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Nous savons désormais l’un comme l’autre ce qui « nous » est arrivé. « Tu » m’as quitté, lasse de mon empressement, de mon impatience. J’ai lu ces mails que « nous » avons échangés, les mots d’une autre Lucie qui disent son éloignement d’un autre André, j’ai lu des phrases où je me suis reconnu, dans toute ma fragilité et ma stupidité aussi.

Je vais être bref. Être avec moi n’a jamais été pour toi un choix de raison. Pourtant, tu es venue à moi. Être avec toi était un miracle, et pourtant aussi, je suis parvenu à te perdre.

On a rarement l’occasion de sauver un amour avant même qu’il soit menacé. Je veux avoir une seconde chance avant d’avoir gâché la première.

Je t’aime. Je te serre contre moi, mais pas trop fort.

André

* * *

GHOST’S SONG

Music & Lyrics :

Femi Taiwo Kaduna & Sam Kehinde Chukwueze

© RealSlim Entertainment, 2021

Here I dance with a holy ghost On the sandy Calabar beach Because now love is so out of reach Oh we did not see them comin’ I loved your skin that was our sin That’s how they burned you in a tyre And threw our rainbows in their fire I have remembrance of every kiss So many things of you I miss O fallen hearts from the abyss And I sing a gone away ghost On the sunny Calabar beach Even love now is out of reach Hear the barking dogs around us The blowing wind over the dust Of my sweet love gone in the dark Come on, let us swim with a last shark I have remembrance of every kiss So many things of you I miss O fallen hearts from the abyss As I walk with you lover Tom On the crying Calabar beach See, even hate is out of reach I want a mist of forgiveness But I shall beg for nothing less To cover the blood and tears I just want some love if you please I have remembrance of every kiss But everything of you I miss O fallen hearts from the abyss To cover the blood and tears I just want some love if you please if you please.
Voilà que je danse avec un saint fantôme Sur la plage sablonneuse de Calabar Car maintenant l’amour est si hors d’atteinte Oh, nous ne les avons pas entendus venir J’aimais ta peau, c’était notre péché C’est ainsi qu’ils t’ont brûlé dans un pneu Et jeté nos arcs-en-ciel dans leur feu J’ai le souvenir de chaque baiser Tant de choses de toi me manquent Ô cœurs tombés du haut des abysses Et je chante un fantôme qui s’en est allé Sur la plage ensoleillée de Calabar Même l’amour est désormais hors d’atteinte Entends les chiens aboyer autour de nous Le vent qui souffle sur la poussière De mon doux amour parti dans les tenèbres Viens, nageons avec un dernier requin J’ai le souvenir de chaque baiser Tant de choses de toi me manquent Ô cœurs tombés du haut des abysses Comme je marche avec toi Tom mon amour Sur la plage de Calabar qui pleure Vois, même la haine est hors d’atteinte Je veux une brume de pardon Mais je ne supplierai pour rien de moins Pour couvrir le sang et les larmes Je ne veux que de l’amour s’il vous plaît. J’ai le souvenir de chaque baiser Mais tout de toi me manque Ô cœurs tombés du haut des abysses Pour couvrir le sang et les larmes Je ne veux que de l’amour s’il vous plaît s’il vous plaît.
* * *

Jeudi 1er juillet 2021,

Clyde Tolson Resort, New York

— Voulez-vous entendre à nouveau les enregistrements, madame Kleffman ?

Avril June secoue la tête. Jamy Pudlowski la regarde qui tangue sur son siège, absente. Le jeu, la bouche, le savon, le monde tournoie et chaque mot résonne sans former de sens. La femme du FBI lui tend un verre d’eau, qu’Avril doit reposer, tant ses mains tremblent. Cette histoire d’avion, et maintenant, ça.

— La pédopsychiatre a laissé votre fille parler, elle ne l’a orientée en aucune manière. La confiance s’est installée et Sophia a expliqué chaque dessin, parlé du secret. Vous comprenez ?

Avril est tétanisée. Clark, sa propre fille, le bain, tout en elle se refuse à convoquer la moindre image. April tender, April shady, Avril tendre, avril ombrageux, disait le poème qui n’était pas de Clark. L’officière laisse de longues pauses dans ses explications. Mais chaque fois, elle reprend, avec douceur.

— Madame Kleffman, je m’appelle Jamy. Puis-je vous appeler Avril ?

— Oui, c’est moi, dit Avril d’une voix sans timbre.

Jamy tend à nouveau le verre à Avril.

— Buvez, Avril.

Avril obéit, de manière mécanique. April soft, so sleepy warm, Avril douce, si chaude de sommeil…

— Oui, merci, madame.

— Avril…, dit Jamy. Vous m’entendez ? Votre fille n’est pas détruite. Elle a pu en parler. C’est important, la parole, c’est très important. Les cogniticiens lui ont très longuement parlé, ont évoqué sa peur de l’eau, de l’obscurité, son rapport à son corps. Ils sont rassurants sur les conséquences à court terme du traumatisme qu’a subi Sophia. Mais bien sûr, on ne peut rien affirmer sur son développement futur, madame Kleffman. Nous espérons que tout ira bien.

— … que tout ira bien.

— Voici ce qui va se passer : votre mari va passer en jugement, et au vu du témoignage de Sophia, des Sophia, sans trop m’avancer, il sera condamné. Car, depuis Paris, et pendant ces trois mois… qui vous manquent… votre fille, enfin… l’autre Sophia a de nouveau subi à votre domicile des attouchements. Vous me comprenez ? Dans l’État de New York, dont nous dépendons, la peine encourue pour ce crime est de dix ans à vingt-cinq ans.

— Vingt-cinq ans. Oui.

— Ce pourra être moins, s’il accepte les traitements, le suivi, l’éloignement. Il va falloir expliquer à vos enfants et surtout à Liam, qui sera en colère, contre vous, contre sa sœur, et même contre lui…

— Est-ce que… Liam… ?

— Non. Rassurez-vous. Les entretiens ne laissent aucun doute.