Выбрать главу

« Faites qu’il s’en aille ! » songea Elena en se mordant la lèvre. Au même moment, Bonnie laissa échapper une plainte, et sa main glacée se crispa sur celle d’Elena : les pas revenaient. « Je vais me montrer, se dit Elena. C’est moi qu’il veut. Il me l’a dit. Si j’y vais, il laissera peut, être Bonnie et Meredith tranquilles. » Mais sa colère du matin était retombée : elle ne trouva pas le courage de lâcher la main de son amie.

Les pas s’arrêtèrent juste au-dessus de leurs têtes. Il y eut un silence effrayant. Puis le bruit d’une glissade.

Bonnie enfouit son visage au creux de l’épaule d’Elena, qui, folle d’angoisse, retint un gémissement impuissante, elle vit apparaître des pieds, puis des jambes.

— À quoi vous jouez ?

Dans sa panique, elle ne reconnut pas tout de suite la voix, et lorsque l’inconnu s’avança, elle faillit hurler. Une tête se pencha sous le pont. C’était Matt.

— À quoi vous jouez ? répéta-t-il, sidéré.

Bonnie releva brusquement la tête, et Meredith poussa un énorme soupir de soulagement. Elena se remit d’aplomb, les jambes flageolantes.

— Matt… , murmura-t-elle.

— Et, toi alors ? s’écria Bonnie d’une voix hystérique. Tu veux nous filer une crise cardiaque ? Qu’est-ce que tu fous là, au beau milieu de la nuit ?

Matt fixait les eaux tumultueuses en faisant tinter la monnaie dans sa poche, comme chaque fois qu’il était mal à l’aise.

— Je vous ai suivies. avoua-t-il enfin.

— Quoi ? s’indigna Elena.

Il se tourna vers elle.

— Je me suis dit que vous trouveriez sûrement un moyen de fausser compagnie à ta tante. Alors j’ai surveillé ta maison depuis ma voiture. Et je vous ai vues escalader la fenêtre…

Elena en resta sans voix. Elle était furieuse. Il avait évidemment agi ainsi pour tenir sa promesse à Stefan ; mais en l’imaginant dans sa vieille Ford, sans doute frigorifié et l’estomac vide, elle eut un pincement au cœur. Elle s’approcha du garçon, perdu de nouveau dans la contemplation de la rivière.

— Excuse-moi de t’avoir traité comme ça tout à l’heure, dit-elle doucement. Et aussi de…

Elle chercha vainement ses mots. « De tout ce que je t’ai fait », pensa-t-elle tristement.

— Et moi, je suis désolé de vous avoir filé la trouille. Mais qu’est-ce que vous faites ici ?

— Bonnie pensait que Stefan se trouvait là, confessa Elena.

— C’est faux, protesta celle-ci. Je n’arrête pas de vous affirma le contraire. Il est dans un endroit silencieux et fermé. C’est en tout cas ce que j’ai vu, dit-elle à Matt.

Il la regarda sans comprendre.

— Il y avait des rochers, continua-t-elle. Mais pas comme ceux-là.

Le jeune homme jeta un regard ahuri à Meredith.

— Bonnie a eu une vision, expliqua-t-elle.

Il fit un pas en arrière, l’air d’hésiter entre s’enfuir à toutes jambes et les emmener à l’asile le plus proche.

— C’est pas une blague, intervint Elena. Bonnie est médium… Je sais, j’ai toujours dit que je ne croyais pas ce genre de trucs, mais tout le monde peut se tromper. Ce soir, elle est entrée en contact avec… l’esprit de Stefan. Elle a vu où il se trouve, ou du moins… presque.

— Ah ! D’accord, tout s’explique… lança Matt ironiquement.

— Arrête, c’est la pure vérité ! répliqua Elena. Bonnie a capté les pensées de Stefan. Elle nous a dit des choses que lui seul pouvait savoir. Et elle a perçu l’endroit où il est pris au piège.

— Pris au piège, oui, c’est exactement ça ! reprit Bonnie. C’était pas un lieu à ciel ouvert, comme ici. Pourtant, il avait de l’eau jusqu’au cou. Et il était entouré de rochers couverts de mousse. L’eau était glacée, stagnante, et sentait mauvais.

— Qu’est-ce que t’as vu d’autre ? la pressa Elena.

— Rien. Pas la moindre lumière. Il faisait noir comme dans une tombe.

— Une tombe…

Un frisson parcourut Elena. Elle pensa à l’église en ruine et au tombeau des Fell. À la dalle de marbre déplacée.

— Mais dans une tombe, il n’y aurait pas autant froid, objecta Meredith.

— Non… » Répondit Bonnie. Mais qu’est-ce que ça pourrait être alors ? Et puis, Stefan était presque inconscient : il était faible et blessé. Il avait très soif et…

Elena s’apprêtait à faire taire Bonnie, lorsque Matt intervint.

— J’aurais bien une idée.

Les trois filles avaient presque oublié sa présence.

— Tu penses à un puits ? devina Elena.

— Exactement, approuva Matt. En tout cas, ça y ressemble.

— Qu’est-ce que t’en dis, Bonnie ? demanda Elena.

— Possible, émit Bonnie après un moment de réflexion. C’était étroit, et les rochers pourraient bien être des parois. Mais j’aurai dû voir des étoiles, ou tout du moins un peu de lumière…

— Pas s’il est fermé, reprit Matt. Il y a pas mal de puits désaffectés dans les vieilles fermes de la région. Certains sont couverts pour éviter les accidents. C’est ce que mes grands-parents ont fait.

— Mais oui, c’est sûrement ça ! approuva Elena, tout excitée.

— Exactement ! Renchérit Bonnie sur le même ton. Ça expliquerait l’impression de souterrain que j’avais.

— À ton avis, Matt, s’enquit Meredith avec son calme habituel, il y a combien de puits à Fell’s Church ?

— Plusieurs dizaines probablement. Mais assez peu de puits fermés. Si quelqu’un a jeté Stefan au fond de l’un d’eux, c’est forcément dans un endroit isolé. Une ferme abandonnée, par exemple.

— Sa voiture a été retrouvée sur cette route, fit remarquer Elena.

— Il y a la ferme des Franeher, pan loin, ici. Dit Matt.

Ils se regardèrent en silence, Il s’agissait d’un vieux bâtiment abandonné depuis presque un siècle, dont la plupart des habitants avaient oublié l’existence. Il se trouvait au milieu de la forêt, envahi par la végétation.

— Allons-y, décida Matt.

— Alors, tu nous crois maintenant ? demanda Elena en posant la main sur son bras. Il détourna les yeux.

— J’en sais rien. Mais je viens avec vous.

Bonnie monta dans la voiture du jeune homme. Meredith et Elena, après s’être engouffrées dans l’autre véhicule, les suivirent à travers les bois, dans un petit sentier qui devint vite impraticable.

— Il va falloir continuer à pied, décida Matt.

Tous descendirent, Elena se félicita d’avoir emporté une petite corde : si Stefan se trouvait dans le puits des Franeher, elle leur serait bien utile, Mais s’il n’y était pas… Elle préféra ne pas y penser.

Les branches mortes qui jonchaient l’épais sous-bois ralentissaient leur progression. L’obscurité n’arrangeait rien, et, pour achever leur gêne, des papillons de nuit leur effleuraient les joues de leurs ailes invisibles. Ils finirent par déboucher dans une clairière, où ils découvrirent les fondations de la maison en ruine, assaillie par les ronces.

Au milieu de l’amas de pierres bancales, la cheminée se dressait intacte.

— Le puits doit être quelque part derrière, suggéra Matt.

Ils se dispersèrent à sa recherche. Au bout d’un moment, Meredith les héla et ils se regroupèrent autour d’une dalle qui disparaissait presque entièrement sous les mauvaises herbes.

Matt s’accroupit pour l’examiner.

— Elle a été déplacée récemment, déclara-t-il.

Elena sentit son pouls s’accélérer.

— Il faut la soulever, dit-elle d’une voix pressante.

Matt entreprit de la faire bouger, mais elle était si lourde que les trois filles durent l’aider : à eux quatre, ils parvinrent à la déplacer de quelques centimètres en s’arcboutant. Matt eut alors l’idée de glisser une grosse branche dans l’interstice qui s’était formé pour faire levier. Il y eut enfin assez d’espace pour permettre à Elena de passer la tête. Elle scruta le fond, partagée entre espoir et désillusion.