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— Je ne savais pas qu’on pouvait venir par ici, dit Mélinda, impressionnée.

— Tu as déjà essayé ?

— Non, un jour des copains ont voulu m’emmener, j’ai refusé. Les garçons, ils veulent toujours aller dans des endroits interdits.

— Ça, c’est vrai. Mais toi, tu ne dois jamais aller dans les endroits interdits.

— Je n’y vais jamais.

— Ça se voit.

Stéphane avait emporté une lampe torche. Et sous son pantalon, la lame du couteau lui piquait la jambe droite.

Là où ils se trouvaient, personne ne pouvait les apercevoir. Des rangées d’arbres les protégeaient des regards.

— C’est nous les aventuriers ! s’écria-t-il, imitant une voix de pirate. Jack Sparrow et toute sa bande ! A l’assaut !

— À l’assaut ! répliqua Mélinda en levant le bras.

Stéphane s’engagea le premier sous la roche et, une fois dans l’ombre, alluma sa torche.

— Suis-moi, murmura-t-il.

Mélinda se retourna, hésita, et finit par rejoindre Stéphane.

— Alors, ce n’est pas mieux que la messe ? demanda-t-il. Partout, des gouttes perlaient. Dans cette atmosphère de silence, les voix rebondissaient sur les parois.

— Si, c’est mieux.

— Tu m’étonnes. Tu sais pourquoi tu vas à l’église, tous les dimanches ?

— Pas vraiment, non. Je suis obligée, c’est tout.

Stéphane avançait prudemment, en tenant la main de la gamine. Le chemin devenait dangereux. Le sol glissait à cause des infiltrations, des irrégularités dans la roche, de la pente invisible. Devant eux, les galeries, numérotées – 86,87,88… – se démultipliaient. Où était-ce inondé ? Quelle direction suivre ?

Stéphane ne pouvait admettre l’idée que dans ces carrières, dans trois ou quatre jours, la petite fille à ses côtés serait retrouvée morte.

— Vraiment joli, s’étonna Mélinda avec ses yeux d’enfant. On continue ?

Stéphane posa la lampe entre eux, les sourcils froncés, et s’agenouilla de nouveau.

— Non, Mélinda, on ne continue plus. C’est terminé. Lentement, il plongea la main sous sa chemise et brandit l’arme blanche. L’enfant voulut crier, mais il lui plaqua la main sur la bouche.

— Non, non ! fit Stéphane. Oh, excuse-moi ! Ne crie pas, je t’en prie ! Écoute-moi et jure de ne pas crier, d’accord ?

Mélinda acquiesça, inquiète.

— Ce couteau, il est pour toi ! Je ne cherche pas à te faire du mal !

— Quoi ?

— Je ne suis vraiment pas doué pour rassurer les gens, moi… Ce couteau, je vais le cacher ici, exactement où nous sommes, le long de la roche.

Il se redressa et déposa l’arme dans une minuscule cavité, à la hauteur de Mélinda.

— Tu vois, là ? Tu retiens bien cet endroit. Nous sommes obligés d’y passer si nous voulons continuer à descendre. Retiens-le bien, surtout.

— Mais pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu caches un couteau ici ?

— Mélinda, tu ne dois jamais, jamais accompagner un inconnu, tu m’entends ? Je suis un inconnu, et j’aurais pu te faire beaucoup de mal.

— Mais toi tu es gentil, tu…

Stéphane secoua la tête.

— Les inconnus sont toujours gentils. Ils peuvent essayer de te faire rire, te promettre des choses, imiter le Mask, Donald, Mickey ou d’autres personnages, mais tout ceci est faux. Ils agissent ainsi pour t’attirer. Voilà ce que je voulais aussi te montrer en t’amenant ici.

— Oui… Oui, je comprends.

Puis Stéphane s’attela à décrire précisément Hector Ariez avant de dire :

— Si un jour ce monsieur te force à venir par ici et se montre méchant, alors tu prends ce couteau, et tu plantes la lame là, dans son ventre. Et puis tu cours vers la sortie, d’accord ?

— D’accord. Je veux remonter maintenant. J’ai froid.

— On va remonter. Aujourd’hui, nous sommes dimanche, mais mardi ou mercredi, tu devras te méfier de tous les messieurs que tu rencontreras, d’accord ? Tu ne vas pas oublier ce que t’a dit le Mask ? Méfie-toi de tout le monde.

— Je ne vais pas oublier.

— Promets-le-moi. Promets aussi de ne jamais revenir ici.

— Je le promets.

Ils sortirent enfin des galeries. Avant de monter dans la voiture, Stéphane prit dans son coffre un rouleau d’essuie-tout et nettoya les chaussures boueuses de Mélinda.

— Une dernière chose Mélinda. Tu ne parles pas de notre rencontre à tes parents, ni à personne d’autre. N’oublie pas, tu devais être à l’église. OK ?

— Oui, oui, compris.

— Très bien… À quelle heure tu rentres d’habitude ?

— Midi et quart.

— On va pouvoir y aller.

Avant de la déposer à l’angle de sa rue, Stéphane l’embrassa affectueusement sur le front.

— Je t’aime beaucoup, Mélinda. Quand j’étais un peu plus grand que toi, j’avais une amie exceptionnelle, qui te ressemblait beaucoup. Elle s’appelait Ludivine.

— Tu ne la vois plus ?

Stéphane baissa les yeux.

— Fais bien attention à toi. Tu me rends le masque ? J’y tiens beaucoup.

Elle le lui tendit avec regret.

— Tu vas revenir me voir ?

— Je ne crois pas. Mais je ne serai jamais loin de toi. Je te le promets.

Elle aurait pu être sa fille. Un rêve inaccessible.

Il la regarda s’éloigner, avec la satisfaction du devoir accompli. Mélinda ne partirait plus avec un inconnu. Il venait de tout changer, définitivement, il en avait la certitude.

Ce fut quand il posa son regard sur le siège passager qu’il le vit. Tombé de la poche de Mélinda.

Le petit mouchoir rose tout propre, joliment brodé d’un nounours.

Le mouchoir en sang de son rêve.

Ce rêve où, à la radio, on le recherchait comme fugitif, meurtrier présumé d’une gamine prénommée Mélinda.

41. DIMANCHE 6 MAI, 12 H 29

Mortier et Vic patientaient devant la maison de Cassandra Liberman, un gobelet de café à la main, quand Joffroy les rejoignit. Derrière lui, Amandine Gosselin, accompagnée d’une psychologue, montait dans un véhicule de police. La jeune femme rousse s’enveloppa sous une large couverture de laine. Plus jamais elle ne verrait la vie comme avant.

— Alors ? demanda le commandant Mortier.

Avant de répondre, Joffroy récupéra un thermos dans le coffre d’une 407 et se servit un café. Wang était resté à l’intérieur pour poursuivre les recherches, avec les techniciens de la Scientifique et quelques autres courageux.

— Ces deux filles-là ne se voyaient que depuis peu. Et devinez où ?

— Les Trois Parques ?

— Bingo.

Joffroy leva son récipient en plastique en direction de la maison et reprit :

— D’après Gosselin, Liberman était fascinée par les malformations. Et elle a six orteils à chaque pied, que Liberman n’arrêtait pas de photographier, de caresser ou de… sucer. Il doit bien tramer sur son PC une centaine de photos, rien que de ses panards. Fétichiste jusqu’au bout des ongles.

Mortier grimaça.

— Le Matador piocherait donc ses victimes parmi les clientes de cet établissement ?

— Il semblerait, répliqua Joffroy. Et il s’intéresse non pas à celles atteintes de déformations, mais à celles qui en abusent pour assouvir leurs fantasmes. Peut-être des profiteuses à ses yeux… Il connaît leurs pratiques, leur centre d’intérêt si particulier. Il doit forcément s’agir de quelqu’un qui, de près ou de loin, a déjà été en contact avec ces filles. Aux Parques ou ailleurs.

— On continue à surveiller les Parques, alors ?

— Oui.

Le commandant de police prit un air satisfait.

— Très bien. Quoi d’autre ?

Joffroy les emmena sur le côté de la maison, à proximité de la bouche d’aération.

— La victime a confié à Amandine Gosselin, par MSN, avoir été observée, la veille, depuis cet endroit. Elle a parlé de l’odeur de cadavre et d’une voiture grise.