Pour cette finale, chacun des deux camps avait eu la possibilité de choisir une ville comme capitale de base. Au centre se trouvait une métropole neutre où pouvaient librement intervenir et manœuvrer les espions.
À peine le sifflet de l'arbitre eut-il retenti que l'action démarra.
Le ballon, que l'on avait caché dans une consigne de la gare neutre, fut instantanément retrouvé par les Néo-Zélandais, plus précisément par le trois-quarts avant-centre Billy Maxwain. Il tenta aussitôt de le transmettre au trois-quarts aile James Summer, camouflé en policier, mais celui-ci se fit descendre d'une flèche au curare qu'une petite Thaï, l'avant-centre Daï Winei, portant le numéro 164, avait tirée grâce à une sarbacane à soufflerie électrique. Ayant récupéré le ballon, Daï Winei le déposa dans sa voiture de course tout-terrain et se précipita à la pizzeria de la ville neutre centrale.
Là, Daï Winei tenta une passe en direction de son capitaine Harao Bang mais le ballon fut discrètement intercepté par l'agent néo-zélandais Cordwainer, jadis connu pour ses activités de pickpocket. Jusqu'alors les robots-caméras volants avaient pu suivre le match sans grande difficulté. Mais hélas! tout se détériora soudainement. Le capitaine thaïlandais découvrit que la passe de son équipière avait échoué et, dans le même temps, prit conscience que le ballon avait disparu. Volatilisé! Ses radars ne transmettaient plus d'images, signe que la balle était probablement tombée dans une cache sombre ou un trou profond. L'équipe dut faire appel à un détecteur cuir/métaux pour la localiser… Enfermé dans le train de 19 heures 5, le ballon fonçait à 120 kilomètres-heure vers les buts thaïlandais.
Grâce à ses téléphones portables, l'équipe asiatique put avertir la horde de l'aile droite qui, à cheval et sabre au clair, attaqua le wagon. Mais les Neo-Zélandais avaient prévu une parade, en installant sur les toits du convoi une batterie de mitrailleuses et des lanceurs de micro-missiles à tête chercheuse alpha.
La voie ferrée devint le théâtre d'un sublime canardage. Virtuoses de la cavalcade, les terribles égorgeuses thaïlandaises sautèrent de leurs montures et, profitant de la fumée et du tohu-bohu, s'introduisirent dans les wagons. L'une d'elles s'avisa qu'un prêtre presbytérien, naturalisé néo-zélandais, dissimulait le ballon sous sa soutane. Elle le lui subtilisa, non sans avoir préalablement fendu en deux le corps du saint homme, d'un coup de sabre.
Au même moment, l'arbitre siffla un penalty, estimant qu'une tricherie s'était produite. En effet, les Thaïlandais ne pouvaient avoir découvert l'emplacement du ballon à l'aide du détecteur cuir/métaux. Il fallait qu'ils aient aussi regardé la télévision ou que quelqu'un leur ait transmis l'information de l'extérieur, ce qui était strictement interdit. Pour le penalty, on requit un nouveau clergyman, néo-zélandais de souche, et on le fit avancer avec le ballon jusqu'au château thaïlandais.
Le saint homme de remplacement n'eut pas plus de chance que son prédécesseur: les joueurs thaïlandais le mirent en charpie et repartirent sur un autre train qui passait par hasard.
Hélas pour eux! À peine embarqués, un joueur néo-zélandais en short, même pas armé, leur reprit le ballon et se mit à dribbler en avançant vers leur camp!
Consternation dans les rangs asiatiques. Comment l'homme avait-il franchi les barrages?
Il fallut un piège à tigres du Bengale, fait de bambous taillés, pour l'arrêter dans sa course. Le ballon fut aussitôt récupéré par un autre joueur néo-zélandais, camouflé en faux rocher et qui parvint à remonter dans un train partant en sens inverse.
À cet instant, la défense thaïlandaise fut prise de panique. Elle envoya une escouade d'amazones en deltaplane bombarder le train. Initiative qui aurait pu aboutir sans l'intervention inopinée de Mc Moharti. La baronne, d'une grande éloquence, avait déjà quitté le convoi, ballon en main, et amadoué le gardien de l'entrée du château thaïlandais grâce à quelques baisers astucieusement placés.
Joli coup! L'ailière Mc Moharti put ainsi pénétrer dans la bâtisse! Mais c'était sans compter avec la diabolique hargne du capitaine thaïlandais Harao Bang. Il fit enlever la jeune femme et exigea qu'on lui livre le ballon, sinon il la précipiterait depuis la plus haute tour de son manoir dans un lac regorgeant de crocodiles aux dents cariées. Harao Bang méritait vraiment sa réputation de capitaine le plus cruel du football moderne. L'ai-lière était suffisamment difficile à remplacer pour que les Néo-Zélandais cèdent.
La balle revint donc une fois de plus entre les pieds de l'équipe thaïlandaise qui dégagea le plus loin possible en se servant d'une catapulte pneumatique.
Alors, la partie s'accéléra.
Le ballon fut intercepté en vol par un missile air-air qui le renvoya dans le château thaïlandais: à la réception, l'ailière Mc Moharti réussit cette fois à pénétrer dans le grand salon du château en passant par les douves et le service pressing. Là, l'habile ailière séduisit un groom et, après une séance érotique torride (qui choqua le jeune public), se fit guider en direction des buts secrets de l'équipe thaïlandaise. Dans toute la Thaïlande ce ne fut qu'un immense et interminable cri de dépit. Le malheureux groom fut copieusement hué (probablement irait-il après le match s'exiler en Nouvelle-Zélande, seul refuge possible pour lui et sa famille).
Harao Bang s'aperçut trop tard de la manœuvre. Il voulut à nouveau capturer l'espionne mais un arbitre en embuscade siffla un corner, contraignant les deux adversaires à souper ensemble.
Évidemment la baronne tenta un dribble en introduisant un puissant soporifique dans le verre du capitaine ennemi. Mais celui-ci, malin, inversa les verres. Dans le doute, l'ailière s'abstint de boire.
Arrivèrent les hors-d'œuvre. L'arbitre obligea les deux joueurs à manger les aliments présentés sous peine de disqualification. Ce fut le moment que choisit la baronne pour tenter de placer sa botte secrète. Elle sortit de son sac à main un petit cochon d'Inde dressé dont les incisives avaient été enduites de soporifique. Mais l'animal s'endormit, et l'arbitre siffla une faute car on n'avait pas le droit d'utiliser des animaux dressés. Harao Bang jubila, reprit le ballon du pied droit alors que, de la main gauche, il saisissait une hallebarde à double tranchant. L'ailière n'eut que le temps de sortir son nunchaku. Un duel féroce s'ensuivit. Nunchaku contre hallebarde, la baronne était en difficulté… C'est alors que Linda Foxbit, haletante et échevelée, épuisée d'avoir fait l'amour avec tous les gardes thaïlandais, accourut au secours de son ailière droite. À deux contre un, le combat parut plus équilibré.
Tandis que fusaient les gémissements des gardes thaïs, empalés sur les tours du château pour avoir laissé passer le capitaine ennemi, la liesse soulevait les milliards de téléspectateurs. La planète tout entière suivait avec fièvre chaque seconde de cet événement, à côté duquel le dernier James Bond ou la guerre en Afghanistan faisaient figure de récréation pour enfants frappés par la maladie du sommeil.
Les paris pleuvaient, des sommes si énormes circulaient que la Bourse mondiale en fut affectée.
La baronne renversa la table et saisit une grande épée qu'elle fit tournoyer. Effarement chez les spectateurs lorsque l'épée passa à quelques millimètres du ballon: c'était en effet une cause d'annulation de la partie.
Harao Bang eut le dessus jusqu'à ce que, traversant les vitraux du salon, bondissent le sergent arrière gauche Smith et le trois-quarts centre Wilbur, dit le Conquérant.
Wilbur subtilisa le ballon, fonça vers le puits des buts lorsqu'une crise d'asthme (due à la présence de salpêtre auquel il était allergique) le terrassa. Il n'eut que le temps de sortir son spray vasodilatateur et de réussir une passe à Smith qui, accroché au lustre rococo du salon, récupéra la balle. Smith utilisa ses fumigènes et parvint à traverser la ligne de défense thaïlandaise. D'un bond, il sauta au fond du puits. Il sortit son couteau, ce qui s'avéra un bon réflexe car les Thaïlandais avaient empli le puits de piranhas. Smith se débattit, occit quelques poissons mais succomba finalement sous les morsures. Il aurait dû allonger une passe au capitaine Foxbit qui avait plongé à côté de lui et qui maintenant se faisait grignoter, elle aussi, par les piranhas. Dommage. Ça aurait pu donner un joli but à l'équipe néo-zélandaise. Mais c'était toujours le problème avec Smith, il jouait beaucoup trop perso.