Stefan lui avait expliqué, que l’eau était une puissante protection, contre les forces maléfiques. Elle devait gagner la rivière. Elle fit demi-tour, en brutalisant la boîte de vitesse, et fonça à tombeau ouvert vers le pont Wickery, échappant de peu, à un nouvel assaut de la monstrueuse créature.
Les éclairs redoublèrent en nombre et en intensité. Elle parvint à éviter par miracle, les autres arbres qui s’effondrèrent devant elle. Le pont ne devait plus être très loin. Elle voyait l’eau scintiller sur la gauche. Une violente rafale de neige, vint obscurcir le pare-brise. L’action des essuie-glaces, lui permirent néanmoins d’entrevoir une structure sombre devant elle. Elle avait réussi !
Elle négocia son virage au hasard. Elle n’avait pas le choix de toute façon. La voiture dérapa sur les planches glissantes, et les roues se bloquèrent. Elena tenta de redresser le véhicule, mais elle n’y voyait rien et c’était si étroit…
Elle percuta de plein fouet le garde fou qui vola en éclats. Les planches pourries cédèrent, et après une chute qui lui sembla interminable, la Ford s’enfonça dans l’eau.
Elena poussait des hurlements sans s’en rendre compte. Très vite, les flots tumultueux se refermèrent sur la carrosserie. Les vitres cédèrent une à une, laissant pénétrer l’eau glacée dans l’habitacle.
Elena ne voyait plus rien, n’entendait plus rien. Et elle n’arrivait plus à respirer. Il lui fallait absolument de l’air… Elle ne pouvait pas mourir, c’était impossible.
« Stefan, au secours voulut-elle crier » : L’eau s’engouffra dam sa gorge, puis dans ses poumons. Elle se débattit jusqu’à l’épuisement. Ses forces l’abandonnait ses mouvements se firent désordonnés, puis des mouvements de plus en plus spasmodiques.
Enfin, tout fut fini.
Bonnie et Meredith inspectaient les abords du lycée avec une impatience croissante. Lorsqu’elles avaient vu Stefan sortir avec Tyler et ses copains, elles avaient d’abord voulu les suivre. Mais la scène d’Elena avait détourné leur attention. Matt leur avait ensuite annoncé qu’elle lui avait emprunté sa voiture. Quand elles étaient reparties à la recherche de Stefan, il n’y avait plus personne dehors.
— Et pour couronner le tout, l’orage va nous tomber dessus, bougonna Meredith. T’as vu ce vent ? On va pas tarder à recevoir une sacrée saucée !
— Ou carrément de la neige, avec ce froid, répliqua Bonnie en frissonnant. Mais où est-ce qu’ils sont passés à la fin ?
— On ferait mieux de s’abriter quelque part, suggéra Meredith avec lassitude. Tiens, qu’est-ce que je te disais !
Les gouttes glaciales se mirent à tomber. Meredith et Bonnie se précipitèrent vers le premier abri qu’elles trouvèrent une baraque de chantier, dont la porte était entrouverte. Bonnie glissa le nez dans entrebâillement, et recula aussitôt.
— Tyler et sa bande ! souffla-t-elle à Meredith. Ils barraient le passage de Stefan. Caroline se tenait dans un coin.
— C’est forcément lui qui me la piqué ! Accusait-elle.
— Piquer quoi ? fit Meredith.
Toutes les têtes se tournèrent vers la porte. Caroline fit la grimace en les voyant sur le seuil.
— Dégagez toutes les deux grogna Tyler, ou vous allez le regretter.
Meredith l’ignora royalement.
— Stefan, je voudrais te parler.
— Deux secondes. T’as entendu ? lança-t-il ensuite à Tyler. Elle t’a posé une question.
— T’inquiète, je vais y répondre, mais d’abord je vais m’occuper de ton cas, rétorqua celui-ci en frappant sa paume de son gros poing. Je vais te transformer en chair à saucisse, Salvatore.
Des ricanements s’élevèrent.
Bonnie n’avait qu’une envie : prendre ses jambes à son cou. Mais, alors qu’elle s’apprêtait à traîner Meredith vers la sortie, une voix étrange jaillie de sa gorge :
— Le pont !
Tout le monde se tourna vers elle.
— Quoi ? fit Stefan.
— Le pont répéta-t-elle malgré elle, sans pouvoir contrôler les sons qui émanaient de sa bouche.
Elle écarquillait les yeux comme si elle était en proie à une affreuse vision.
— Elena, elle est près du pont s’affola-t-elle en retrouvant sa voix habituelle. Stefan, elle est en danger. Il faut y aller, vite !
— Qu’est-ce que tu racontes ? s’étonna celui-ci.
— C’est vrai ! Elle est en train de se noyer ! Vite !
Des étoiles dansaient devant ses yeux. Ce n’était pourtant pas le moment de tomber dans les pommes.
Stefan et Meredith échangèrent un coup d’œil indécis. Soudain, Stefan força le passage, et ils s’élancèrent tous les trois vers le parking. Tyler se jeta aussitôt à leur poursuite. Mais dehors, la violence de la tempête le découragea.
— Qu’est-ce qu’elle peut bien faire dehors avec un temps pareil ? Cria Stefan en s’engouffrant dans la voiture de Meredith.
— Elle était furax, répondit celle-ci en reprenant son souffle. Matt nous a dit qu’elle avait emprunté sa voiture.
Bonnie eut à peine le temps de monter à l’arrière que Meredith faisait demi-tour sur les chapeaux de roue.
— Elle lui a dit qu’elle allait à la pension, reprit-elle en faisant face au vent.
— Non, elle est au pont ! intervint Bonnie. Plus vite, Meredith ! On va arriver trop tard…
Son visage ruisselant de larmes convainquit Meredith. Elle appuya à fond sur le champignon. La voiture, balayée par d’énormes rafales, dérapait sur la chaussée lassante. Un vrai cauchemar. Et Bonnie qui n’arrêtait pas de sangloter, les mains crispées sur le dossier du siège avant.
— Attention, à l’arbre ! hurla Stefan.
Meredith écrasa la pédale de frein. La voiture finit en crabe et s’arrêta à quelques mètres d’un énorme tronc couché en travers de la route. Ils sortiraient de la voiture et subirent aussitôt l’assaut des éléments déchaînés.
— Impossible de le déplacer, il est trop gros ! déclara Stefan. Il faut continuer à pied !
Sans blague ! songea Bonnie en escaladant tant bien que mal les branchages. Mais de l’autre côté, les rafales glacées eurent tôt fait d’engourdir son cerveau. En quelques minutes, Meredith et elle furent transformées en glaçons. Et cette route qui n’en finissait pas… Elles tentèrent d’accélérer leur marche en se soutenant, pensant pouvoir lutter plus facilement contre les coups de boutoir du vent Mais c’est à peine si elles y voyaient, et sans Stefan pour guide, elles se seraient dirigées droit dans la rivière. Bonnie était sur le point de s’effondrer de fatigue quand Stefan poussa un cri.
Meredith l’enserra davantage et elles se mirent à courir tant bien que mal. Quand elles arrivèrent enfin au pont, elles s’arrêtèrent net.
— Oh mon Dieu ! hurla Bonnie.
Un spectacle apocalyptique se jouait devant eux. Le pont Wickery n’était plus qu’un tas de décombres. Le garde-fou était arraché d’un côté, et le plancher défoncé. Au-dessous, des poutres brisées et des bouts de bois étaient ballottés en tous sens par les eaux sombres.
Et au milieu des débris, il y avait la vieille Ford de Matt. Seuls les phares de l’eau.
— N’y vas pas ! Non ! Arrête hurla Meredith à Stefan.
Il n’eut pas un coup d’œil en arrière et plongea dans les tourbillons de la rivière. Les flots se refermèrent sur lui.
Bonnie vécut l’heure qui suivit comme dans un songe, le choc et la fatigue l’avaient assommée. Elle se rappelait avoir attendu désespérément, dans la tourmente de la tempête, que Stefan émerge de l’eau. Quand, au bout d’une éternité, sa silhouette courbée était enfin apparue sur la berge, elle avait à peine réagi. En apercevant le corps sans vie qu’il tenait dans ses bras, elles n’avaient ressenti aucune horreur, seulement un immense chagrin.