Выбрать главу

Les Burgondes dominent la région comprise entre Lyon et Genève.

Les Alamans prennent possession des régions situées de part et d'autre du Rhin supérieur.

Ainsi se dessinent des divisions nouvelles : un nord et un sud de l'hexagone, où une langue « romane » peu à peu se répand, et un Est – sur le Rhin inférieur – où s'enracine un parler germanique : frontières géographiques et linguistiques, sillons creusés profond et que le temps n'effacera pas.

Dans le même temps s'affirme la puissance d'assimilation de ce territoire. L'humus humain y est si épais et si riche, les paysages et le climat y sont si accueillants, qu'il suffit d'être sur ce sol pour y prendre racine, vouloir le défendre contre d'autres peuples venus de Pannonie (Hongrie) ou de plus loin encore.

Ce sont les Huns. Ils chevauchent, pillent. Contre eux s'allient, sous le commandement d'un dernier chef de l'armée romaine (Aetius), Francs, Burgondes, Wisigoths, pour résister aux hordes d'Attila. Celles-ci seront vaincues sur la Marne (entre Châlons et Troyes, sans doute) en 451, à la bataille des champs Catalauniques.

Victoire symbolique en une région qui sera, tout au long de l'histoire, une zone de confrontation.

Victoire lourde de sens : les barbares ligués pour combattre les Huns, les repousser, cessent, par ce simple fait, d'être des barbares. Ils ont choisi de se fixer sur ce sol, de s'allier pour le défendre.

Plus significatif encore : Burgondes et Wisigoths sont chrétiens, même s'ils sont hérétiques, adeptes de l'arianisme, qui récuse la divinité du Christ.

À Paris, cette ville vers laquelle se dirigeait Attila, c'est Geneviève, une aristocrate gallo-romaine, catholique, qui a rassuré la population, prédit la défaite des Huns, incarné cette civilisation nouvelle issue de l'Empire romain, voué au Christ depuis l'empereur Constantin (330).

Restent les Francs qui sont encore païens mais qui, en combattant les Huns, en créant leur royaume entre Rhin et Seine, sont pris par cette terre qui les conquiert autant qu'ils croient la posséder.

Car peu à peu, en deux siècles – des années 300 aux années 500 –, la Gaule romaine s'est, comme l'Empire, mais plus que la plupart des autres provinces, christianisée. Un tournant majeur de l'histoire s'est ainsi accompli. L'empreinte la plus profonde a été creusée dans l'âme des peuples qui vivent et vivront sur ce sol.

Vers l'an 500 – le 25 décembre 496 ? –, le chef franc Clovis reçoit le baptême à Reims. Le païen devient chrétien. Il renonce, comme le lui demande l'évêque Remi, à ses amulettes, il courbe la tête. Et, avec lui, ses guerriers, son peuple, s'agenouillent et reconnaissent la foi dans le Christ. Clovis devient ainsi le premier souverain issu d'un peuple barbare à choisir le catholicisme, à ne pas être l'un de ces chrétiens hérétiques comme sont les Wisigoths et les Burgondes.

Il y gagne l'appui de l'Église.

Or celle-ci détient la mémoire de Rome, la langue et les fastes de l'Empire. Les évêques sont issus depuis deux siècles de l'aristocratie romaine, et quand le dernier empereur, Romulus Augustule, disparaît, en 476, et que sombre ainsi l'empire d'Occident, la Gaule résiste encore dix années. L'Église et ses évêques maintiennent parmi les barbares la foi nouvelle et le souvenir de l'Empire.

Clovis et les Francs s'enracinent ainsi sur une terre où, dès 314, un concile a réuni en Arles douze évêques venus de toutes les cités de Gaule.

Où, à la fin du ive siècle, un ancien soldat romain né en Pannonie, Martin, a créé un premier diocèse et commencé à évangéliser les paysans. Premier évêque élu par les fidèles, « barbare » et non issu de l'aristocratie gallo-romaine, il incarne une foi charitable – il a partagé son manteau avec un pauvre –, simple et populaire.

Les pèlerins accourent pour le rencontrer. Sulpice Sévère, un aristocrate et lettré gallo-romain, écrit sa biographie, dresse la liste de ses miracles. Ce livre se répand dans tout l'Occident, jusqu'en Égypte et en Grèce. La basilique de Tours, où repose Martin, devient le cœur de ce catholicisme qui gagne toute l'ancienne Gaule, laquelle fait figure de foyer chrétien de l'Europe. Des monastères sont fondés : ceux de l'île de Lérins (dans la baie de Cannes) et de Saint-Victor (à Marseille). Arles et Lyon – la ville qui connut les premiers martyrs chrétiens en 177 – sont des villes d'où la foi rayonne.

En se convertissant et en entraînant son peuple dans sa foi, Clovis s'appuie sur cette chrétienté déjà présente, et la renforce.

Lui qui a vaincu les Alamans – à Tolbiac, en 496, et sa conversion constitue peut-être une manière de remerciement à Dieu pour cette victoire – s'ouvre, à la bataille de Vouillé, près de Poitiers, la route de Bordeaux et de Toulouse. Il bat les Wisigoths hérétiques. Il annexe les pays situés entre la Loire et les Pyrénées. Il assemble ainsi – même s'il ne contrôle pas la côte méditerranéenne – un « royaume » dont les contours annoncent ceux de la France. Et il n'est pas jusqu'à la frontière de l'Est, tenue par les Alamans parlant le germanique, qui ne préfigure les limites françaises.

Mais Clovis ne fixe pas de frontières, celles-ci ayant été déjà esquissées par César.

Abandonnant Soissons, il choisit le futur centre national du pouvoir lorsqu'il fait de Paris – ville romaine d'importance moyenne, comparée à Lyon, Arles, Vienne, Trèves – sa capitale.

Déjà, en 502, il a choisi l'emplacement d'un mausolée sur l'une des collines de la rive gauche de la Seine, en face des îles.

Le palais du roi est situé dans la ville que domine ce sanctuaire.

Les choix sont donc clairs et dessinent un trait majeur de l'âme française : les liens tissés entre le roi et l'Église, entre monarchie et catholicisme.

Mais l'évêque Remi l'a rappelé au jeune catéchumène qu'était Clovis : les deux pouvoirs, celui de l'Église et celui du roi, restent séparés.

Si la France devient la « fille aînée de l'Église », le roi, pourtant baptisé et sacré, n'est pas confondu avec un homme d'Église.

Le roi prie. Les prêtres prient pour le roi. Mais celui-ci n'est pas l'égal d'un dieu.

Détentrice de l'héritage de Rome, l'Église ne confond pas pour autant pouvoir politique et pouvoir religieux. Elle refuse d'idolâtrer le roi comme l'était l'empereur.

Cependant, en juillet 511, c'est le souverain Clovis qui convoque à Orléans les évêques de son royaume.

Dans cette ville qui fut la première à se rebeller contre César et dont le nom va résonner tout au long de l'histoire nationale, Clovis définit les relations entre le roi et les évêques, les églises et les monastères.

Le roi des Francs veut que « son » Église échappe à l'influence de Rome et que « ses évêques » lui obéissent.

Ainsi s'annonce la singularité des rapports entre la France et Rome. Clovis est déjà un « gallican ».

La Gaule romaine et chrétienne a donc assimilé les barbares francs. Dans toute l'Europe occidentale, à ce titre, ce royaume franc catholique constitue une exception en ce début du vie siècle.

Près d'un millénaire et demi plus tard – en 1965 –, de Gaulle, devenu président de la République, confiait : « Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs qui donnèrent leur nom à la France... Mon pays est un pays chrétien, et je commence à compter l'histoire de France à partir d'un roi chrétien qui porte le nom de Franc. »

Écho lointain de la conversion d'un chef barbare qui lança sa hache à deux tranchants pour déterminer le lieu où s'élèveraient, sur la colline parisienne, son mausolée et celui de sainte Geneviève.

7.

En ce début du vie siècle, dans le royaume franc dont Paris est la capitale, le peuple prie.