Il était trop tard. Elle ne pouvait plus entendre.
Voilà ce que l’enquête a établi et comment les choses se sont passées. Calhoune est descendue. Elle est sortie et s’est rendue à sa voiture. Elle a mis quelques secondes à trouver ses clés et encore quelques secondes à ouvrir la portière, ce qui se comprend dans son état d’imprégnation alcoolique. Elle a eu le temps de s’installer au volant et de mettre la clé de contact, mais pas celui de lancer le moteur.
Quand elle a porté les yeux sur sa gauche, Léon se trouvait à côté, les doigts sur la poignée de portière. Elle était toujours en tailleur sombre. Elle avait planqué dans sa voiture. Elle avait vu Calhoune monter. Léon a ouvert la portière. Ce qu’elles se sont dit tenait en peu de mots. Pour la seconde fois de la nuit, Calhoune a reconnu les faits. C’est parfois comme un besoin, de parler.
Léon a sorti son .357 administratif de son sac. Elle a tiré cinq fois coup sur coup. Elle avait rempli le barillet avec des cartouches calibre .38 à haute vitesse. L’une des balles a déchiré la trachée artère de Calhoune, une autre l’a frappée à la tempe gauche, lui a traversé le crâne et la balistique l’a retrouvée dans le mur d’en face. Toutes deux étaient mortelles. Les trois dernières n’étaient pas réellement indispensables.
La sixième, Léon s’en est servie chez elle deux ou trois heures plus tard. Elle avait mis de l’ordre et s’était étendue, toujours en tailleur sur son lit. Quand elle a entendu la machinerie d’ascenseur se mettre en marche, puis la cabine s’arrêter à l’étage, elle a pressenti que c’était pour elle. C’était bien pour elle. Elle a mis le canon du revolver dans sa bouche et elle a tiré. Je la vois le faire avec calme, à tête reposée.
Quand on a trouvé un serrurier pour fraquer la porte, Léon était déjà tombée dans le coma. Elle ne s’était pas manquée : elle n’en est jamais revenue. De nous quatre, il n’est resté que moi.
La mort, comme certaines femmes et quelques hommes, ne veut pas de ceux qui l’aiment trop.