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Vic ne tenait plus en place.

— Quand je pourrai le voir ?

— Rentre chez toi, tranquillement. Parce qu’à mon avis, on en a pour jusqu’au milieu de la nuit. Wang ne le lâchera pas de sitôt.

— Arrêtez de tous me dire de rentrer chez moi, OK ?

Ses lèvres tremblèrent légèrement, puis il finit par affirmer :

— Ce type n’y est pour rien.

— On va voir ça. Il prétend avoir passé la soirée à se pinter dans un bar, après votre rencontre, cette fameuse nuit où Liberman est décédée. J’y crois pas un instant.

Vic fixa son collègue avec assurance.

— Il n’est pas coupable.

Joffroy haussa les épaules.

— Décidément… Le commandant avait raison, t’es pas fait pour le métier. D’ailleurs, en plus de tes conneries, attends-toi à avoir quelques emmerdes supplémentaires. Parce que apparemment, tu l’as revu sans nous en informer. Un message, sur son répondeur. Qu’est-ce que t’as à voir là-dedans ?

— J’ai sympathisé avec lui, la loi me l’interdit ?

— Drôles de fréquentations.

— Pas plus drôles que tes conneries. Le PQ dans mon tiroir, c’était toi. J’ai trouvé des miettes de biscottes, au fond. Ça t’a bien amusé, crétin ?

Le lieutenant au Perfecto tendit un index menaçant.

— Doucement, V8, doucement, OK ?

Vic était hors de lui. Une veine ressortait au milieu de son front.

— Dis-moi au moins pourquoi il a enlevé sa femme. Quelles raisons donne-t-il ?

— T’es grillé. T’auras tenu un mois. Pas si mal, après tout, pour un pistonné.

Joffroy sortit du bureau en claquant la porte. Quelques secondes plus tard, Vic partit s’enfermer dans sa voiture. Il cogna sur son volant. Quelle bande de cons ! Il les détestait, tous. Mais pas autant qu’il se détestait lui-même. Il s’alluma une clope et laissa la fumée lui pénétrer les narines. Ensuite, il roula un peu, trouva une rue pas trop fréquentée, baissa son siège et, assuré de ne pas être vu, se mit alors à pleurer. Longuement.

57. MERCREDI 9 MAI, 20 H 36

La radio diffusait One, de U2. Une torpeur feutrée envahit Darkland. Du haut de son escabeau, Sylvie donnait des coups de rouleau dans tous les sens, recouvrant de peinture rouge les horribles phrases inscrites sur les murs. Cela lui était pénible, mais elle devait absolument s’occuper les mains, se vider l’esprit, et effacer les rêves de Stéphane. Laisser cette pièce en l’état, c’était, encore, subir la folie de son mari. Toute trace de délire devait disparaître, au plus vite.

D’un coup, ses yeux tombèrent sur la description d’un songe bien étrange. Elle se figea, lut avec attention, et fixa son rouleau de peinture, interloquée. Comment était-ce possible ? Ses jambes flageolèrent, elle dut se retenir à l’escabeau pour ne pas tomber.

One se terminait, quand Sylvie crut percevoir un bruit, provenant du fond du sous-sol.

— Il… Il y a quelqu’un ?

Les sourcils froncés, elle descendit, posa son matériel et avança doucement vers la porte. Elle jeta un regard dans le long couloir sombre et poussiéreux, puis haussa les épaules. Le chat, sans doute.

Cependant, lorsqu’elle se retourna, elle eut la certitude d’une présence dans son dos. Pas le temps de faire face. Une main lui écrasa le visage. Elle hurla.

— Oh ! Du calme ! lança une voix d’homme. Ce n’est que moi !

Sylvie se dégagea, avant de serrer contre elle Hector Ariez.

— Tu devais frapper à la porte, bon Dieu ! J’ai failli crever d’une attaque !

— C’était ouvert.

Elle poussa un long soupir de soulagement.

— Merci… Merci pour ta visite. Je…

Hector la regarda au fond des yeux.

— Je ne pourrai pas rester. Ma femme m’attend, c’est notre anniversaire de mariage.

— Oh non…

Il l’embrassa fougueusement, elle répondit à l’étreinte avec passion.

— Comme tu m’as manqué, chuchota-t-il. Tu me manques tout le temps.

— Bientôt, tout ceci sera terminé. J’ai… J’ai vraiment tout fait pour le sauver. Je l’aimais tellement. Tellement…

— Ce malade aurait pu te tuer. Tu as fait ce qu’il faut pour l’internement ?

— Oui… Je signe les papiers demain.

Elle baissa les yeux. Ses lèvres tremblaient.

— Quoi ? fit Ariez. Qu’est-ce qui te tracasse à ce point ?

— Les notes, sur ces murs. Suis-moi.

Ils s’avancèrent au milieu de la pièce. Elle éteignit la radio.

— C’est… monstrueux, constata le décorateur. Comment a-t-il pu écrire des choses pareilles ?

— Il n’a fait que raconter dans le détail les rêves qu’il fait depuis presque une semaine.

— Les rêves ? Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ?

Elle hésita avant de répondre :

— Quand je suis entrée ici, mon premier réflexe a été de regrouper ces six horribles monstres dans un coin et de les couvrir de draps blancs. Je ne voulais plus les voir. Puis… Puis j’ai récupéré ce pot de peinture rouge, pour… pour tout faire disparaître.

— Tu as bien fait.

Sylvie désigna une phrase du doigt.

— Lis… Lis ce qui est marqué là-haut. Je l’ai vu alors que je m’apprêtais à l’effacer.

— « Cassette de »…

— Non, juste à côté.

— « Hauntedmouth, Peperbrain, Darkness, disparus sous des draps blancs. Puis la peinture rouge, partout, étalée grossièrement sur les murs de Darkland »…

Ariez fronça les sourcils.

— Et alors ?

— Et alors ? Je suis en train d’étaler grossièrement de la peinture rouge ! Il avait inscrit cela bien avant que je le fasse. Et je n’avais pourtant jamais lu ces phrases.

— Juste une coïncidence, voilà tout.

— Et puis, il y a d’autres petits détails. On dirait que… certains événements se réalisent, en ce moment même.

Hector se dirigea vers un drap et le souleva. Darkness apparut.

— Dans ce cas, perturbons le destin ! Il suffit de tirer tous ces draps pour faire mentir ces idioties.

Sylvie courut et remit le linge blanc en place, les doigts tremblants.

— Non ! Laisse-les, je t’en prie. Regarde, il est inscrit que tous les monstres sont recouverts, sauf Darkness. Et tu viens d’ôter son drap, justement. Tu ne trouves pas cela incroyable ?

Ariez se jeta sur elle et la plaqua contre le bureau. Sylvie s’abandonna à ses caresses. Ils firent l’amour entre les bocaux et les masques en latex.

— Tu n’as pas été comme d’habitude, dit Ariez en réajustant ses habits.

— Comment voudrais-tu ?

Il lui caressa délicatement le menton du dos de la main.

— Je reviendrai dans deux jours si tu veux. Demain, je passe la journée avec ma femme, à la maison. Il faut bien faire des sacrifices. Et puis, mieux vaut rester discret pour le moment. Tu es sûre que ça va aller ?

— Pour une femme dont le mari affirme qu’elle va mourir cette nuit… Tu ne peux pas rester ? Invente une excuse, je ne sais pas… Un appel du boulot de dernière minute. Tu fais ça tout le temps !

— Non, désolé. Ce soir, impossible… Pourquoi tu ne dormirais pas à notre hôtel ?

— Non, non… Je règle tous les papiers pour demain, puis j’irai habiter chez Nathalie, une semaine ou deux.

Ariez tomba sur les phrases du deuxième rêve, où Stéphane expliquait qu’il débarquait chez lui, à Sceaux, l’arme au poing. C’était censé se produire le lendemain. Il reboutonna sa veste, soudain mal à l’aise.

— Je t’appelle quand même demain, en fin d’après-midi.