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— Quand Katherine est morte, j’ai cru que je ne pourrais jamais aimer quelqu’un d’autre. Je sais pourtant que c’est ce qu’elle aurait voulu. Cet anneau, c’était le symbole de mon amour pour elle, continua-t-il d’une voix hésitante. Maintenant, j’aimerais qu’il prenne une autre signification. Vu la situation, je n’ai pas vraiment te droit de te demander ça, mais…

Stefan se méprit sur le silence d’Elena, restée sans voix. La lueur d’espoir s’éteignit dans ses yeux. Tu as raison, c’est impossible. Il y a bien d’autres obstacles… Quelqu’un comme moi ne peut pas te proposer de…

— Stefan…

— … alors, fais comme si je n’avais rien dit.

— Stefan, regarde-moi !

Il leva lentement les yeux vers elle, et son désespoir s’évanouit en un instant. Elena tendait la main vers lui dans un geste qui ôta toute hésitation : il lui passa l’anneau au doigt. On aurait dit qu’il avait été fait pour elle.

— Il faudra garder ça pour nous un bout de temps, murmura Elena, la voix chargée d’émotion. Tante Judith aura une attaque si elle apprend qu’on s’est fiancés. L’été prochain, je m’inscrirai à la fac, et elle n’aura plus son mot à dire.

— Elena, tu es sûre de toi ? Ça ne sera pas facile de vivre avec moi… Malgré tous mes efforts, je suis différent de toi. Tu peux encore changer d’avis…

— Je ne changerai jamais d’avis… à moins que tu ne m’aimes plus !

Stefan l’étreignit avec fougue, et elle s’abandonna dans ses bras. Mais il restait encore une ombre au tableau.

— Qu’est-ce qu’on fera si leur plan marche demain ? Demanda Elena.

— On peut encore les en empêcher, je trouverais un moyen de récupérer ton journal. Et même si je n’y arrive pas, je ne les laisserai pas me chasser comme ça. Je me battrai.

— Mais si tu es blessé… ou pire, je ne le supporterai pas.

— Fais-moi confiance. Il doit y avoir une solution. De toute façon … Rien ne pourra nous séparer.

Vendredi 29 novembre

Je n’arrive pas à dormir : Comme d’habitude, d’ailleurs.

Demain c’est le jour J. On a mis Meredith et Bonnie dans le coup ! Le plan de Stefan est d’une simplicité enfantine comme la lecture des poèmes vient en dernier, Caroline sera obligée de planquer mon journal quelque part pendant la cérémonie. On va la filer dès l’instant où elle sort de chez elle jusqu’à ce qu’elle monte sur scène ! on verra où elle l’aura caché. Et là, hop, on le récupère.

C’est un plan infaillible : on sera tous en costumes du XXᵉ siècle, et Mme Grimesby, qui nous sert d’habilleuse, ne veut pas qu’on garde d’affaires personnelles. Pas de blouson, pas de sac… et pas de journal intime. Caroline sera donc forcée de s’en séparer. On va la surveiller à tour de rôle : Bonnie montera la garde devant sa maison pour nous dire ce qu’elle portera en partant. Je prendrai la relève chez Mme Grimesby pendant l’habillage. Et lors du défilé, Stefan et Meredith s’arrangeront pour entrer chez elle, ou pour forcer la voiture de ses parents, si le journal si trouve. Ce plan ne peut pas échouer. Je suis tellement soulagé ! J’ai bien fait de parler de ça à Stefan. Je ne lui cacherais plus jamais rien maintenant !

Demain, je mettrais sa bague. Si Mme Grimesby, veut me la faire enlever sous prétexte, qu’elle est anachronique, je lui dirais qu’elle remonte à la Renaissance ! Elle va en faire une tête !

Je vais essayer de dormir maintenant. En espérant que je ne rêve pas…

14.

Bonnie transie de froid, montait la garde devant la maison de Caroline. Il avait gelé la nuit précédente et les premiers rayons du soleil avaient du mal à percer à travers le ciel brumeux.

Elle battait la semelle pour se réchauffer lorsque la porte des Forbes s’ouvrit Bonnie plongea aussitôt derrière te buisson qui lui servait de cachette : la famille au grand complet se dirigeait vers la voiture. M. Forbes emportait un appareil photo ; sa femme, son sac à main et un pliant ; Daniel le frère cadet de Caroline, un autre siège. Quand à Caroline…

Bonnie jeta un nouveau coup d’œil, et étouffa une expression de triomphe. Vêtue d’un jean et d’un gros pull de laine, elle tenait à ta main un petit sac blanc fermé par un cordon. Il était assez grand pour contenir un journal.

Bonnie en oublia le froid. Elle attendit que la voiture disparaisse pour se hâter vers le lieu du rendez-vous à quelques rues de là.

— La voilà ! dit Elena.

Tante Judith se gara le long du trottoir pour permette à Bonnie de se glisser sur la banquette arrière, à côté de son amie.

— Elle a un sac blanc, lui murmura-t-elle à l’oreille tandis que la voiture démarrait.

Elena lui pressa la main, tout excitée.

— Génial ! Il faut qu’on vérifie si elle l’emporte chez Mme Grimesby. Dans le cas contraire, dis à Meredith de fouiller la voiture.

Bonnie lui fit un signe approbatif.

Quand elles arrivèrent devant la maison de l’habilleuse, elles aperçurent Caroline s’y engouffrer, le fameux sac à la main. Elles échangèrent un regard entendu : c’était à Elena de jouer !

— Je descends aussi, annonça Bonnie à tante Judith.

Elle attendrait dehors avec Meredith jusqu’à ce qu’Elena vienne leur dire où se trouvait le journal.

Mme Grimesby vint leur ouvrir. Elle ne jouait à l’habilleuse que pour la circonstance. En réalité, c’était la bibliothécaire de Fell’s Church et les deux amies ne furent pas étonnées de découvrir en entrant des montagnes de livres un peu partout. La maison abritait gaiement la petite collection d’objets historiques de la ville, dont plusieurs costumes d’époque sur lesquels elle veillait jalousement.

L’étage résonnait de voix d’enfants en train de s’habiller. Sans même avoir à le demander, Elena fut conduite dans la pièce où Caroline se préparait. Celle-ci, assise à la coiffeuse en sous-vêtements de dentelle, lui décocha un regard mauvais, pour prendre ensuite un air faussement détaché.

Mme Grimesby alla chercher un vêtement sur le lit.

— Tiens, Elena. Je t’ai réservé notre plus belle pièce. Elle est d’époque, même les rubans, et elle est en excellent état. Cette robe aurait appartenu à Honoria Fell.

— Elle est magnifique, reconnut Elena tandis que la bibliothécaire en secouait les délicats jupons blancs. C’est quoi comme tissu ?

— Mousseline et gaze de soie. Et comme il ne fait pas chaud, tu mettras ça par-dessus, ajouta son interlocutrice en désignant une veste de velours vieux rose.

Elena glissa un regard à Caroline en se changeant. Le sac était là, à ses pieds. Si seulement Mme Grimesby se décidait à quitter la pièce ! Elle pourrait mettre la main dessus…

Au lieu de cela, Elena fut conduite devant le miroir. La robe était d’une grande simplicité, sobrement ornée de rubans roses, l’un qui ceinturait la poitrine, les autres nouant les manches bouffantes au niveau des coudes.

— Elle a vraiment appartenu à Honoria Fell ? demanda Elena en songeant, avec un frisson, au gisant de marbre.

— Parfaitement : elle l’évoque dans son journal intime !

— Elle tenait un journal ? s’étonna la jeune fille.

— Oui Je le garde précieusement dans une vitrine du salon. Je te le montrerai ai sortant, si tu veux. Et maintenant, la veste… tiens, qu’est-ce que c’est !

Un bout de papier violet s’était échappé du vêtement Le cœur d’Elena fit un bond. Elle se précipita pour le ramasser. Le message ne comportait qu’une seule phrase. Elle se rappelait l’avoir écrite dans son journal le 4 septembre, le jour de la rentrée. Sauf qu’elle l’avait barrée. Mais sur le billet, elle était intacte et s’étalait en grandes lettres majuscules :