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Céline explosa, elle ne tenait plus.

— Non ! C’est trop personnel ! Dégagez ou je hurle !

Stéphane s’approcha, la mine grave. Il se rappelait des paroles, dans son rêve :

« – Pourquoi tu n’as pas su empêcher ça ?

— J’aurais dû quoi ? Kidnapper une femme enceinte ? »

Il reprit, d’un ton à glacer le sang :

— Je ne partirai pas sans réponse, vous m’entendez !

Céline se jeta sur le côté mais, sans savoir comment réagir, Stéphane l’attrapa par le col. Elle se mit à crier, le griffa à l’avant-bras. Il la propulsa violemment vers la banquette, elle chuta sur le flanc gauche et se redressa fébrilement, terrorisée.

Complètement paniqué, Stéphane leva les mains en l’air.

— Excusez-moi ! Excusez-moi, je… je ne voulais pas !

Il tenta de s’approcher d’elle, mais elle se recula, les deux bras devant le visage.

— Vous devez me croire, bon sang ! répéta Stéphane. Je ne cherche pas à vous agresser !

Céline restait là, immobile. Ce malade avait entièrement perdu les pédales.

— Si… Si je vous dis ce que vous voulez, vous jurez de ne pas me faire de mal ?

— Mais je ne veux pas vous faire du mal ! Pour qui me prenez-vous ? Un malade mental ? Vous aussi, vous vous y mettez ?

Il avait hurlé, hors de lui. Il respira profondément.

— Je vous donne ma parole, souffla-t-il. Mais, par pitié, arrêtez de me prendre pour un monstre.

Elle s’assit sur l’accoudoir d’un fauteuil, les mains sur les épaules, frigorifiée, tétanisée.

— L’échographie des quatre mois a révélé des os propres du nez invisibles et une… une clarté nucale élevée. Ces indices laissent penser à une trisomie 21. Comment… Comment saviez-vous que mon bébé présentait ce risque ? Vous êtes allé voir le docteur Sénéchal, mon gynécologue ? Vic vous a parlé ? Ou alors, vous nous espionnez ?

— Mais non ! Je ne suis pas allé chez votre gynécologue, et je ne vous espionne pas non plus ! Arrêtez !

— Comment vous savez, alors ?

— J’ai eu une vision.

— Une vision ?

Stéphane se balançait légèrement sur lui-même, en se mordant le bout des doigts.

— J’essaie seulement de comprendre. Comprendre pour vous aider. J’ignore pourquoi, mais je sais qu’il pourrait vous arriver un malheur, à vous ou à votre bébé, d’ici quelques jours.

Céline frissonna. Ce type la terrifiait. Le genre à péter un câble instantanément. Il fallait qu’elle réussisse à sortir d’ici, à s’enfuir.

— De quel genre ?

— Un drame qui va anéantir votre mari. Il disait que… qu’il haïssait la science. Et je pense qu’il voulait parler d’un chromosome en trop. Avez-vous prévu de passer un examen bientôt ? Quelque chose en rapport avec votre grossesse ?

Céline resta silencieuse. Ce taré voulait du mal au bébé. Un schizophrène échappé d’un asile, qui avait accédé à son dossier gynécologique, et capable de l’éventrer pour faire taire ses visions. Elle remarqua une paire de ciseaux sur la table de la salle à manger. Si elle était assez rapide, il n’aurait pas le temps de réagir.

Mais elle se ravisa. Il devait être bien plus fort qu’elle. Elle se décida à répondre, pour gagner de précieuses secondes.

— On me fait une amniocentèse, demain matin. On va me… me prélever du liquide amniotique, pour des examens approfondis.

Stéphane claqua des doigts.

— C’est ça ! Bon sang !

Il se précipita vers elle et lui attrapa les poignets qu’il serra très fort.

— Vous ne devez pas aller à ce rendez-vous ! Je ne sais pas s’il va vous arriver un drame sur la route, ou chez le gynécologue, mais votre bébé n’est pas trisomique ! « D’autant plus qu’il n’y en a jamais eu quarante-sept » !

Céline se mit à pleurer.

— Vous me faites mal… Je vous en prie…

Stéphane serra plus fort encore.

— Non, non, vous ne comprenez pas ! Je ne veux pas vous blesser, mais vous protéger, au contraire ! Si vous allez à ce rendez-vous, vous perdrez votre enfant ! C’est ce que vous voulez ? Être responsable de sa mort ?

— Non ! Non !

Il la lâcha.

— Je ne peux rien vous prouver, mais il faut me croire.

— Je… Je vous crois. Je n’irai pas à cet examen. Je vous jure que… que je n’irai pas.

Le visage de Stéphane s’éclaircit, avant de s’assombrir de nouveau.

— Vous mentez.

— Non.

— Pourquoi je vous ferais confiance ? lui demanda-t-il.

Si ce malade était convaincu de quelque chose, il ne fallait surtout pas le contrarier. Céline répliqua avec tact :

— Parce que je vous le dis. Moi, je vous crois. Alors vous devez me croire, vous aussi.

Ce fut elle qui l’agrippa, cette fois. Elle le fixa d’un regard enflammé.

— Vous devez me croire.

Stéphane se recula, à bout de forces, jusqu’à la porte d’entrée. Là, il serra la poignée et dit :

— Vous êtes superstitieuse, vous croyez en ces choses-là. Votre enfant n’est pas trisomique. Ne laissez pas le destin vous le voler en sortant demain.

Et il disparut, en refermant doucement derrière lui.

45. DIMANCHE 6 MAI, 23 H 05

Lentement, les somnifères commencèrent à faire effet. Dans la fraîcheur du sous-sol, entre ses monstres et les notes sur les murs, Stéphane se sentait bien, loin de tout. Presque dans les nuages.

Ça allait arriver. Le rêve. La communication avec le futur. La rencontre avec l’enfer. Stéfur avait-il reçu les messages inscrits sur les murs de Darkland ? Avait-il répondu de la même façon ? Déjà, les questions commençaient à s’estomper. La torpeur gagnait.

Au moment où il allait sombrer définitivement, son corps se cabra. Stéphane se redressa, les sens en éveil.

Des bruits. Des martèlements. Ça venait d’en haut. La porte d’entrée.

Il se releva, étourdi par les cachets, puis remonta au rez-de-chaussée. Qui pouvait bien tambouriner si tard ? Il imagina tout de suite le pire. Un drame ? La police ? La gendarmerie ? Et si Mélinda…

Une fois dans le hall, il jeta un œil vers l’étage. Sylvie crispait ses mains autour de la rambarde, dans un pyjama de soie bleu sous une épaisse robe de chambre. Ses yeux rouges témoignaient d’une nuit encore agitée de pleurs. Ils échangèrent un regard inquiet. Qui frappait ?

À peine Stéphane eut-il ouvert la porte qu’une ombre jaillit et le plaqua au sol. Un coup sourd, puis un choc au niveau de l’œil gauche le mirent presque KO.

Sylvie hurla.

Pieds nus, elle se précipita dans l’escalier.

— Arrêtez ! Arrêtez, bon sang !

Les coups pleuvaient sur l’abdomen, la poitrine, les flancs. Stéphane s’était recroquevillé en chien de fusil, les deux mains plaquées sur le visage.

— Salopard ! Salopard ! cria l’homme.

Sylvie agrippa la chemise de Vic Marchal et le tira vers l’arrière. Le flic la repoussa. Il était hors de lui, ses poings voltigeaient dans tous les sens. Il paraissait se battre pour la première fois.

— Qu’est-ce qu’il vous prend ? s’écria la jeune femme en se penchant vers son époux. Mais vous êtes devenu dingue ?

Vic haletait comme un fauve. Il tendit un index menaçant.

— Votre… Votre taré de mari est venu voir ma femme ! Il… Il est entré chez nous, et… et il l’a quasiment agressée !

Stéphane se relevait avec peine. Son œil gauche commençait déjà à bleuir. Il porta ses doigts à sa bouche et en récolta une goutte de sang.

— Putain… Vous n’y êtes pas allé de main morte.

Sylvie tremblait de tous ses membres.

— Je vais porter plainte contre vous ! lâcha-t-elle. Vous ne vous en tirerez pas comme ça !