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Lorsqu’elles arrivèrent au lycée, Elena découvrit un autre papier violet punaisé sur le tableau d’affichage. Elle aurait dû s’en douter : ça ne suffisait pas au voleur de lui prouver que ses pensées n’avaient plus rien d’intime. Il voulait l’humilier en public.

Elle arracha violemment le message du panneau et le parcourut.

J’ai l’impression que quelqu’un lui a fait beaucoup de mal et qu’il ne s’en est jamais vraiment remis. Mais il doit aussi avoir un secret qu’il veut à tout prix garder pour lui, et qu’il a peur que je découvre.

Elle froissa rageusement le papier et s’élança dans le couloir.

— Elena, qu’est-ce qui t’arrive ? Reviens ! s’exclama Meredith, qui la suivit en courant, avec Bonnie, jusqu’aux toilettes.

Elles y trouvèrent leur amie faisant des confettis avec le message au-dessus d’une corbeille.

Les deux filles échangèrent un regard entendu et se mirent à inspecter les lieux, à la recherche d’oreilles indiscrètes. Meredith tambourina à la seule porte close :

— Sors de là immédiatement ! Priorité aux Terminales !

Après un moment d’agitation à l’intérieur, une collégienne effarée apparut.

— Mais, je n’ai même pas…

— Dehors ! ordonna Bonnie. Et toi, lança-t-elle à une fille qui se lavait les mains, tu vas garder la porte !

— Mais pourquoi ? Qu’est-ce que vous…

— Magne-toi ! Si quelqu’un entre, tu auras affaire à nous !

La porte refermée, elles se tournèrent vers Elena, qui oscillait entre le rire et les larmes.

— C’est un hold-up ! continua Bonnie. Allez donne-nous ça !

Elena déchira le dernier petit bout de papier. Elle aurait voulu tout leur dire, mais c’était impossible. Elle leur raconta juste l’affaire du journal. Meredith et Bonnie furent indignées.

— Le voleur était forcément à la soirée, affirma Meredith. Mais avec tout ce monde, difficile de le démasquer. Je ne me rappelle pas avoir vu quelqu’un de louche près de ton sac…

— Quel est l’intérêt de faire un truc pareil ? Intervint Bonnie. À moins que… Dis donc, Elena, la nuit où ou a retrouvé Stefan, tu croyais savoir qui était l’assassin…

— Je ne crois pas savoir, je sais. Par contre, j’ignore s’il y a un lien entre les meurtres et le vol de mon journal C’est juste une hypothèse.

— Mais si c’est le cas, ça veut dire que l’assassin est un élève du lycée ! s’exclama Bonnie, horrifiée.

Elena fit un signe de tête négatif.

— Mais si il insista son amie. Hier soir, à la fête, il n’y avait que des terminales… à part Alaric et le mec en noir.

Les traits de son visage s’affaissèrent brusquement.

— Alaric n’a pas tué Tanner ! Continua Bonnie. Il n’était même pas à Fell’s Church quand c’est arrivé !

— Je sais. Ce n’est pas lui. Elena ne pouvait plus se taire.

— C’est Damon, lâcha-t-elle.

— Quoi ? C’est lui l’assassin ? Le beau mec qui m’a embrassée ? hurla Bonnie au comble de l’hystérie.

— Bonnie, calme-toi, ordonna Elena. Oui, c’est lui l’assassin, et nous devons toutes les trois nous méfier de lui. Voilà pourquoi je préfère tout vous raconter. Surtout, ne l’invitez jamais chez vous. Jamais, compris ?

Ses deux amies la dévisageaient d’un air dubitatif. L’espace d’un instant, Elena eut l’horrible impression qu’elles la prenaient pour une folle. Mais Meredith finit par demander d’une voix posée :

— Tu es sûre ?

— Absolument. C’est lui l’auteur des crimes, c’est lui qui a jeté Stefan au fond du puits… et je meurs de trouille qu’il s’en prenne un jour à l’une d’entre nous.

— Eh bien, je comprends pourquoi vous étiez si pressés de partir, Stefan et toi, commenta Meredith.

En entrant dans la cafétéria, Elena fut accueillie par le sourire mauvais de Caroline. Elle fit mine de ne pas la voir. D’ailleurs, son attention fut aussitôt attirée par la présence inattendue de Vickie Bennett.

Celle-ci n’était pas revenue au lycée depuis son agression. Elle était, paraît-il, suivie par plusieurs psychiatres qui lui avaient fait essayer différents traitements.

Pourtant, elle n’avait pas l’air folle. Juste pâle et amorphe. En passant devant elle, Elena croisa son regard effarouché.

La jeune fille rejoignit Bonnie et Meredith. Leur table était vide. Ça lui fit tout drôle : d’habitude, on se battait pour lui tenir compagnie !

— Nous allons reprendre notre conversation de ce matin, attaqua aussitôt Meredith. Va te chercher à manger après on réfléchira à une solution pour coincer Damon.

— Je n’ai pas faim, répondit Elena. De toute façon il n’y a rien à faire contre lui. La police ne nous serai d’aucune aide : c’est pour ça que je ne l’ai pas dénoncé On a aucune preuve, et ils ne croiraient jamais que… Bonnie, tu m’écoutes ?

— Il se passe un truc bizarre, là-bas, fit celle-ci, les yeux par-dessus l’épaule d’Elena.

Vickie se tenait au milieu de la cafétéria, le sourire aux lèvres, jetant des regards aguicheurs à la ronde.

— C’est vrai qu’elle a pas l’air dans son assiette, la pauvre, commenta Meredith, mais de là à dire qu’elle est bizarre… Quoique…

Vickie déboutonnait son gilet avec de petites chiquenaudes maniérées sans rien perdre de son expression racoleuse. Le dernier bouton défait, elle fit langoureusement glisser ses manches l’une après l’autre.

— … Finalement, t’as peut-être raison… , acheva Meredith, sidérée.

Les autres élèves semblaient partager sa stupeur, et lorsque Vickie se mit à enlever ses chaussures, certains s’arrêtèrent pour contempler la scène. Elle effectua cette cérémonie avec beaucoup de grâce, coinçant le talon de la première avec la pointe de l’autre pour s’en débarrasser d’un élégant petit coup de pied.

— Elle ne va quand même pas se foutre à poil… , murmura Bonnie tandis que Vickie posait les doigts sur les boutons nacrés de son chemisier.

Elle commençait à faire sensation. Un petit attroupement s’était formé devant elle, et les élèves se poussaient du coude en s’esclaffant. Le vêtement tomba sur le carrelage, dévoilant un caraco blanc orné de dentelle. Presque tout le monde avait interrompu son repas pour venir grossir le groupe de spectateurs. Au milieu des chuchotements et des rires étouffés, Vickie défit sa jupe, qui atterrit par terre. Au fond de la salle, un garçon se leva, hilare.

— À poil ! À poil ! Scanda-t-il, aussitôt imité par d’autres.

— Il faut l’arrêter ! Fulmina Bonnie.

Elena se décida. Cette fois, Vickie ne se mit pas à hurler à son approche ; au contraire, elle lui adressa un sourire complice en lui murmurant quelque chose. Mais Elena n’entendit rien à cause du brouhaha.

— Viens, Vickie, on s’en va.

Comme sa camarade, sourde à ses paroles, s’apprêtait à ôter son dernier vêtement, Elena ramassa le gilet et l’en enveloppa. Au contact de ses mains sur ses épaules, Vickie eut un violent sursaut. Elle posa alors les yeux sur les spectateurs, puis les abaissa sur sa tenue avec une expression horrifiée, et recula d’un pas chancelant en étreignant son gilet. Les effusions de l’assemblée s’arrêtèrent net.

— Tout va bien, lui dit Elena. Viens.

Au son de sa voix, Vickie sursauta comme si elle avait reçu une décharge électrique. Elle fixait Elena d’un air terrorisé.

— Tu es l’une des leurs ! Explosa-t-elle soudain. Je t’ai vue… Suppôt de Satan !

Elle s’enfuit à toutes jambes sans prendre la peine de se rhabiller, sous le regard interloqué d’Elena.