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— Qui est là ?

Soudain, la lumière qui filtrait sous le pas d’une porte soigneusement close s’éteignit brusquement, puis ce fut le silence qui dura un instant. Enfin la première voix reprit :

— Répondez, c’est moi qui ai marché. N’ayez pas peur.

— Non, non je ne veux pas.

Puis, plus rien, le silence.

Vingt minutes environ passèrent sans que le moindre appel eût été formulé, sans qu’aucune des objurgations faites n’eût été reprise. Et cependant, quelqu’un de l’autre côté de la porte, non pas dans la pièce qui la fermait, mais dans l’antichambre, attendait anxieusement :

 Cette personne n’était autre qu’Hélène. La jeune fille, abasourdie, semblait stupéfaite, affolée. Après être demeurée comme prostrée dans cette antichambre où il faisait froid, où l’on n’entendait plus rien, lasse évidemment, d’insister pour se faire ouvrir la porte à laquelle elle frappait, la jeune fille en poussant un profond soupir, recula lentement. Elle parvint au faîte d’un escalier, en prit la rampe, comme si elle eût craint d’être trahie par ses forces, puis elle descendit les marches une à une, en tapinois.

Arrivée au bas de l’escalier, dans le grand hall de la maison où elle se trouvait et qu’éclairait médiocrement une petite ampoule électrique, la jeune fille s’arrêta et avisant une bergère, s’y laissa tomber exténuée. Où se trouvait Hélène ? que lui était-il donc arrivé ?

La jeune fille, comme dans un rêve, revit les derniers événements.

À peine était-elle sortie du wagon pénitentiaire, qu’en arrivant au sommet de l’échelle, tirée par le haut, elle s’était trouvée soudain en présence d’hommes masqués, enveloppés de grands manteaux et qui s’étaient jetés sur elle, l’avaient ligotée, bâillonnée, puis installée de force dans une automobile qui avait roulé pendant la moitié de la nuit.

Le trajet avait duré trois heures environ, et il devait être deux heures du matin, lorsque le véhicule enfin s’était arrêté. On avait alors fait descendre Hélène, on lui avait ôté les liens qui la maintenaient prisonnière et, lorsqu’elle avait repris l’usage de ses membres, elle s’était rendu compte qu’elle se trouvait à l’intérieur d’une maison inconnue, au rez-de-chaussée d’une propriété déserte.

L’automobile qui l’avait amenée avait disparu. Hélène, rebroussant chemin, avait d’abord essayé de sortir du mystérieux immeuble, mais la porte du rez-de-chaussée, par laquelle on l’avait fait entrer était maintenant fermée à clé.

La jeune fille alors, surmontant son émotion et sa fatigue, avait eu l’audace de vouloir se rendre compte, d’une façon aussi nette que possible, de l’endroit où elle se trouvait. Elle avait ouvert une porte, puis une autre et successivement elle avait parcouru des pièces nombreuses, toutes désertes, misérablement meublées de quelques chaises, Hélène avait crié, appelé, nul ne lui avait répondu. La jeune fille cependant, ne s’était pas découragée. Voulant à toutes forces savoir, elle était montée au premier étage, et là, toute palpitante d’émotion, elle avait entendu de légères rumeurs qui déterminaient chez elle un cri de défiance et d’angoisse. Croyant que quelqu’un s’approchait d’elle, elle avait crié : Qui va là ? Puis, elle avait vu filtrer de la lumière sous une porte, elle s’était rapprochée, un bref dialogue s’était engagé alors avec une personne qu’elle imaginait être une femme. De nouveau la nuit et le silence.

Lasse d’attendre et terrassée par la fatigue, Hélène était alors descendue, revenue au hall du rez-de-chaussée dans lequel ses mystérieux ravisseurs l’avaient fait pénétrer tout d’abord, elle s’était endormie au fond d’une bergère.

Hélène dormit longtemps sans doute, car le crépuscule tombait déjà lorsque la jeune fille avait ouvert les yeux. Elle avait regardé autour d’elle stupéfaite, sans même avoir bien conscience de ce qui se passait.

À ses côtés, la considérant avec douceur, s’était penché un visage tout souriant. Or, la fille de Fantômas, stupéfaite de cette apparition, ne songeait qu’à la regarder sans mot dire, lorsqu’elle entendit qu’on lui disait :

— Hélène, reconnais-moi donc ?

— Blanche Perrier, est-ce possible ? c’est toi ?

— Oui Hélène. Oui c’est bien moi. Comme je suis heureuse de te revoir !

Et instinctivement, sans en demander davantage, les deux femmes dans un besoin spontané de tendresse et d’affection, se jetèrent dans les bras l’une de l’autre et s’étreignirent tendrement.

Naguère, Hélène et Blanche s’étaient rencontrées, connues, aimées.

La fille de Fantômas, en effet, au cours de son aventureuse existence avait connu la modeste ouvrière dont elle avait apprécié les grandes qualités de courage et de cœur, elle s’était intéressée à elle, l’aidant de ses conseils. Hélène avait assisté à l’amour naissant de Didier Granjeard pour la jeune ouvrière. Puis, brusquement, les hasards de la dramatique existence que vivait la fille de Fantômas l’avaient séparée de son amie dont elle conservait cependant un agréable souvenir, alors que, de son côté, Blanche Perrier gardait à Hélène, au fond de son cœur, une affection très sincère.

Les premières effusions passées, Hélène retrouva toute sa présence d’esprit, sa netteté de raisonnement quasi masculine pour interroger cette amie qu’elle retrouvait dans des conditions si extraordinaires :

— Où sommes-nous ? demanda-t-elle.

— Je ne sais pas. Nous sommes ici dans une maison, grande, déserte, abandonnée, aux fins fonds d’une campagne, c’est tout ce que je puis te dire, c’est tout ce que je sais.

— Tu plaisantes, Blanche ?

— Je te dis la vérité.

— Où est Jérôme Fandor ? qu’est-il devenu ?

— Jérôme Fandor ? devait-il donc venir ici ?

La jeune femme avait bien entendu parler, longtemps auparavant, du célèbre journaliste, aussi populaire que Juve, aussi notoire que Fantômas. Mais elle ignorait totalement les relations qu’il pouvait y avoir entre Hélène, son amie, et Jérôme Fandor.

— Que lui veux-tu donc ?

— Ce que je veux ? s’écria Hélène, mais Blanche, c’est mon sauveur. Songe donc qu’hier encore, j’étais captive, enfermée dans une affreuse et sinistre prison, c’est lui qui m’en a fait échapper ! M’a-t-il conduite ici ou ai-je été arrachée à sa sollicitude ?

Mais Blanche ne suivait pas. Soudain, Hélène changea de sujet. Elle demanda :

— Es-tu seule dans cette maison ?

— Il me semble que je suis seule, avec mon enfant, mon petit Jacques.

— Alors, continua Hélène, c’est toi qui m’as parlé cette nuit, de l’autre côté de la porte fermée, au premier étage ?

— Non, déclara Blanche, je ne t’ai pas parlé.

— Tu ne m’as pas entendue appeler ?

— Je n’ai rien entendu, j’ai même dormi d’un sommeil lourd, profond.

— Je t’assure, que… À moins qu’il n’y ait une autre femme ici, ce qui, d’ailleurs, est fort possible… Blanche, viens avec moi, mais auparavant, explique-moi ce que tu veux faire ? De mon côté, c’est clair : je m’en vais, je pars, je quitte cette maison.

— Non, ne me quitte pas.

— Mais, je t’emmène.

— C’est impossible. Nous ne devons sortir ni l’une, ni l’autre, c’est défendu.

— Alors, je partirai seule.

— Je t’en prie Hélène, ne fais pas cela, je serais obligée de t’en empêcher.

— De m’en empêcher ?

— De t’en empêcher. Tu es ici, enfermée prisonnière…

— Moi ? ah, par exemple, mais pourquoi veux-tu que je reste ?

— Parce que j’ai peur.

— Serais-tu devenue mon ennemie, Blanche ?

— Oh, Hélène, tu as pu croire un seul instant ? Non, mais si j’agis de la sorte, si je te supplie de rester, si je t’y oblige, c’est pour ton bien, assurément, car, en agissant de la sorte, je ne fais qu’exécuter les ordres de Juve.

— De Juve ? s’écria Hélène, au comble de la stupéfaction, tu connais Juve ? Il t’a parlé de moi ?