— Du calme, du calme… , lui souffla Damon en refermant doucement les doigts sur son poignet.
Devant l’air terrorisé d’Elena, il lui caressa délicatement la main.
— Du calme, tout va bien, répéta-t-il.
— « Qu’est-ce qu’il fout là, celui-là ? » pensa-t-elle. La lumière de la pièce lui parut soudain lugubre et irréelle, comme dans le pire des cauchemars. Ce monstre allait tous les tuer !
— Elena ? Ça va ?
Sue avait posé la main sur son épaule.
— Elle a dû avaler de travers… mentit Damon en la lâchant. Mais je crois que ça va, maintenant Tu nous présentes, Sue ?
Il allait tous les tuer…
— Elena, voici Damon, euh…
— Smith, termina Damon.
Il leva son gobelet vers Elena :
— À la tienne !
— Qu’est-ce que tu fais là ? Chuchota-t-elle.
— Damon est étudiant, expliqua Sue devant le silence du garçon. Il est à la fac, en Virginie, c’est bien ça ?
— Entre autres, répondit Damon sans quitter Elena des yeux. J’aime voyager.
Elena prit enfin conscience des gens qui l’entouraient : ils ne perdaient pas une miette de leur conversation, et elle était dans l’impossibilité absolue de s’expliquer avec le jeune homme. Pourtant, leur présence lui donnait un certain sentiment de sécurité. Il ne tenterait rien devant tout le monde, du moins elle l’espérait. Faire semblant d’être des leurs semblait beaucoup l’amuser. Elle en revanche avait l’impression d’être une souris dans les griffes d’un chat.
— Il n’est ici que pour quelques jour, expliqua Sue tu rends visite a des amis. C’est ca ?
— Oui.
— Tu as de la chance de pouvoir voyager connue tu veux dit soudain Elena avec l’envie de le démasquer.
— La chance n’as pas grand-chose à voir la dedans, répondit-il.
— Tu aimes danser ?
— Et qu’est ce que tu étudies ?
— Le folklore américain. Savais tu par exemple qu’un grain de beauté dans le cou est un présage de richesse ? Ça ne te dérange pas si je regarde ?
Moi si, interrompit une voix sèche derrière Elena.
Elle n’avait entendu Stefan parler sur ce ton qu’une seule fois : lorsqu’il avait empêché Tyler de l’agresser dans le cimetière, Les doigts de Damon s’étaient figés à quelques centimètres de sa gorge. Délivrée de son attraction, elle recula.
— Tu crois vraiment que ton avis m’intéresse ? murmura Damon d’un ton mielleux qui n’augurait rien de bon.
Les deux frères se toisaient sous la lumière du lustre, tandis que les spectateurs massés autour d’eux se détectaient de la scène, Elena essayait d’analyser la situation avec plus ou moins de lucidité. « Tiens, je n’avais pas remarqué que Stefan était plus grand que Damon…
Bonnie et Meredith se demandent ce qui se passe. Stefan est fou de rage… S’il se bat avec Damon maintenant, il sera vaincu. Il est encore trop faible… »
Tout d’un coup, l’évidence s’imposa à son esprit : « Mais bien sûr ! C’est pour ça que Damon est venu : pour forcer Stefan à l’attaquer et donner à tout le monde la preuve de sa violence… si jamais il gagne. Et dans le cas où il perd… Stefan, surtout n’entre pas dans son jeu. Il est bien plus fort que toi, et il n’a qu’une idée, te tuer… »
Elle s’approcha de Stefan et lui prit la main.
— Viens, on rentre.
Mais tout son corps était tendu dans l’attente du combat, et ses yeux brillaient de haine. Elena ne l’avait jamais vu dans cet état. C’était terrifiant.
— Stefan… Stefan… , l’implora-t-elle.
Au bout d’un moment qui lui parut une éternité, il finit par prendre conscience de sa présence.
— On s’en va, murmura-t-il.
Elena l’entraîna vers la sortie en s’efforçant de ne pas se retourner. Elle sentait le regard de Damon comme un poignard prêt à se planter dans son dos. Celui-ci se contenta d’un dernier sarcasme.
— Et sais-tu qu’embrasser une rousse guérit les boutons de fièvre ?
Bonnie eut un rire bête qui horripila Elena.
En quittant le salon, ils croisèrent enfin leur hôte.
— Vous partez déjà ? s’exclama Alaric. Mais je n’ai même pas eu l’occasion de vous parler !
L’air de chien battu de leur professeur remplit Elena de culpabilité : elle abandonnait Alaric et ses invités à un monstre redoutable. Elle espérait seulement que Damon ne se déciderait pas à passer à l’attaque tout de suite. Il prendrait peut-être plaisir à faire durer son petit jeu… pour l’instant, elle devait fuir au plus vite avec Stefan avant que celui-ci ne change d’avis.
— Je suis désolée, je ne me sens pas très bien, improvisa-t-elle en attrapant son sac sur le canapé.
Elle serra fermement le bras de Stefan, craignant de le voir faire demi-tour.
— C’est moi qui suis désolé, dit Alaric. Au revoir.
Sur le seuil, elle remarqua un bout de papier violet qui dépassait de la poche latérale de son sac. Elle le déplia machinalement, l’esprit ailleurs.
Il y avait un message. Une écriture nette, vigoureuse… , et inconnue. Juste trois lignes. Elle les lut, et l’univers bascula.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Stefan.
— Rien, répondit-elle en fourrant le mot dans sa poche. Viens, on y va.
Ils sortirent sous une pluie battante.
7.
— La prochaine fois, je ne me défilerai pas, déclara froidement Stefan en démarrant.
Elena s’efforça de garder son calme. Les propos du jeune homme la terrifiaient, mais elle n’avait plus le courage de lui faire entendre raison.
— Quand je pense qu’il a osé apparaître dans cette maison, au milieu de gens ordinaires… s’indigna-t-elle. Il n’avait pas le droit !
— Ah, et pourquoi ? demanda Stefan, visiblement vexé. J’y étais bien, moi…
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Mais la seule fois où je l’ai vu en public, c’était dans la Maison Hantée, il était masqué. En plus, il faisait noir. Jusque-là, il était toujours apparu dans des endroits déserts, comme le gymnase ou le cimetière…
Elena s’arrêta net en prenant conscience de sa gaffe Les mains de Stefan se crispèrent sur son volant.
— Dans le cimetière ?
— Euh, oui… tu sais, quand on s’est fait courser, Bonnie, Meredith et moi… Ça devait être Damon.
Plutôt mentir que lui rapporter les menaces de celui-ci : il irait tout droit se jeter sur son frère ! Elle devait à tout prix les empêcher de s’affronter, car Stefan n’était pas de taille à remporter la lutte pour le moment. Il ne saurait jamais rien de l’épisode du cimetière, c’était juré ! Elle refusait de reproduire l’erreur de Katherine, qui les avait amenés au duel malgré elle. Il fallait être stupide, aussi, pour espérer qu’un suicide réconcilierait deux prétendants : elle n’avait fait que transformer la rivalité des deux frères en haine implacable. Et, depuis, Stefan était rongé par une culpabilité qui n’avait pas lieu d’être…
— Tu crois que quelqu’un l’a amené ? s’enquit-elle, désireuse de changer de sujet.
— C’est évident.
— Alors, c’est vrai que… les êtres comme vous doivent être invités pour entrer quelque part ? Pourtant, Damon a pénétré dans le gymnase sans l’être.
— Parce que ce n’est pas un lieu d’habitation. Pour entrer dans un endroit où les humains mangent et dorment, comme une maison, une tente, ou un appartement, nous devons y être conviés. C’est l’unique condition.
— Ce n’est pourtant pas ce que j’ai fait, le soir où tu m’as raccompagnée chez moi.