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Le Bedeau fit mine de partir, malgré sa terreur de l’obscurité, il allait s’enfoncer dans l’ombre. Hélène le rappela :

— Le Bedeau.

— Qu’y a-t-il ?

— Un dernier mot. Pour le compte de qui agis-tu ici ? quel est ton maître ? qui t’a institué gardien de Blanche Perrier ?

— Nous le connaissons mieux que le Diable, toi et moi, la Guêpe. T’as compris ?

La jeune fille hocha la tête, en palissant.

Le Bedeau se retira. Il était à peine sorti que Blanche Perrier qui avait assisté à ce dialogue étrange sans y comprendre grand-chose, se précipitait vers son amie.

— Puisque tu connais cet homme, suggéra-t-elle, tâche d’obtenir de lui qu’il nous libère. Plus je reste ici et plus je me sens devenir folle, je mourrai de peur.

— Rien à faire avec cet homme-là. Le Bedeau est l’être le plus lâche et le plus redoutable à la fois qu’il soit au monde. Par peur, il est capable de tout et ne sert réellement les intérêts que d’un seul homme, celui qui l’a terrifié et qui le terrifie toujours.

— Quel est donc cet homme ?

Hélène ne dit rien.

La jeune fille songeait à l’histoire extraordinaire que le Bedeau lui avait rapportée quelques instants auparavant. Que signifiait cette découverte de trésor dissimulé dans ce souterrain et le fantôme, venant plonger dans le plus profond émoi l’homme cruel, brutal, sans doute, mais primitif aussi qu’était le sinistre Bedeau ? Et un désir insurmontable, immense, pressant, de savoir, s’empara de la jeune fille :

— Que fais-tu ? interrogea Blanche en voyant Hélène se diriger vers la porte, où vas-tu ?

— Je vais à la recherche du fantôme qui a fait peur au Bedeau.

— Hélène, ne fais pas cela, ne me laisse pas seule, supplia Blanche terrifiée.

— Alors, viens avec moi ?

Mais Blanche montrait son enfant :

Laissant Blanche terrorisée à l’idée de rester quelques instants seule, Hélène, bravement, s’achemina vers le rez-de-chaussée, puis descendit au sous-sol : à l’entrée des caves elle trouva un marteau, elle s’en empara, estimant qu’à tout hasard il valait mieux être armée.

Puis, se souvenant des indications du Bedeau, elle s’engagea dans le souterrain.

Un instant après, alors qu’elle ouvrait une porte de cave, un violent courant d’air s’éleva. La petite lampe qu’elle tenait à la main s’éteignit. En même temps un bruit vague, indistinct, comme une sorte de gémissement se fit entendre.

Le cœur d’Hélène battit à rompre :

— J’ai beau dire, pensa-t-elle et faire la brave, j’éprouve tout de même une certaine émotion, que diable se passe-t-il dans ce souterrain ?

La jeune fille eut l’idée, un instant, de retourner sur ses pas, de remonter.

— Bah, pensa-t-elle, s’il y a là des malfaiteurs, ils sauraient assurément où nous trouver. Ils se seraient déjà emparés de nous.

Hélène s’avança à tâtons dans le noir. De son marteau qu’elle tenait de la main droite elle auscultait les parois du souterrain qui résonnaient sourdement avec des bruits mats. Au bout d’une demi-minute, la jeune fille s’arrêta encore. Non seulement elle avait entendu du bruit, mais elle avait aperçu une lueur au loin.

En l’espace de quelques secondes, cette lueur augmenta, se précisa. Hélène éblouie d’abord, se jeta instinctivement de côté, se dissimula dans une anfractuosité de la paroi du souterrain creusée à même le sol, puis elle regarda :

Un spectacle terrifiant. Du fond du souterrain arrivait une flamme, une lumière qui vacillait, avait d’étranges soubresauts. Tout d’abord, on ne voyait que cette lumière qui paraissait suspendue dans le vide, mais peu à peu, au fur et à mesure que le regard d’Hélène s’habituait à l’obscurité, elle découvrait, se silhouettant, derrière le lumignon, une forme blanche, imprécise, qui avançait lentement.

— C’est le revenant, pensa-t-elle, le revenant qui a terrifié le Bedeau tout à l’heure.

Sans un geste, s’interdisant même de respirer profondément, Hélène attendit que la forme mystérieuse et sépulcrale se fût approchée d’elle.

Son cœur battait à rompre lorsque la forme blanche la frôla sans s’en apercevoir.

Mais à ce moment, Hélène se précipita sur l’être fantomatique qui passait et un grand cri retentit : l’apparition s’était jetée à terre, la lumière s’était éteinte, l’apparition hurlait d’une voix blanche, jeune, presque féminine :

— Ah, Bon Dieu, ne me faites pas de mal.

— Obéis-moi et viens. N’essaie pas de résister.

— Ah, n’ayez pas de doute à cet égard, continua la voix qui, tout d’un coup devenait plus rassurée, presque gouailleuse, si vous croyez que c’est rigolo d’errer comme ça dans des souterrains où l’on ne rencontre que des squelettes ou des singes, moi je commence à en avoir ma claque de ce truc-là, et quitte à recevoir une raclée, je préfère qu’elle me soit administrée par quelqu’un de vivant.

Sans répondre, Hélène, intriguée au plus haut point, refit avec son énigmatique et mystérieux prisonnier le chemin qu’elle avait parcouru. Elle retrouva dans l’obscurité l’entrée de la cave, les marches qui conduisaient au hall, puis, sitôt au rez-de-chaussée, elle examina sa capture.

C’était un être, garçon ou femme, vêtu d’une longue blouse blanche et dont le visage, les cheveux, étaient saupoudrés de plâtre, de débris de toutes sortes.

Vu le peu de lumière qui éclairait le hall, Hélène n’identifia pas nettement l’être dont elle s’était emparé et qui, d’ailleurs, abasourdi, abattu, semblable à une loque, n’essaya pas de lui résister.

Hélène le tenant par l’oreille, lui fit monter l’escalier.

Puis, après avoir traversé le couloir, elle poussa brusquement son extraordinaire capture dans la pièce où Blanche l’attendait terrorisée :

— Voilà, s’écria-t-elle, le revenant que j’ai ramassé dans le souterrain.

Elle s’attendait à une exclamation de terreur de la part de Blanche, ce fut un cri de joie qui s’échappa des lèvres de la jeune femme :

— Riquet ! s’écria-t-elle, ah, par exemple !

Après un instant de stupéfaction, le fantôme s’agita, secoua la tête, ce qui fit tomber autour de lui un amas de poussière épaisse et blanche, puis, il s’avança vers Blanche et lui tendit une main toute couverte de plâtre :

— Excusez-moi, madame Blanche, de vous arriver aussi sale, mais on ne choisit pas toujours sa façon de voyager. L’essentiel, c’est que je sois là. Par exemple, mademoiselle-là a des façons de vous inviter à la suivre qui ne sont pas ordinaires. Pour un peu, je lui aurai laissé la moitié de mes esgourdes entre les doigts. Mais ce n’est pas tout ça. Ma chère Blanche, déclarait-il, on n’est pas là pour s’amuser à enfiler des perles, je suis venu te chercher, on va se débiner ensemble, pas vrai ?

Blanche allait répondre, mais Hélène lui fit signe. Des bruits dans l’escalier. Des bruits de pas lourds et pesants, le Bedeau remontait. L’homme avait fini sa ronde, il venait voir les prisonnières, devait-il rencontrer Riquet ?

— Cache-toi, dit Blanche.

Il disparut derrière une portière. Il était temps, le Bedeau rentrait dans la pièce :

— J’ai entendu du bruit dans la maison, fit-il, d’un air soupçonneux. Qu’est-ce que c’est que ça ? Vous savez, vous autres, les femelles, qu’il vous est interdit de bouger sans ma permission.

— Ne te fâche pas, le Bedeau, nous ne voulons pas t’attirer d’ennuis, bien au contraire et la meilleure preuve, c’est que j’ai été moi-même, il y a quelques instants, dans les caves d’où tu venais, j’ai regardé, fouillé partout, aussi loin que j’ai pu voir, il n’y a personne dans les souterrains, pas le moindre revenant.

— Ah, dit le Bedeau, et la cassette ? le trésor ? est-ce qu’il est toujours là ?

— Je suppose, nul n’a touché à rien et si le cœur t’en dit, tu peux retourner voir.

— Oh, fit-il, ce ne sont pas les vivants qui m’inquiètent. C’est même tout juste si j’ai peur des morts. Allons, bonsoir vous autres, et tâchons d’être sages.