Huruing-Wuuti est notre meneur. Il prend toujours les initiatives pour notre bande. Wotan, c'est plutôt le genre «blagues cochonnes à longueur de journée». Il ne respecte rien. «C'est l'histoire de trois types complètement amochés qui arrivent devant saint Pierre et…», voilà le genre de blague qu'il affectionne.
J'aime bien Huruing-Wuuti mais je me méfie un peu de lui car il se prend trop au sérieux. À l'entendre, il n'y a que lui qui sait construire des temples avec des colonnes corinthiennes. Les colonnes du Parthénon, ça a quand même un peu plus de gueule, non?
Évidemment, dans la cour de récréation, loin de nos mondes, chacun essaie de se faire mousser: «Moi, j'ai inventé la machine à vapeur», «Moi, j'ai inventé la pilule pour les femmes», «Moi, j'ai mis au point les appareils photo jetables», cla-mai-je pour ma part en guise de boutades.
Être dieu, ça monte vite à la tête. Bon, mais comme nous le conseille le Dieu Premier: «Ne commençons pas à dire du mal les uns des autres, sinon ça finit en guerre de religion.» C'est pour cela que lorsque Vishnou m'a tapé dans le dos en me lançant: «C'est marrant le boulot de dieu mais t'es-tu déjà demandé si quelque part au-dessus de nous, il n'existe pas des dieux de dimension supérieure qui jouent avec nous comme nous jouons avec les mortels?» j'ai sursauté. Je ne sais pas pourquoi mais cette idée m'a complètement bouleversé. Être le jouet d'entités supérieures! C'est insupportable! Ne plus jouir de son libre arbitre! N'être plus qu'un pantin dans les mains d'étrangers! Peut-être même d'enfants étrangers! Beurk. J'ai vomi et fait des cauchemars toute la nuit. Le lendemain, j'avais retrouvé mes esprits. J'ai répondu à Vishnou: «C'est impossible. Au-dessus des dieux, il n'y a rien.»
Il a éclaté de rire.
Un rire divin.