulu prou-avait changé d'itinéraire.
ver que le vieil Alchimiste avait raison, deux cavaliers apparurent subitement der-
« Est-ce que les cœurs aident toujours les hommes ? demanda-t-il à l'Alchimiste.
rière les voyageurs.
— Ceux-là seulement qui vivent leur
« Vous ne pouvez pas aller plus loin, dit Légende Personnelle. Mais ils aident beau-l'un d'eux. Vous êtes ici dans la région où
coup les enfants, les ivrognes, les vieil-se livrent les combats.
lards.
— Je ne vais pas bien loin», dit l'Alchi-
— Cela veut donc dire que le danger miste, en regardant les guerriers droit dans n'existe pas ?
les yeux.
— Cela veut dire simplement que les Ils restèrent quelques instants sans rien cœurs font tout ce qu'ils peuvent», répon-dire, puis donnèrent leur accord pour la dit l'Alchimiste.