Sa voix se fit chaude et caressante.
— Et puis, ce ne sera pas la première fois… Tu ne te souviens pas…
— Plutôt me trancher la gorge !
— Quelle idée délicieuse… Mais ça manque un peu de délicatesse. Je connais un moyen tellement plus agréable de faire couler ton sang…
Elena n’était pas disposée à supporter ses railleries.
— Tu me donnes envie de vomir, Damon. Plutôt crever que de t’obéir !
Elle n’aurait su dire ce qui la poussait. Quand elle était face à Damon, une sorte d’instinct prenait possessions d’elle. Et à cet instant, il lui disait qu’elle devait lui échapper coute que coute. Damon savourait d’un air détendu le tour pris par son petit jeu. Tout en gardant un œil sur lui, elle calculait la distance entre le bord du toit et le balcon.
— Plutôt sauter ! Termina-t-elle en joignant le geste à la parole.
Damon, qui n’était pas sur ses gardes, n’eut pas le réflexe assez rapide : Elena tomba dans le vide. Elle se rendit compte aussitôt que le balcon était beaucoup en retrait qu’elle ne le croyait. Elle allait s’écraser sur la terrasse en contrebas.
C’était sans compter sur Damon : sa main jaillit comme un éclair pour attraper juste à temps celle d’Elena. La jeune fille resta un bon moment suspendue dans les airs puis agrippa d’une main le bord du toit et tenta d’y mettre un genou.
— Petite sotte ! Lui lança-t-il, d’une voix furieuse. Si tu es pressé de mourir, je peux m’en charger moi-même !
Lâche-moi siffla Elena.
Elle espérait que quelqu’un finirait par sortir sur le balcon alerté par le bruit.
— C’est vraiment ce que tu veux ?
Elle lut dans son regard qu’il était on ne peut plus sérieux : si elle approuvait, il la lâcherait.
— Ce serait le moyen le plus rapide d’en finir avec toute cette histoire, non ? répliqua-t-elle, morte de peur de sa bravade.
— Mais un tel gâchis…
Il la souleva aussi facilement qu’une plume pour lui faire regagner le toit. Ses bras se refermèrent sur elle, et il la pressa contre lui. Elena ne voyait plus rien. Soudain, elle sentit les muscles de Damon se tendre : il s’élançait dans les airs avec elle.
Ils étaient dans le vide. Malgré elle, Elena s’accrocha à lui comme à une bouée de sauvetage. Il toucha le sol avec la souplesse d’un félin sans qu’elle sentît le moindre choc. Stefan lui avait déjà fait le coup. En revanche, il ne l’avait pas tenue si près de lui, comme Damon à ce moment-là. Ses lèvres effleuraient les siennes.
— Réfléchis à ma proposition, lui suggéra le jeune homme.
Elena était incapable du moindre mouvement, et encore moins de détourner les yeux. Cette fois, les pouvoirs de Damon n’étaient pas en cause. L’attirance involontaire qu’elle avait toujours éprouvée pour lui refaisait surface.
— Je n’ai pas besoin de ton aide, répondit-elle froidement.
Elle crut un instant qu’il allait l’embrasser. Au-dessus de leurs tètes, la porte-fenêtre s’ouvrit :
— Qui est là ? fit une voix furieuse.
— Tu ne peux pas nier que je t’ai rendu un fier service, Murmura Damon. La prochaine fois, je viendrai chercher mon dû.
Elena ne pouvait toujours pas détacher son regard du sien. S’il l’avait embrassée, elle l’aurait laissé faire.
Soudain, l’étau de ses bras se desserra, et le visage de Damon se brouilla, englouti par l’obscurité. Des ailes noires se déployèrent sinistrement, et un immense corbeau disparut dans la nuit. Un projectile provenant du balcon le manqua de peu.
— Sales bestioles ! grommela M Forbes. Ils ont dû faire leur nid sur le toit.
Elena se tapit dans un coin, les bras serrés autour d’elle, et attendit de le voir rentrer.
Elle retrouva Bonnie et Meredith près du portail, où elles s’étaient cachées.
— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? chuchota Bonnie. On a cru que tu t’étais fait prendre !
— Ça a failli. J’ai dû rester cachée jusqu’à ce que la voie soit libre, répondit Elena. Allez, on rentre !
Les mensonges lui venaient tout naturellement à présent Elle avait tellement pris l’habitude…
— On n’a plus que deux semaines avant la commémoration, fit remarquer Meredith au moment de se séparer.
— Je sais, répliqua Elena.
La proposition de Damon effleura son esprit. Mais elle la chassa aussitôt.
— Je vais trouver quelque chose, affirma-t-elle d’un ton faussement assuré.
Le lendemain, elle n’avait toujours pas de plan. Le seul point positif, c’était que l’attitude de Caroline n’avait pas changé ! Apparemment, elle n’avait rien remarqué d’anormal dans sa chambre. Tout le reste était déprimant. Le matin, le proviseur, avait annoncé à l’ensemble du lycée qu’Elena avait été choisit pour représenter « l’esprit de Fell’s Church », Caroline avait arboré un sourire mauvais tout au long du discours. Elena avait fait de son mieux pour l’ignorer, de même que les remarques désobligeantes qui avait fusé juste après. Elle mourait d’envie de se jeter sur tout ces abrutis pour leurs faire rentrer leurs sarcasmes dans la gorge.
Cet après-midi la, alors qu’elle attendait devant la salle d’histoire, Tyler et son ami Dick firent leur apparition. Son agresseur lui avait à peine adressé la parole depuis son retour au lycée. Elena avait remarqué son air triomphant pendant le discours du proviseur. Voyant la jeune fille seule, il poussa Dick du coude.
— Qu’est-ce qu’elle fait la tu crois ? Le trottoir ?
Elena jeta des coups d’œil désespéré autour d’elle. Stefan ne devait pas encore être sorti de son cours d’astronomie, de l’autre côté de l’établissement.
Mais la réplique de Dick se figea dans sa gorge : son regard fixait quelque chose derrière Elena. Elle se retourna et découvrit Vickie.
Dick et elle avait commencé à sortir ensemble avant le bal lycée. Elena supposait que c’était toujours le cas. Pourtant le garçon n’avait l’air très à l’aise. Il faut dire que l’attitude de Vickie avait de quoi le déconcerter : les yeux perdus dans le vague, elle donnait l’impression d’avancer sur un nuage.
— Salut fit Dick d’un air timide.
Vickie passa devant oui sans lui se dirigea droit sur Tyler. Elena aurait du se réjouir de la scène. Pourtant, elle y assista avec un malaise croissant. Vickie posa une main sur le torse de Tyler, qui essayait de se donner une contenance en souriant bêtement. Quand elle glissa sa paume dans son blouson, son air joyeux disparut. Et lorsqu’elle y ajouta l’autre main, il lança un regard désemparé à Dick.
— Eh, Vickie, du calme ! tenta celui-ci sans grande conviction.
Elle repoussa brusquement le blouson des épaules de Tyler, dont les bras encombrés de livres l’empêchaient de se défendre. Vickie en profita pour le plaquer contre le mur et glisser ses doigts sous sa chemise.
— Qu’est-ce qu’il lui prend, à cette tarée ? Arrête-la ! lança-t-il à Dick.
— Vickie, lâche-le.
Dick resta néanmoins à une distance respectable de Tyler et le foudroya du regard. Lorsqu’il essaya de repousser Vickie, un bruit étrange retentit. Un grognement sourd qui allait en s’amplifiant. Les yeux de Tyler s’écarquillèrent. Quant à Elena, elle en avait la chair de poule. Elle comprit très vite de quoi il s’agissait. C’était Vickie qui grondait.
Soudain tout se précipita : Tyler se retrouva à terre, essayant d’échapper aux mâchoires de Vickie, qui tentait d’atteindre sa gorge. Oubliant tout ses griefs, Elena se précipita avec Dick pour tenter de les séparer. Alaric alarmé les hurlements de la victime, sortit en toute hâte de la salle.
— Surtout ne lui faites pas de mal ! C’est une crise d’épilepsie. Il faut l’allonger !