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— Ce que je m’apprête à vous lire aborde l’histoire actuelle de Fell’s Church, et non ce qui s’y est passé au XIXe siècle, expliqua-t-elle avec jubilation. Ça concerne quelqu’un qui vit parmi nous. Quelqu’un qui se trouve dans cette salle en ce moment.

Tyler avait dû lui écrire le texte : le style n’était pas sans rappeler le discours haineux qu’il eut tenu contre Stefan peu après la mort de M. Tanner.

Caroline plongea alors la main dans son sac sous regard tétanisé d’Elena.

— Vous allez vite comprendre, poursuivit-elle d’une joie sadique.

Elle sortit un petit livre à couverture de velours et le brandit d’un geste triomphant.

— Je crois que ceci expliquera les événements tragiques qui se sont produits dernièrement.

Elle observa un instant le public fasciné avant de poser les yeux sur le livre. Elena fut prise d’un tel vertige qu’elle faillit s’écrouler par terre. Des étoiles dansaient devant elle. Néanmoins, elle fit un effort gigantesque pour garder son attention fixée sur Caroline. Soudain, un détail attira son regard. C’était sûrement sa vue qui lui jouait un tour. Les spots et les flashes avaient dû l’éblouir, et l’état dans lequel elle se trouvait n’arrangeait rien. Le journal lui paraissait non pas bleu, mais vert. « Je deviens folle… ou je nage en plein rêve… ou bien c’est une illusion d’optique à cause des lumières », songea-t-elle. Mais la tête que faisait Caroline lui assura qu’elle ne se trompait pas.

Celle-ci contemplait le livre d’un air ébahi. Elle en avait complètement oublié le public. En proie à une agitation croissante, elle tourna et retourna l’objet entre ses mains, puis fouilla son sac avec fébrilité. En désespoir de cause, elle jeta des regards affolés par terre, comme si ce qu’elle cherchait avait pu tomber à son insu. Des murmures impatients s’élevèrent de l’assistance. Le maire et le proviseur échangèrent des froncements de sourcils.

Caroline fixa de nouveau son carnet, mais, cette fois, on aurait dit qu’elle tenait un scorpion entre les mains. Elle l’ouvrit d’un geste brusque, sans doute dans l’espoir d’y trouver le texte d’Elena. En vain.

Caroline affronta enfin tes regards rivés sur Elle. Soudain, elle pivota sur ses talons hauts en poussant un cri de rage et quitta la scène comme une furie, balançant au passage le livre en direction d’Elena.

Celle-ci flottait sur un nuage. Elle se baissa pour ramasser le projectile qu’elle avait évité de justesse. Le journal de Caroline.

L’agitation était à son comble dans la salle. Elena chercha Stefan des yeux : il semblait aussi sidéré qu’elle, et extrêmement soulagé. C’était un vrai miracle !

Soudain une autre tête brune attira son attention. Damon ! Nonchalamment adossé contre un mur, il soutenait son regard, son habituel et détestable un petit sourire aux lèvres.

Le maire ne laissa pas à Elena le temps de se remettre ; il la poussa vers le micro, tentant inutilement de rétablir le silence. Elle s’efforça de se faire entendre au milieu du brouhaha général. Mais son poème n’intéressa personne. Sa lecture fut conclue par de maigres applaudissements, le maire vint annoncer la suite des festivités. Enfin Elena put enfin s’échapper. Elle se dirigea droit vers Damon sans bien savoir ce qu’elle faisait. Celui-ci disparut par la porte latérale. Elle le suivit dans la cour. Pour une fois, l’air froid lui parut délicieux, et les nuages pourtant menaçants lui semblèrent rayonner de refais argentés. Damon l’attendait Elena se planta à un mètre de lui en le dévisageant longuement.

— Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? Demanda-t-elle enfin.

— Je pensais que le comment t’intéresserait davantage, répliqua-t-il en tapotant la poche de son blouson. Le hasard a voulu que je fasse une rencontre la semaine dernière, et je me suis retrouvé invité au petit déjeuner ce matin.

— Mais pourquoi ?

— Damon haussa les épaules d’un air un peu désemparé. Lui-même semblait ignorer la cause de son geste. Ou alors, il ne voulait pas l’avouer.

Les raisons ne concernent que moi, répondit-il évasivement.

— Oh que non ! répliqua violemment Elena.

Il y eut soudain de l’électricité dans l’air. Une lueur menaçante passa dans les yeux de Damon.

— N’insiste pas Elena.

Loin de lui obéir, celle-ci s’approcha de lui jusqu’à le frôler.

— J’ai pourtant très envie d’insister, lui souffla-t-elle au visage de façon provocante.

Elena ne sut jamais comment il s’apprêtait à réagir : à cet instant, une voix retentit derrière eux.

— Oh, mais vous êtes venu, finalement ! Quel plaisir de vous voir ! s’exclama tante Judith.

Elena eut l’impression de revenir brusquement sur terre. Elle cligna des yeux, toute étourdie.

— Alors, vous avez pu admirer Elena sur scène ? Tu as été très bien, ma chérie. Mais je ne sais pas ce qui a pris à Caroline. Les filles d’ici sont très étranges en ce moment… comme ensorcelées.

— Sans doute les nerfs, suggéra Damon avec une gravité feinte.

Elena faillit pouffer de rire tant elle trouva la remarque ridicule. Mais elle était surtout furieuse contre Damon. Il espérait sans doute la voir éperdue de reconnaissance ! C’était quand même lui la cause de tous leurs ennuis. Si seulement il s’était abstenu des crimes que Caroline avait tenté de mettre sur le dos de Stefan ! Aussitôt, elle chercha celui-ci des yeux et demanda :

— Où est Stefan ?

Tante Judith la regarda d’un air désapprobateur.

— Je ne l’ai pas vu.

Puis elle se tourna vers Damon avec un grand sourire.

— Et si vous veniez dîner avec nous, Damon ? Après, peut-être qu’Elena et vous…

— Arrête ! lança la jeune fille à Damon qui afficha un étonnement poli.

— Pardon ? s’indigna tante Judith.

— Tu sais très bien ce que je veux dire ! Cria Elena sans quitter Damon des yeux. Arrête ça tout de suite.

15.

— Elena, comment peux-tu être si mal élevée ! Tu as passé l’âge des enfantillages !

Sa tante Judith se mettait rarement en colère, mais, là, elle était furieuse.

— Ce ne sont pas des enfantillages ! De toute façon, tu ne peux pas comprendre…

— Je comprends, tu as réagis de la même manière l’autre jour, quand Damon est venu dîner. Tu ne crois pas qu’un invité mérite plus de considération ?

C’était mots pour mots ce qu’avait dit Damon, mais dans la bouche de sa tante ! C’était le bouquet !

— Arrête ton délire, tu ne sais même pas de quoi tu parles.

— Alors là, tu dépasses les bornes ! Explosa sa tante. Tu es devenue infernale depuis que tu sors avec ce garçon !

— C’est ça ! Ironisa Elena, en foudroyant Damon du regard.

— Exactement ! Depuis qu’il t’a tourné la tête, tu n’es plus la même. Irresponsable, cachottière… et insolente ! Son influence sur toi est désastreuse. Il est temps de faire cesser tout ça !

— Ah oui ? Fit Elena en regardant tour à tour Damon et tante Judith. Eh bien je suis désolée, mais il faudra que tu t’y fasses. Je ne laisserai jamais tonte Stefan ! Pour personne d’autre et encore moins pour toi !

Ces derniers mots s’adressaient à Damon, mais sa tante hoqueta d’indignation.

— Ça suffit ! intervint Robert, qui venait d’arriver avec Margaret. C’est comme ça que ce garçon t’encourage à parler à ta tante !

— Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ! Fit Elena qui eut soudain conscience des yeux braqués sur eux, tout autour. Mais ça lui était complètement égal. Ça faisait trop longtemps qu’elle refoulait son angoisse et sa colère… sans compter toutes les humiliations qu’elle subissait au lycée. A présent, toutes ces émotions remontaient à la surface : elle avait l’impression d’être sur le point d’exploser. Son cœur cognait comme un tambour, ses oreilles sifflaient. Elle n’avait qu’une idée en tête : remettre à leur place tous ceux qui s’acharnaient contre elle.