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On a donc remisé dans les caves et les greniers Jeanne d'Arc, la Sainte Pucelle, et le drapeau tricolore, nationaliste, Napoléon l'esclavagiste et La Marseillaise, la sanglante guerrière !

C'est là, aux oubliettes, que l'extrême droite a trouvé ces reliques abandonnées, elle les a brandies et on lui a laissé prétendre – cela arrangeait ceux que l'histoire de France gênait – qu'elle était le « Front national ».

Ainsi les élites ont-elles donné le sentiment qu'elles n'avaient plus la volonté de perpétuer la nation.

Qu'il s'agissait là à la fois d'une tâche archaïque, néfaste et impossible, voire compromettante et ridicule.

Mais, depuis qu'on ne se soucie plus de l'âme de la France, les problèmes quotidiens des Français se sont aggravés.

On leur a dit depuis trois décennies :

Oublions les rêves de grandeur !

Cessons d'être une patrie, devenons un ensemble de régions européennes !

Finissons-en avec l'exception française !

Effaçons notre histoire glorieuse de nos mémoires ! Elle est criminelle.

N'évoquons plus Versailles, Valmy ou Austerlitz, mais le Code noir, la rafle du Vel' d'Hiv', Diên Biên Phu et la torture !

Soyons d'une province, basque ou corse, poitevine, savoyarde, vendéenne ou antillaise, et non d'une nation !

Restons enracinés dans nos communautés et nos traditions d'origine. Soyons de là-bas, même si nous avons nos papiers d'ici !

Négligeons le français, conjuguons nos langues avec l'anglais bruxellois !

Ainsi nous vivrons mieux !

Nous aurons plus de pain, plus de paix, plus de liberté !

Un temps les Français l'ont cru.

Mais les mots deviennent peu à peu poussière face à l'expérience vécue.

Ils ne sont plus que des mensonges.

Le pain est rare et cher pour le chômeur.

L'insécurité, la violence et le fanatisme menacent la paix et la liberté.

Et, en 2005 comme en 2002, les Français ont sifflé les bonimenteurs.

Ils recommenceront demain si les promesses ne deviennent pas des actes.

Ils ont appris que leurs problèmes individuels, dans un monde cruellement conflictuel, ne peuvent être résolus que si, à rebours du discours des élites, le destin de la France, de son identité, de ses intérêts nationaux, est la préoccupation première de ceux qui les gouvernent.

Et qu'une nation ce n'est pas seulement une somme de régions souveraines, un « agrégat inconstitué de peuples désunis ».

Il n'y a, il n'y aura de pain, de paix, de liberté pour les Français que si on défend et perpétue l'âme de la France telle que notre histoire l'a façonnée.

LIVRE I

LES SEMEURS D'IDENTITÉ

Des origines à 1515

1

LES RACINES ET LES PREMIERS LABOURS

de la préhistoire à 400 après Jésus-Christ

1.

Au commencement de l'âme française il y a la terre.

Ce n'est qu'un coin d'espace encerclé par les glaciers qui s'amoncellent sur les bordures du territoire mais qui jamais ne recouvriront cet hexagone balayé par les tempêtes de poussière de lœss. Celle-ci se dépose, s'accumule, formant des terrasses dont le vent violent modifie les contours. Les glaciers avancent, reculent ; la faune, la flore changent, le climat s'adoucit, se tempère, puis le froid redouble.

Et cela durant des centaines de milliers d'années.

Qui peut concevoir ce que signifie l'épaisseur immense du temps ?

Les formes de ce territoire au long de ces trois millions d'années sont encore imprécises, le dessin est inachevé.

Mais sur cette surface d'étendue moyenne, les blocs granitiques – plateaux, monts, chaînes arasées par l'érosion – côtoient les plus récentes montagnes, les pics déchiquetés, les sommets que les glaciers ensevelissent encore.

Les roches d'âges différents – des centaines de milliers d'années des unes aux autres – sont voisines, séparées parfois par un étroit sillon où des fleuves s'installent.

L'Europe se rassemble, s'entremêle dans cet hexagone qui sera la France.

Ce pays est comme un résumé de ce qui, ailleurs, s'étale dans une monotonie semblant ne jamais devoir s'interrompre, alors qu'ici on passe d'un paysage, d'un relief à l'autre.

Et ce commencement de l'âme de la France dit ainsi la diversité, une marqueterie de différences, un lieu où l'on se rencontre et se mêle.

Ce n'est qu'une terre, mais c'est l'empreinte première.

Cependant, rien encore n'est définitif. Les assauts glaciaires se succèdent.

Autour de huit mille ans avant notre ère, la mer fait irruption, séparant ce qu'on nommera les îles Britanniques du continent, isolant le bassin fluvial de la Tamise de celui du Rhin, donnant ses limites à l'hexagone. Par ses origines, par la mémoire de la terre, il était donc lié à cette partie que la mer éloigne, qui devient îles. Ce sont désormais comme des frères siamois tranchés par l'encastrement, entre eux, de la mer du Nord. Et chacun vivra différent malgré leur souche commune.

Les formes et les limites sont ainsi en place.

La terre hexagonale enseigne la diversité des horizons, des sols et des roches aux premiers hommes qui surgissent, venant de l'est par la grande voie danubienne, et du sud par la voie méditerranéenne.

Que sait-on de ces hommes d'il y a plus d'un million d'années ?

Peut-on imaginer qu'en eux, au fond de leur regard, il y a de temps à autre – et, entre chacun de ces moments, peut-être faut-il compter cent mille années ? – une étincelle qui, un jour, après un nouveau déluge de temps – 800 000 ans ? – donnera une flammèche ?

Elle annonce qu'ici, sur ce sol, surgira – il y faudra une autre coulée gigantesque d'années – l'âme de la France.

Les premiers de ces hommes-là sont des prédateurs que leur nomadisme pousse d'un paysage à l'autre, que le froid et le vent font reculer, se réfugier dans des grottes, mais auxquels le réchauffement du climat donne l'audace de repartir.

Ils chassent. Ils pêchent. Ils cueillent. Ils taillent dans la pierre des armes et des outils rudimentaires. Ils tendent des pièges et, selon les époques – entre elles s'étendent des millénaires –, ils tuent l'hippopotame, le rhinocéros ou l'ours brun, le cerf, le sanglier ou le lapin, le bison ou le cheval sauvage, le taureau ou le bouquetin.

Ils façonnent des grattoirs, des perçoirs, et bientôt polissent la pierre, le bois de ces arbres qui, en fonction du climat, s'enracinent dans le nord ou le sud de l'hexagone : bouleaux, pins, noisetiers, chênes, ormes, tilleuls...

Et, le temps s'étant encore écoulé, voici qu'en frottant des bouts de bois l'un contre l'autre ils font jaillir des étincelles, maîtrisant ce feu que parfois déjà la foudre leur offrait.

Ils s'accroupissent autour du foyer, ces hommes qu'on nomme de Neandertal – du nom d'un site proche de Düsseldorf.

Ils ont la voûte crânienne surbaissée, des arcades sourcilières renflées, énormes, un front fuyant, leur face sans menton est un museau. Ils sont pourtant Homo sapiens. Après eux viendront les Homo sapiens sapiens, l'homme de Cro-Magnon – vieux de 35 000 ans, trouvé aux Eyzies-de-Tayac-Sireuil, dans la Dordogne –, dont la boîte crânienne s'est allongée.

Mais, pour passer de l'un à l'autre, de la pierre taillée (paléolithique) à la pierre polie (néolithique), il a fallu plusieurs milliers d'années, peut-être plus de cent mille.

Ils brisent la pierre à coups de burin. Ils la grattent. Ils la lustrent. Ils sont encore nomades, mais déjà, dans un climat plus tempéré, ils demeurent longuement sur les lieux qu'ils jugent favorables à leurs chasses.

Ils sont là, entre Loire et Garonne, et leurs générations se succèdent sans aucune interruption, faisant de cette région l'une des seules de France où l'occupation humaine ait été permanente.