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Non, impossible de prendre ce risque. La réalité elle-même horrifiée au point qu’elle avait cru devenir folle. Et pourtant, elle l’aimait… Alors, qu’en serait-il de ses camarades ? Et puis, il y avait le meurtre de Tanner. En découvrant la véritable nature de Stefan, ils ne croiraient plus une seule seconde à son innocence.

Elena ferma les yeux. Non, décidément, c’était beaucoup trop dangereux. Elle ne devait confier cette histoire à personne, pas même à ses meilleurs amis. Elle ne devait compter que sur elle-même.

Elle eut soudain une idée.

— Il a peur des médecins, mais peut-être qu’une infirmière l’intimidera moins, déclara-t-elle. Bonnie, est-ce que ta sœur pourrait venir ?

L’intéressée jeta un coup d’œil à sa montre.

— Cette semaine, elle est de permanence le soir… mais à cette-heure-ci, elle doit être rentrée. C’est juste que…

— Dans ce cas, Matt, tu vas aller chercher Mary avec Bonnie. Si elle juge que Stefan a besoin d’un médecin, je ne m’y opposerai pas.

Matt sembla hésiter un instant.

— Bon, d’accord, finit-il par dire. À mon avis c’est une perte de temps, mais puisque tu insistes… Viens, Bonnie, on fonce… J’espère qu’il n’y aura pas de radar sur la route.

— T’as rien à craindre avec ton épave ambulante… , railla celle-ci en lui emboîtant le pas.

Meredith, immobile près de la cheminée, dévisageait Elena avec une insistance gênante. Celle-ci s’efforça de soutenir son regard.

— Tu n’as qu’à les accompagner… suggéra-t-elle.

— Ah bon ?

Son amie ne cessait de la fixer d’un air interrogateur Pourtant, elle finit par suivre les autres.

Elena attendit que la porte d’entrée se referme pour se redresser en toute hâte la lampe sur la table de nuit et l’allumer. Elle allait enfin établir le bilan des blessures de Stefan.

Il était du même blanc cadavérique que le gisant de marbre, sur le tombeau de Thomas Fell. Les entailles qui lui zébraient les mains étaient à vif. Elle lui tourna la tête pour examiner son cou tout en palpant sa propre gorge : les blessures du jeune homme n’avaient rien de comparable avec les deux petites piqûres qu’il lui avait laissées. C’étaient des lacérations profondes qui ressemblaient à l’œuvre d’un fauve déchaîné…

Une rage noire envahit Elena. Elle n’avait jamais autant haï Damon qu’à cet instant. Il allait lui payer très cher ! La vision d’un pieu de bois frappa son esprit : avec quel plaisir elle lui en transpercerait le cœur !

Elena reporta son attention sur Stefan : il était immobile au point qu’elle le crut soudain mort.

— Stefan ! Appela-t-elle.

Elle le secoua. Il n’eut aucune réaction. Plaquant son oreille sur son torse, elle guetta les pulsations de son cœur Il battait encore, mais si faiblement…

Son regard affolé s’arrêta sur les éclats de verre qui jonchaient le sol, sous la fenêtre. Elle en ramassa. Son bord tranchant étincela à la lueur du feu : c’était une arme redoutable. Serrant les dents, elle s’en entailla le doigt.

La douleur lui arracha un cri. Mais elle n’avait pas le temps de s’attarder sur sa souffrance. Elle porta son doigt ensanglanté aux lèvres de Stefan et lui prit doucement la main. Puis, elle attendit.

Au bout de quelques minutes, la bouche du jeune homme frémit sur son doigt : elle perçut une faible tentative de succion. Sa cage thoracique se souleva légèrement Enfin, il battit des paupières et sa main pressa celle d’Elena. Celle-ci n’eut pas l’ombre d’une hésitation : elle baissa son col roulé pour dégager son cou.

— Non, protesta Stefan dans un murmure.

— On n’a pas le choix, Stefan. Les autres vont revenir avec une infirmière. J’ai été forcée d’accepter. Si tu ne te remets pas vite, elle t’enverra à l’hôpital, et là…

Elle laissa sa phrase en suspens, tant l’idée de ce que découvrirait un médecin la terrifiait.

Stefan détourna pourtant la tête.

— Non, reprit-il, trop dangereux. J’ai… déjà… trop bu… hier soir.

Hier soir… Elena avait l’impression que ça faisait un siècle.

— Mais je n’en mourrai pas ! demanda-t-elle. Hein, Stefan ? Ça ne me tuera pas ?

— Non, mais…

— Alors, il n’y a pas à hésiter !

Elena ne put s’empêcher d’admirer sa détermination. Il avait l’air d’un crève-la-faim au supplice devant un banquet, et pourtant, il continuait de protester. Décidés, il était encore plus têtu qu’elle…

— Mets-y un peu du tien, ou je serai obligée de m’ouvrir les veines…

Elle lui avait mis son doigt entaillé sous le nez eu espérant que la tentation serait la plus forte. Et en effet, Stefan, les pupilles dilatées, fixait avec convoitise la goutte de sang qui s’y était formée.

— Je… j’ai peur de… de ne pas pouvoir me maîtriser…

— Ne t’inquiète pas, chuchota Elena.

Elle se pencha au-dessus de lui et ferma les yeux. La bouche froide et desséchée de Stefan chercha contre sa gorge la morsure qu’il avait déjà faite. Lorsque ses canines s’enfoncèrent dans la chair de la jeune fille, elle s’efforça de ne pas tressaillir.

Peu à peu, la faim du jeune homme s’apaisa. Elle était si heureuse de le nourrir de son propre sang et de voir ses forces lui revenir grâce à elle !

Au bout d’un moment, Stefan tenta de la repousser sans qu’elle comprenne pourquoi.

— Ça suffit, murmura-t-il d’une voix éraillée.

Elle s’arracha à contrecœur à sa douce béatitude. Au fond des yeux verts de Stefan luisait l’avidité farouche du prédateur.

— Mais non, protesta Elena. Tu es encore faible.

— Ça suffit pour toi, insista-t-il avec une note malheureuse dans la voix. Si je continue, je risque de te transformer… Éloigne-toi immédiatement !

Elena s’écarta aussitôt, laissant Stefan se redresser et rajuster son peignoir, il avait repris des couleurs.

— Tu m’as tellement manqué… murmurât-elle.

Elle soupira profondément, soulagée de cette heureuse issue. La tension nerveuse et l’angoisse éprouvées depuis toutes ces heures l’avaient enfin quittée. Stefan était vivant, devant elle… Tout allait s’arranger, finalement.

— Elena…

Aimantée par l’intensité do son regard, elle s’approcha de lui. Soudain, il éclata de rire.

— Dans quel état tu es !

Elle baissa les yeux sur ses vêtements. Son jean et ses chaussures étaient couverts de boue, son anorak déchiré perdait son duvet, et, en passant la main dans ses cheveux, elle sentit d’énormes nœuds. Quant à son visage, elle préférait ne pas y penser. Elena Gilbert, la reine du lycée, toujours impeccable jusqu’au bout des ongles, ressemblait maintenant à une clocharde !

— J’adore ton nouveau look ! Continua Stefan, hilare.

Elena éclata de rire à son tour, mais la porte qui s’ouvrit l’interrompit brusquement. Elle remonta hâtivement le col de son pull, et vérifia autour d’elle qu’aucun indice ne pût les trahir. Stefan s’essuya discrètement les lèvres.

— Eh ben, ça va drôlement mieux, on dirait ! s’exclama Bonnie en entrant dans la chambre.

Matt et Meredith, derrière elle, affichaient un air à la fois surpris et soulagé. La fille qui les accompagnait était à peine plus âgée qu’eux, mais l’autorité qu’elle dégageait la vieillissait, Mary se dirigea droit vers son patient et lui prit le pouls.