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– J’ai pris la liberté de faire tisser une quantité supplémentaire de tissu, au cas où vous-même ou bien l’un de vos amis en aurait besoin.

Markam lui en fut reconnaissant et lui dit qu’il serait trop heureux si le beau tissu que les deux associés avaient créé était apprécié à sa juste valeur – il ne doutait pas que ce serait à la longue le cas -, et que ce dernier pouvait fabriquer et vendre tout le métrage qu’il voulait.

Markam essaya le costume un soir, dans son bureau, après le départ de tous les employés. Il était content, mais un peu effrayé par le résultat. MacCallum avait fait son travail parfaitement, rien n’avait été omis qui pût ajouter à la dignité martiale de celui qui portait le costume.

«Bien sûr, je ne prendrai avec moi l’épée et les pistolets que pour les occasions extraordinaires», se disait Markam en commençant à se déshabiller. Il décida qu’il mettrait le costume pour la première fois en accostant en Écosse, et c’est ainsi que ce matin, alors que le Ban Righ attendait au large du phare de Girdle Ness que la marée entrât dans le port d’Aberdeen, Markam surgit de sa cabine dans toute la splendeur éclatante de son nouveau costume. Le premier commentaire qu’il entendit vint de l’un de ses propres fils qui ne le reconnut pas au premier abord.

– Quel drôle de type! Grands dieux! Mais c’est le paternel!

Et le garçon fila tout de suite et tenta de cacher ses rires sous un coussin du salon. Markam avait le pied marin et n’avait pas souffert du tangage du bateau; son visage naturellement rubicond fut encore plus coloré, s’il se peut, par la rougeur – dont il eut conscience – qui monta à ses joues quand il se trouva d’un seul coup le point de mire de tous les regards. Il souhaita de n’avoir pas été si hardi parce qu’il sentait quelque peu le froid sur la partie nue de sa tête, à côté du calot Glengarry si osé, posé d’une façon si brave. Toutefois, c’est avec courage qu’il fit face au groupe d’étrangers. Il ne fut pas trop affecté, tout au moins en apparence, quand quelques-uns de leurs commentaires lui arrivèrent jusqu’aux oreilles:

– Il est complètement marteau! dit un cockney vêtu d’un costume aux carreaux criards.

– On dirait qu’il est couvert de mouches, dit un Yankee grand et maigre, pâle à cause du mal de mer, et qui était en route pour s’installer un certain temps aussi près que possible des grilles du château de Balmoral.

– Heureuse idée! On devrait en remplir nos péninsules! C’est le moment! ajouta un jeune étudiant d’Oxford qui rentrait chez lui à Inverness.

Mais bientôt M. Markam entendit la voix de sa fille aînée:

– Où est-il? Où est-il? et elle arriva, se précipitant sur le pont, son chapeau rabattu derrière elle à cause du vent. (Son visage montrait des signes d’agitation, parce que sa mère venait de lui parler de l’accoutrement de son père; mais quand elle le vit, elle éclata aussitôt d’un rire si violent qu’il en devint hystérique. Quelque chose du même genre se produisit chez chacun des autres enfants. Quand ils eurent tous fini de rire, M. Markam retourna à sa cabine et envoya la bonne de sa femme dire à chaque membre de la famille qu’il voulait les voir immédiatement. Ils vinrent tous, cachant leurs sentiments aussi bien qu’ils le pouvaient. Il leur parla très calmement:)

– Mes chéris, est-ce que je ne vous donne pas tout l’argent dont vous avez besoin?

– En effet, père, répondirent-ils tous d’une voix grave, personne n’est plus généreux que vous.

– Est-ce que je ne vous laisse pas vous habiller comme bon vous semble?

– Oui, père (ceci sur un ton penaud).

– Alors, mes chéris, ne pensez-vous pas qu’il serait plus gentil et plus charitable de votre part de ne pas essayer de me mettre dans une situation inconfortable, même si je porte un habit qui vous paraît ridicule, bien qu’il soit assez ordinaire dans ce pays où nous sommes sur le point de séjourner?

Pour toute réponse, ils penchèrent leurs têtes. Il était bon père, et tous le savaient. Il fut tout à fait satisfait et continua:

– Maintenant vous pouvez aller. Courez! Amusez-vous! Nous n’en parlerons plus jamais. (Puis il sortit de nouveau sur le pont, et fit face courageusement au feu du ridicule, autour de lui, bien qu’il n’entendît plus aucune nouvelle raillerie.)

Mais l’étonnement et l’amusement qu’avait provoqués son accoutrement sur le Ban Righ n’étaient rien en comparaison de ce qu’il créa à Aberdeen. Les garçons et les badauds, les femmes avec leur bébé, qui attendaient dans le hangar du débarcadère, suivirent en masse [13] quand le groupe de la famille Markam prit le chemin de la gare; même les portiers avec leurs nœuds de cravate à l’ancienne mode, et qui attendaient, avec leurs chariots nouveau modèle, les voyageurs en bas de la passerelle, suivirent avec un ravissement émerveillé. Heureusement, le train pour Peterhead était sur le point de partir, aussi le martyre de Markam ne se prolongea pas plus longtemps. Dans le compartiment, le glorieux costume des Highlands ne se voyait point, et comme il y avait peu de monde à la station de Yellon, tout se passa bien là-bas. Mais quand la carriole approcha des Maisons-de-Crooken, et que les familles des pêcheurs eurent accouru sur le seuil de leur porte pour voir qui arrivait, l’excitation dépassa toute mesure. Les enfants agitaient leur bonnet et couraient en criant derrière la carriole; les hommes abandonnaient leurs filets et leurs appâts et suivaient; les femmes serraient leur bébé dans leurs bras et suivaient de même. Les chevaux étaient fatigués après leur long voyage aller-retour à Yellon, la colline était raide, aussi la foule eut-elle tout le temps de s’assembler, et même de précéder la carriole.