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— Oh, merci, Sir ! C’est juste ce qu’il lui faut !

L’autre, cependant, se présentait en claquant les talons :

— Colonel John Sargent ! En retraite du 17e Gurkas !

Aldo abandonna Adalbert pour une brève inclinaison :

— Prince Aldo Morosini, de Venise. Antiquaire. Excusez-moi si j’ai été un peu vif !

On se serra la main puis on revint à Adalbert qui, sous l’effet de l’alcool, remontait à la surface sous le regard attentif des deux autres. Finalement, il se redressa :

— Où est-il ? grogna-t-il.

— Ah, non ! protesta Aldo. Tu ne vas pas recommencer !

— Parti ! annonça le colonel. On vient d’emmener l’honorable Freddy Duckworth à la voiture qui l’attendait…

L’égyptologue regarda autour de lui et fixa Aldo :

— Mais dis donc ? Tu m’as frappé ? Toi ?

— Ben oui ! C’était la seule façon de te calmer. Et ne me demande pas ce que je fais là. Tu m’as donné rendez-vous ici et tu m’as même invité à déjeuner.

— C’est vrai, mais on verra ça plus tard ! En attendant, il faut à tout prix que je retrouve ce concentré de vipère…

Il essayait de se relever mais Aldo le renvoya dans son fauteuil du bout de l’index :

— Tu ne feras rien du tout ! Tu as entendu le colonel Sargent ? Il t’a dit qu’il est parti dans une voiture !

— Je sais qu’il partait puisque je l’ai attrapé au vol, mais où allait-il ?

— Au diable, si ça lui chante ! Tu ne crois pas qu’il a suffisamment occupé le devant de la scène ?

— Moi aussi, messieurs ! intervint le colonel Sargent. J’aperçois lady Clémentine, mon épouse, qui me cherche. À bientôt, j’espère ?

— Ce sera avec plaisir ! répondit Aldo. Maintenant, j’aimerais prendre, dans l’ordre : possession de ma chambre, une douche et des vêtements frais. Tu peux m’accompagner, si tu veux ?

— Non. Je préfère aller fumer une pipe au jardin !

Il boudait visiblement. Aldo sentit un léger parfum de moutarde lui monter au nez :

— Tu es bien sûr que je t’y retrouverai ? Parce que si c’est pour filer je ne sais où sur la trace de ce pauvre type, il vaudrait peut-être mieux que je retourne à la gare ?

— Non, mais ce pauvre type comme tu dis…

— Ça suffit ! Et, à ce propos, qui est donc cette « elle » qui jouait le rôle de pomme de discorde ?

— On en parlera plus tard…

— Ce ne serait pas une jeune fille d’environ vingt ans, très brune et aux yeux d’aigue-marine ?

Adalbert se pétrifia, telle la femme de Loth victime de sa désobéissance :

— Tu… tu la connais ?

— Absolument pas ! Je ne sais même pas son nom. Simplement, j’ai rencontré hier la personne en question. Et je me permets d’ajouter que j’ai tout lieu de croire qu’il s’agit d’elle parce qu’elle m’a chargé d’un message oral pour toi !

— Dis vite !

— Nenni ! Tu m’en as assez fait voir pour ce matin. Tu attendras le déjeuner ! Sinon, tu es capable de filer prendre le premier train. À tout à l’heure !

L’éminent archéologue, membre de l’Institut, ressemblait à un gamin attendant le Père Noël quand Aldo le rejoignit dans l’élégante salle à manger aux larges baies ouvertes sur le jardin et le fleuve. Il lui laissa à peine le temps de s’asseoir en face de lui :

— Alors ? s’impatienta-t-il.

Pour seule réponse et jugeant que le supplice avait assez duré, Aldo lui tendit la feuille de calepin sur laquelle, avant de quitter le musée, il avait noté les paroles de l’inconnue. Adalbert les dévora avidement.

— C’est tout ? fit-il en retournant la page recto verso plusieurs fois.

— Que te faut-il de plus ? Elle dit qu’elle ne t’a pas trahi et, si l’excuse est peut-être vague, elle me paraît suffisante ? À présent, j’aimerais en apprendre davantage. Et d’abord son nom.

— Salima Hayoun. C’est une jeune archéologue débutante. Je l’ai rencontrée au Caire quand, à mon arrivée, je suis allé chercher mon autorisation de fouiller certain endroit que j’avais plus ou moins repéré l’an passé. Elle s’est présentée et m’a demandé de l’inclure dans ma mission afin d’étudier sur place les méthodes d’approche d’un site. Elle avait suivi les cours de l’École du Louvre et, comme elle est plutôt agréable à regarder, je l’ai embauchée sans rechigner.

— Je veux bien te croire.

— Nous avons donc travaillé côte à côte pendant quelques semaines, jusqu’à ce que je découvre le cartouche. Et je dois dire qu’elle ne ménageait pas sa peine. Puis je suis revenu au Caire pour ma prolongation en la laissant sur place en compagnie d’Ali Rachid, mon chef de travaux… Tu sais déjà ce que j’ai trouvé à mon retour : Freddy Duckworth installé, secondé par une partie de mes travailleurs – sauf Ali Rachid – mais Salima, elle, était toujours là. Quand elle m’a aperçu, elle s’est hâtée de plonger dans les entrailles de la terre et, lorsque j’ai voulu la rejoindre, on m’en a empêché. Sur ce, j’ai boxé Duckworth, mais il avait prévu ça aussi en s’adjoignant quatre types de la police qui m’ont arrêté et coffré jusqu’à ce que notre consul me tire de ce guêpier… Admets que c’était dur à avaler !

— Sans aucun doute ! Et tu as entrepris de noyer ces désagréments dans le whisky ?

— Il fallait bien passer le temps ? Je connais son adresse au Caire et j’étais décidé à patienter jusqu’à ce qu’elle revienne.

— Je comprends mieux, mais maintenant je veux savoir pourquoi, alors que je te croyais occupé à récupérer tranquillement à l’hôtel, tu as filé à la gare attraper le premier train ?

— J’ai reçu un télégramme d’Ali Rachid – un véritable ami, celui-là ! Il faisait surveiller Duckworth par un de ses hommes et s’est dépêché de me prévenir quand mon voleur a reçu la punition qu’il méritait ! Le camouflage de la tombe avait été assez habilement reconstitué pour tromper le vieux dur à cuire que je suis. Mais quand il est arrivé à la chambre mortuaire, il n’y avait plus rien. Les pilleurs l’avaient déjà visitée, et ça ne datait pas d’hier. On a trouvé la momie démaillotée et abandonnée dans un coin. En revanche, le sarcophage, que l’on n’avait pas pris la peine de refermer, contenait le cadavre d’un Égyptien poignardé dont la mort devait remonter à une trentaine d’années. C’est ce qu’Ali m’a invité à venir constater, et tu penses bien que je n’ai pas perdu une minute. Ali et moi étions sur le site hier après-midi. Il n’y avait plus âme qui vive et tout avait été refermé. Sans trop de soin du reste. Freddy s’est contenté de faire reboucher à la va-vite et a déguerpi sans tambours ni trompettes. Pas loin, puisqu’il est revenu ici comme si de rien n’était… Et une déception d’archéologue de plus ! Salima, elle, s’était évaporée... C’est pourquoi, en voyant que ce cochon était ici, j’ai entrepris de le cuisiner à ma façon ! Grâce à Dieu, tu es intervenu à temps pour m’éviter un meurtre. À présent, qu’il aille se faire pendre ailleurs ! Et je vais pouvoir rentrer au Caire avec toi… puisqu’elle y est ! conclut Adalbert, un sourire épanoui aux lèvres, en avalant d’un trait son verre de vin.

Aldo, lui, garda le silence en regardant son ami attaquer vigoureusement son roast-beef. Un verre à la main, il en dégustait le contenu à petites gorgées – la cuisine du palace était médiocre mais sa cave excellente. Enfin il émit :

— Qu’est-elle exactement pour toi, cette Salima ?

Adalbert acheva de mâcher tranquillement sa viande, mais il avait rougi et son expression disait clairement qu’il n’aimait pas la question :

— Qu’est-ce que tu vas encore imaginer ? C’est une élève ! La meilleure que j’aie jamais eue…

— Ah, parce que tu en as déjà eu ? Tu ne m’as jamais dit que tu officiais à l’École du Louvre ?

— J’y ai donné des conférences. Quant à Salima, elle ne demandait qu’à apprendre et, durant le temps où nous avons travaillé ensemble, j’ai pu constater la rapidité de ses progrès. En outre, elle sait poser les bonnes questions. Tu verras quand tu la connaîtras mieux ! Bon ! Cela posé, on prend le café et on va faire une petite sieste. Je vais prier le portier de nous retenir des places sur le train de…