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Elle décrocha, un peu surprise. Pouvait-il s’agir du père de Vic ?

— Madame Marchal ?

— Oui ?

— Je suis un ami de Victor. Je peux le voir ?

— Il est en déplacement, à Lyon.

— Je dois vous parler.

Céline hésita, puis appuya sur le bouton. Un ami de Vic, ici, à Paris ?

Elle se rua dans la salle de bains et se donna un coup de brosse à cheveux. Pantalon de jogging, pas maquillée, yeux lourds et gonflés de sa mauvaise nuit, bonjour la féminité ! Elle voulut se passer de l’eau sur la figure, mais on sonnait déjà.

— Oui, oui ! J’arrive !

En ouvrant la porte, elle ne put cacher un léger étonnement. L’intensité du regard, l’étroitesse de la bouche, l’homme en face d’elle ressemblait vaguement à son mari.

Troublé, Stéphane se racla la gorge et dit :

— Puis-je… Puis-je entrer quelques instants ?

Céline rejeta une mèche de cheveux sur le côté.

— C’est que… Euh… Oui, bien sûr. Je vous en prie. Excusez-moi pour la tenue, mais j’étais en plein rangement et…

— Pas de souci.

Le hall d’entrée était étroit, tout comme le salon où elle l’emmena. Stéphane se sentait gêné de pénétrer ainsi dans l’intimité du flic.

Discrètement, il observa le ventre de la jeune femme à travers sa tunique bleue et blanche. Pas flagrant, même quasiment invisible. Impossible de deviner sa grossesse.

Céline l’invita à s’asseoir dans le canapé, s’installa en face de lui et sembla attendre qu’il lui parle. Stéphane ne savait pas par où commencer, ni comment aborder le sujet. Il ignorait d’ailleurs de quel sujet il était réellement venu lui parler.

Il sortit la carte de visite de Vic, qu’il posa sur la table.

— Pour vous dire la vérité, je ne suis pas véritablement un ami de votre mari.

— Je m’en doutais. Personne ne l’appelle Victor. Vous êtes un collègue ?

— En fait, pas vraiment. Il est venu m’interroger hier soir, dans le cadre d’une enquête. Je vous rassure, je ne suis qu’un témoin, mais j’ai une information très importante à lui communiquer.

Céline fronça les sourcils.

— Dans ce cas, je ne comprends pas bien la raison de votre présence ici. Vous avez son numéro, vous ne pouviez pas l’appeler ?

— J’ai essayé, impossible de le joindre.

Céline soupira en secouant la tête.

— Oui, son portable n’arrête pas de se décharger. Et il n’a pas encore pris le temps de le changer. Ou plutôt, ils ne lui en ont pas laissé le temps.

— Vous parlez de ses collègues ? Sa hiérarchie ?

Stéphane remarqua le regard fuyant de son interlocutrice.

Elle semblait mal à l’aise. Il se redressa et lui tendit la main.

— Oh ! Pardon, je ne me suis même pas présenté. Je m’appelle Stéphane Kismet, et je travaille pour le cinéma. Dans le maquillage, plus exactement. Les E. T., Alien et autres vilaines bêtes, c’est moi.

— Vous savez, je ne regarde pas tellement la télé.

— Heureusement que tout le monde ne fait pas comme vous, sinon je n’aurais plus qu’à pointer aux Assedic.

Elle eut un sourire forcé. Stéphane se pencha vers l’avant.

— Votre mari ne vous a pas parlé de moi ?

— Pas du tout. Il ne me parle pas énormément de son travail. Je crois qu’en ce moment, il enquête sur une histoire de meurtres, mais je ne pourrais pas vous en dire beaucoup plus. Vous devriez me laisser vos coordonnées, il vous rappellera en rentrant.

Les yeux de Stéphane s’illuminèrent.

— Je vois que vous attendez un enfant ?

De minuscules fossettes se creusèrent sur les joues de Céline.

— Ça ne se voit pas ! Comment vous le savez ?

— Oh, j’ai juste aperçu des biberons emballés, sur la table de la cuisine. C’est pour quand ?

— Octobre, normalement.

— Garçon ou fille ?

Céline hésita à répondre. Pourquoi ne partait-il pas ?

— Je ne veux pas savoir. Vic voudrait, lui, mais… je suis un peu superstitieuse, et je pense qu’il faut garder la surprise jusqu’au bout.

— Il existe un truc populaire au Vietnam pour prédire le sexe d’un enfant. Si la procréation a lieu un lundi, un mercredi ou un vendredi, ce sera un garçon.

Céline inclina la tête, avec le sentiment que cet homme en savait plus qu’il ne le laissait entendre. On était dimanche, en fin d’après-midi. Pourquoi n’avait-il pas attendu le lendemain pour contacter Vic ? Pourquoi son déplacement jusqu’ici ? Et pourquoi être monté, malgré l’absence de son mari ?

Elle tenta de garder un ton assuré, même si, au fond d’elle-même, elle commençait à ressentir une certaine crainte.

— Vous semblez connaître mieux que moi les traditions de ce pays. J’en suis pourtant originaire, répliqua-t-elle.

— Ah oui ? C’est une contrée que j’adore, qui me passionne depuis l’adolescence. La première fois où j’ai cassé ma tirelire, c’était pour acheter un livre sur la Nam Tien.

— La marche vers le Sud…

Stéphane approuva d’un hochement de la tête.

— Avec mon épouse, nous devions partir en vacances là-bas.

— Devions ?

— Oui. Excusez-moi, mais c’est assez compliqué.

Céline se leva poliment.

— Comme je vous ai dit, monsieur, mon mari ne rentrera pas tout de suite. Et… Désolée, mais du travail m’attend.

Stéphane ne bougea pas d’un millimètre. La jeune femme comprit alors qu’il y avait quelque chose d’anormal.

— Parlez-moi de votre mari, demanda-t-il. À votre accent, je suppose que vous n’êtes pas des Parisiens pure souche ?

Elle le sentait de plus en plus mal à l’aise. D’après Vic, en observant les mains, on pouvait deviner les sentiments, les motivations des gens. Et cet homme ne cessait de se les frotter nerveusement.

Céline s’éloigna encore, elle souhaitait maintenant son départ immédiat.

— Si vous me disiez clairement le but de votre visite ? Je pourrais lui transmettre votre message ?

Stéphane se leva brusquement et la fixa droit dans les yeux.

— Ce n’est pas lui que je suis venu voir, mais vous.

L’accélération du rythme cardiaque de Céline fut fulgurante.

— Moi ? Mais…

— Un événement grave risque de vous arriver, ou de toucher votre bébé.

Il serrait les poings. Céline désigna de l’index la porte du hall. Sa voix tremblait.

— Je vous… Je vous en prie. Sortez à présent.

Stéphane s’approcha un peu, en agitant ses deux mains devant lui.

— Non, non, n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur de moi ! Je suis décidément très maladroit pour mettre les gens à l’aise. C’est… C’est un malentendu ! Si vous prenez peur, ça ne fonctionnera jamais.

— Je voudrais que vous me laissiez seule à présent.

— Je… Écoutez, je sais, c’est bizarre, ma présence ici, à cette heure, mais est-ce que vous soupçonnez quelque chose pour votre enfant ?

— Quoi ? Mon enfant ? Qu’est-ce que vous racontez ?

— Avez-vous fait des examens qui montrent des signes de trisomie ?

Céline était désormais plaquée contre le mur du salon. En une fraction de seconde, il se passa quelque chose de très curieux en elle. L’impression que la phrase qu’elle s’apprêtait à prononcer, là, maintenant, elle venait juste de la prononcer, dans un horrible ralenti. Ce qui l’effraya plus encore.

— Que voulez-vous ? Dites-moi ce que vous voulez, et allez-vous-en, je vous en prie.

Stéphane ne bougeait plus.

— Juste que vous me répondiez. Et je vous garantis que je disparaîtrai.

— Pourquoi vous…

— Répondez, s’il vous plaît. Votre bébé.