Il avait plongé dans la mêlée. Les dents de Vickie manquèrent de peu sa main. Toute menue qu’elle était, elle se débattait avec une rage féroce : ils ne pourraient pas la maîtriser bien longtemps. Heureusement, une voix familière retentit :
— Vickie, calme-toi. Détends-toi, ça va aller.
Stefan avait saisit le bras de la jeune fille tout en la berçant de paroles rassurantes. Sa stratégie semblait marcher : les doigts de celle-ci se détendirent, et Elena prit le risque de la lâcher. Enfin, ils purent libérer Tyler de son étreinte. Vickie se laissa aller, les yeux fermés, au son de la voix de Stefan.
— C’est bien. Maintenant, tu vas dormir. Tu en as besoin.
Contrairement à ses attentes, Vickie ouvrit soudain les paupières. Ses yeux de démente lançaient des éclairs, et elle se remit à grogner en se débattant de plus belle. Ils durent se mettre à six pour la maîtriser tandis qu’un autre appelait la police. Elena tenta en vain de faire entendre raison à Vickie.
Lorsque les gendarmes arrivèrent, elle prit enfin conscience de la foule qui s’était attroupée autour d’eux : Bonnie et Caroline se trouvaient au premier rang.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda son amie pendant qu’on emmenait Vickie.
— Je ne sais pas répondit Elena en remettant de l’ordre dans ses cheveux. Elle est devenue hystérique et à cherché à déshabiller Tyler.
— Effectivement elle doit-être complètement folle pour vouloir faire un truc pareil, fit remarquer Bonnie avec un sourire moqueur en direction de Caroline.
Elena avait les jambes en coton et les mains tremblantes. Elle sentit un bras lui entourer les épaules et se laissa aller avec soulagement contre Stefan.
— M’étonnerait que ce soit une crise d’épilepsie, lui confia-t-elle à mi-voix.
Stefan suivait des yeux le petit groupe qui emmenait Vickie. Apparemment, Alaric avait décidé de les accompagner pour leur faire profiter de ses recommandations.
— J’en conclus qu’on n’a pas cours d’histoire, déclara Stefan. Viens, on s’en va.
Le trajet jusqu’à la pension fut silencieux. Elena ne se décida à parler qu’une fois dans sa chambre.
— Stefan, qu’est-ce qui arrive à Vickie ?
— Je me posais la même question. À mon avis, quelqu’un la manipule.
— Tu veux dire que Damon… Oh non ! j’aurais du lui donner de la verveine !
Elle se dirigeait déjà vers l’escalier, prête à aider Vickie.
— Ça n’aurait rien changé, crois-moi, lui assura Stefan, en lui attrapant le poignet.
— Certaines personnes sont plus influençables que d’autres, et Vickie en fait partie. Elle lui appartient maintenant On n’y peut rien.
Elena se rassit, abasourdie.
— Alors, elle va devenir comme Damon et toi ?
— Ça dépend, répondit-il d’une voix morne. Même s’il lui a pris beaucoup de sang, ça ne suffit pas. Pour qu’elle se transforme, il faut aussi que celui de mon frère coule dans ses veines. Dans le cas contraire, elle risque de finir comme Tanner.
Elena poussa un grand soupir. Il lui restait une question à poser à Stefan :
— Tout à l’heure, tu as utilisé tes pouvoirs sur Vickie pour tenter de la calmer, pas vrai ?
— Oui !
— Et pourtant, ça n’a pas marché très longtemps : elle s’est vite remise à se débattre… Ce que je me demande c’est. … si tes pouvoirs sont revenus.
Le silence de Stefan était éloquent.
— Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? Continua Elena tout en cherchant à croiser son regard. Qu’est-ce qui se passe ?
— Il me faut un peu de temps pour me remettre, c’est tout. Ne t’inquiète pas.
— Mais si, je m’inquiète ! Je peux t’aider, moi !
— Non, répondit Stefan en baissant les yeux.
Elena voulut lui prendre les mains.
— Stefan, écoute.
— Elena, non. C’est dangereux pour nous deux. Et surtout pour toi. Ça pourrait te tuer, ou pire…
— Seulement si tu ne parviens pas à te contrôler, objecta-t-elle avec animation. Mais ça n’arrivera pas. Embrasse-moi !
— Non !
Il se radoucit aussitôt :
— J’irai chasser dès la tombée de la nuit.
— Mais ce n’est pas pareil, tu le sais bien. Je t’en supplie, j’en ai envie. Et toi aussi.
Il se leva, les poings serrés, en lui tournant le dos, tandis que la jeune fille s’obstinait à vouloir le persuader.
— Qu’est-ce qui t’en empêche, Stefan ? Fais-le pour moi ! J’ai tellement besoin…
Elle laissa sa phrase en suspens, à la recherche des mots qui pourraient le mieux exprimer ses sentiments. Elle aurait voulu lui expliquer à quel point elle désirait la communion de leurs deux êtres : elle espérait ainsi effacer son rêve et les bras de Damon autour d’elle.
— … tellement besoin… qu’on se retrouve, finit-elle par murmurer.
Stefan secouait la tête avec obstination.
— Bon… J’ai compris… , chuchota Elena en essayant de cacher son amertume. Tant pis.
Mais ce qui la dominait à cet instant, c’était la peur. Elle tremblait pour Stefan, vulnérable, sans ses pouvoirs, au point d’être à la merci de n’importe quel citoyen ordinaire. Et aussi un peu pour elle, en pensant qu’il ne pourrait plus la défendre.
12.
Elena tendait une main vers une conserve, sur le rayon du magasin.
— De la sauce de canneberge ? Thanksgiving n’est pourtant que la semaine prochaine !
Elle se retourna.
— Salut Matt ! Eh oui ! Ma tante aime bien faire une répétition générale le dimanche qui précède. Tu ne te souviens pas ? Comme ça on risque moins la catastrophe.
— Comme se rendre compte un quart d’heure avant le repas qu’il manque la fameuse sauce ?
— Cinq minutes avant, corrigea Elena après regarder sa montre.
Matt s’esclaffa. Elena en fut ravie : c’était devenue tellement rares ces derniers temps ! Elle se rendit à la caisse, puis se retourna. Matt feuilletait un magazine au rayon de presse d’un air absorbé. Prise de remords, elle revint vers lui et lança une chiquenaude à son magazine.
— T’as quelque chose de prévu, ce soir ? Tu pourrais venir dîner à la maison… Bonnie sera là. Elle m’attend d’ailleurs dans la voiture. Robert vient aussi, bien sûr.
— À vrai dire, j’avais prévu de manger seul : ma mère n’est pas là. Et Meredith ?
— Elle rend visite à des gens de sa famille, je crois ! Comme toujours, son amie était restée très vague sur le sujet.
— Alors, prêt à goûter la cuisine de ma tante ?
— En souvenir du bon vieux temps ?
— Plutôt… pour célébrer notre amitié, corrigea Elena avec un sourire.
La réplique ne sembla pas beaucoup plaire à Matt, qui se mit à bougonner.
Je crois que je n’ai pas le choix…
Mais le temps de poser son journal et d’accompagner Elena à la voiture, il s’était déridé.
Quand il entra dans la cuisine à sa suite, tante Judith l’accueillit chaleureusement.
— Le dîner est bientôt prêt ! annonça-t-elle, Robert vient d’arriver. Allez-vous installer dans la salle à manger. Oh, Elena, va donc chercher une autre chaise ! Avec Matt on sera sept.
— Non, six, affirma Elena. Robert et toi, Margaret et moi, Bonnie et Matt et moi.
— Robert à amené un invité, ils sont déjà attablés.
Le déclic se fit dans l’esprit de la jeune fille à l’instant où elle poussait la porte. Il était trop tard pour reculer…
Robert l’air tout content, était occupé à ouvrir une bouteille de vin. À l’autre extrémité de la table, derrière les candélabres, se tenait Damon. Elena s’était arrêtée net, si bien que Bonnie, qui la suivait de prêt, lui rentra dedans. Même si elle s’y était préparée, le choc l’avait plongé dans la plus grande confusion. Mais elle n’avait d’autre choix que d’avancer.